« Dans le groupe Paprec, les syndicats, ça existe pas » interview de Mahamadou Kanté, syndicaliste CGT (Partie 2)

Suite de notre interview de Mahamadou Kanté, délégué syndical CGT à Paprec La Courneuve, qui mène le mouvement de grève. Merci à Mahamadou Kanté pour son temps et ses paroles.

Jeunes Révolutionnaires : Tu revendiques une augmentation des salaires de 10 % ?

Mahamadou Kanté : Il y a eu une discussion avec le directeur qui m’a demandé de justifier pourquoi j’ai demandé ces 10 %.
J’ai vu un courrier, une « Note spéciale » du président du groupe faite le 5 avril 2017. Elle dit quoi ? Il est écrit : « Dans cette industrie, plus d’1 milliard d’investissement ». Financé par les banquiers.

J’ai d’autres documents envoyés à un salarié, à la fin de l’année 2017, qui indiquent un chiffre d’affaire d’1,5 milliard d’€. En plus, Paprec achète une société appelée Coved en 2017. En 2018, une société appelée Deroo. Ils sont en train d’investir l’argent dans le « Grand Paris » et en Chine, en Suisse, en Inde. Mais les salariés, nous, on demande une augmentation, on nous dit non. Le site de la Courneuve c’est le premier du groupe, alors que Paprec actuellement c’est 200 agences. Il y a certaines agences, chez Paprec, qui ont plus de salariés qu’à la Courneuve, mais la Courneuve est à la base.

Donc ces salariés ont demandé plusieurs fois des augmentations de salaire, en 2016, 2017, 2018… On a envoyé un courrier pour discuter, tout a été refusé. Pourquoi ? Quand tu demandes ça maintenant, on te demande de « justifier ». Alors oui, je peux justifier !

S’il n’y a pas d’argent, pourquoi ils achètent des camions, pourquoi ils font du recrutement, pourquoi ils investissent dans le « Grand Paris » ? Pourquoi Paprec est dans tous les domaines en ce moment ? Alors que moi j’ai 15 ans d’ancienneté, il y a des salariés qui sont là depuis 4 ou 5 ans, qui ont des augmentations de salaire individuelles parce qu’ils sont proches de l’employeur.

Moi, je n’ai jamais rien eu pendant 15 ans, et tout de suite après mon mandat, j’ai été attaqué. Je peux vous dire aussi, que dans le transport routier, il y a eu un accord salarial en mars 2018. Cet accord n’est pas appliqué. La discrimination à Paprec, c’est que sur le même poste, ceux qui sont syndicalistes ne seront jamais augmentés. C’est ça leurs moyens de pression : le salaire, et le syndicat, surtout la CGT.

JR : Est-ce que tu peux nous raconter comment s’est construit le mouvement de grève à Paprec ?

M. K. : Le mouvement de grève ici a été bien construit, et j’espère qu’il va continuer et qu’on va obtenir gain de cause. Pourquoi une grève ? D’abord on a demandé plusieurs fois à rencontrer la société, ils ont refusé. Deuxièmement, les salariés n’en peuvent plus, parce qu’au même poste il y a des grosses différences de salaire par la politique anti-salariés et anti-syndicalistes de Paprec.

La grève est bien organisée, je remercie tous les camarades qui sont venus nous soutenir, la CGT, les sympathisants et les militants, les étudiants, la presse, les partis politiques… Le mouvement était avec les jeunes, les organisations syndicales, l’Union Départementale et l’Union Locale, les élus de la Courneuve. La grève, on va y aller jusqu’au bout.

On a des négociations qui ont commencé, la direction a enfin accepté le « dialogue social ». Mais nous, on a notre plateforme de revendications qu’on a proposé à la direction. Si ils acceptent ça, ok, mais s’ils le refusent, la prochaine fois ça ne sera pas qu’à la Courneuve, il y aura grève dans les 200 agences. Même dans le sud on a des contacts, c’est possible de faire un mouvement à Marseille, à Lyon, Toulouse, Gennevilliers, Blanc-Mesnil… Je pense qu’au niveau des salariés, 80 % sont derrière nous. Sans aucun doute.

