Paru en mars 2018, « Une histoire populaire du football » raconte une histoire du football dans laquelle les protagonistes principaux sont les masses populaires. Des clubs ouvriers de l’écosse de la fin du XIXe siècle au « 11 de l’indépendance », équipe nationale de l’Algérie révolutionnaire, de nombreux aspects du football sont traités d’un point de vue révolutionnaire.
La grande force du livre est de voir d’abord le foot comme un espace de socialisation avant d’être un sport, et encore plus, avant d’être le « sport roi ». Les tribunes sont ici traitées de la même façon que les équipes, toutes les parties prennantes de la « sociabilité foot » sont traitées de la même façon. On en apprend autant sur les grands joueurs marxistes ou marxisants que sur les grands mouvements de supporters impliqués dans des contre cultures voir des épisodes révolutionnaires. L’importance de la sociabilité dans les bars, dans les organisations « ultras », ou même au travail, sont évoqués.
En traitant le football de cette manière, Mickael Correia nous permet de voir l’expression des contradictions dans la société ; en particulier les contradictions entre classes, entre nations opprimés et nations impérialistes, ainsi que la contradiction patriarcale au sein du peuple. Cette vision nous permet de revenir, en abordant le thème du foot, sur les grands mouvements populaires qui ont marqué leur époque et dont l’influence s’est faite ressentir dans le football. Le livre, en abordant le football, vulgarise ainsi une partie de l’histoire révolutionnaire des masses partout sur la planète ; aborde les luttes contre les dictatures de l’amérique du sud des années 70 ou la grande vague indépendantiste d’après guerre, les puissantes luttes des classes de l’Europe du début du Xxe siècle ou de Mai 68…
Toutefois, on trouve aussi dans ce livre de nombreuses faiblesses. Si de grandes tendances marquantes sont traitées (sous culture « hool » et « ultra », « sport rouge » socialiste et communiste, clubs féminins de la première guerre mondiale…), des choses plus « anecdotiques » sont traitées de la même façon : il est dont difficile, parfois, d’avoir un aperçu de la réalité du football dans un contexte ou un autre tant l’anecdotique masque les tendances de fond.
De plus, la méthode d’analyse est parfois étrange. L’auteur n’aborde qu’un aspect de la contradiction, et ne regarde que le football « anti institutionnel », sans jamais quasiment aborder l’aspect immensément populaire du « foot-buisness » et de l’analyser. Si l’auteur voit bien les contradictions qui s’expriment dans le football, il ne fait pas de la contradiction son modèle d’analyse. L’auteur est en effet journaliste indépendant pour Jef Klak et CQFD, fanzine belge et journal d’analyse indépendant Marseillais, tous deux d’inspiration libertaire. On se retrouve donc parfois à voir côte à cote de les « deux totalitarismes » soviétiques et nazis, ou encore une place plus importante pour les groupes ultra d’extrème droite anglais que pour la finale de la coupe du monde, regardée par près de la moitié de la planète…
L’aspect politique et idéologique est également très peu abordé ; la politique ne semble être pour l’auteur qu’un ensemble d’idées sans lien avec la réalité plutôt qu’un reflet de celle ci, chose que l’on peut voir dans la manière de traiter les « firms » fascistes anglaises.
En somme, le livre est très intéressant, le travail de recherche est impressionant mais l’analyse et la méthode sont parfois étrange et les désacords politiques avec un ouvrage libertaire peuvent être nombreux.