Quand j’entends le directeur régional dire à la radio « Je suis toujours d’accord avec le dialogue social. », ça fait rire parce que c’est le même à qui on a demandé une rencontre et qui a refusé. Pour nous, la grève va continuer, et je trouve que c’était super bien. Je suis trop content de la présence des camarades qui ont été bien soutenus partout, du nord au sud. S’il n’y a pas un accord, la semaine qui vient on va continuer la grève, même si ça doit durer un mois ou deux mois, on va continuer.

JR : Sur le piquet de grève on a entendu aussi des accusations envers la direction de Paprec de racisme, est-ce que tu confirmes ?

M. K. : Le directeur de Paprec dit « Je suis antiraciste, je lutte contre les discriminations », mais pour moi, Paprec c’est une société capable de tout. Je dis ça parce que ce n’est pas une société qui respecte la dignité des salariés. Ils ne pensent qu’à leurs intérêts. Je peux dire que je suis victime du racisme.

Avec mon camarade on peut dire qu’on a subi des choses par notre couleur de peau, alors que la loi dit qu’aucun salarié ne peut être sanctionné vis à vis de ça, de sa religion, de ses idées politiques ou de son activité syndicale. Donc Paprec, ils sont engagés dans la répression dans tous ces domaines, que ce soit le syndicalisme, la politique…

Je dis qu’ils font de la discrimination aussi parce qu’une fois, un directeur m’a dit « Je sens qu’il y a les élus du parti communiste qui sont derrière toi, mais c’est fini le parti communiste ». Pourquoi un directeur me dit ça ? Sur le racisme, tous les délégués qui sont là-bas, noirs et arabes, ils ont été traités comme des chiens. Ils en ont rien à foutre de ces gens là. Dés que tu vas relever la tête, ils vont t’attaquer. Bien sûr, nous sommes victimes de répression syndicale, de harcèlement moral et de racisme aussi, je vous le confirme.

JR : Dernière question, comment aider la mobilisation de Paprec, qu’on soit syndiqué ou pas, engagé ou pas ?

M. K. : Avec la grève vous voyez, on est pas seulement la CGT mais aussi les sympathisants. Vous voyez les Gilets Jaunes, ils sont tous ensemble, même s’ils sont pas syndiqués, je trouve ça très bien. C’est pareil pour tous les salariés, je vais pas forcer à prendre la carte à la CGT, mais être syndiqué c’est très important parce que ça peut nous permettre de travailler ensemble.
A la grève, il n’y avait pas que la CGT, il y avait aussi SUD et d’autres syndicats qui étaient avec nous. Je pense que c’est très important pour les salariés d’être syndiqués, et pour tous les gens avec nous, même ceux qui sont pas actifs, comme les retraités. Ça, c’est important vis à vis de nos forces, car si on a peu de monde, on ne peut pas gagner nos revendications par la grève.

Les jeunes, les étudiants, ils peuvent montrer la différence entre ce que dit Paprec à la presse et ce qui est fait sur le terrain. Les partages des photos de la grève sur les réseaux sociaux, ça permet aux gens de regarder, de savoir ce qu’il se passe dans cette entreprise. Cette entreprise, où ils disent qu’ils sont anti-racistes, qu’ils recrutent des blacks et des maghrébins, alors que sur le terrain c’est totalement faux. Les étudiants et les jeunes, grâce à la plateforme militante, grâce à vous, on a réussi à obtenir cette grève là, à travailler ensemble pour nous soutenir logistiquement dés le matin, dans le froid.

Franchement, je suis très content du travail que vous avez fait pour nous, je vais pas l’oublier. Quelle que soit la société, on peut travailler ensemble. C’est pas que le cas de Paprec, ça a été fait à Geodis ou dans d’autres entreprises. Et on va continuer à vous donner des informations pour prouver que ce que dit Paprec aux médias sur la grève, c’est faux.

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