Arte a récemment sorti une série documentaire en trois parties sur l’histoire du trafic de drogue. Disponible sur YouTube (Partie 1, Partie 2, Partie 3), cette série, qui se focalise principalement sur le trafic de cocaïne et d’héroïne, montre comment l’impérialisme et le capitalisme utilisent tantôt le trafic de drogue, tantôt la lutte contre celui-ci, pour asservir les populations. Le documentaire permet parfaitement d’illustrer la façon dont la « lutte contre la drogue » menée par les capitalistes ne se fait jamais pour des raisons de santé publique mais toujours pour des raisons géostratégiques et économiques.
Partie 1 : L’ère des empires
La première partie du documentaire est consacrée aux origines du trafic de drogue. Le documentaire remonte à l’origine du trafic d’opiacés et aux guerres de l’opium opposant les grandes puissances à la Chine entre 1839 et 1860. Ces guerres, qui avaient pour prétexte le contrôle de la production et de la distribution d’opium, visaient en réalité principalement à permettre aux grandes puissances impérialistes de prendre le contrôle du marché intérieur chinois. C’est à cette période là que les pays capitalistes amorcent leur développement en puissances impérialistes : le commerce de la drogue annonce cette nouvelle époque. C’est là le fondement même de l’impérialisme : trouver de nouveaux débouchés pour écouler des marchandises. Cette première partie du documentaire montre également comment les grandes entreprises pharmaceutiques, Bayer notamment, ont prospéré à leur création sur la vente d’opiacés, notamment d’héroïne, mais aussi de produits non opioïdes, comme la cocaïne. Enfin, la première partie de cette série-documentaire revient sur les liens entre les services de renseignement des États et le narcotrafic. En effet, le documentaire montre comment les États-Unis se sont appuyés au sortir de la seconde guerre mondiale sur la mafia sicilienne pour gérer le sud de l’Italie et limiter l’influence des communistes. Les services secrets français, quant à eux, sont allés jusqu’à gérer directement la production et la distribution d’opiacés en Indochine dans le but de soutenir l’effort de guerre contre le Viêt Minh. Dans le même temps, les États socialistes, et notamment la Chine, menaient une lutte implacable et efficace contre la production et le trafic d’opium, infligeant des coups importants aux puissances impérialistes qui s’appuyaient notamment sur la culture du pavot pour asseoir leur domination, et réduisant également drastiquement la toxicomanie en Chine.
Partie 2 : L’heure des barons
La deuxième partie du documentaire nous montre comment la « guerre contre la drogue » déclenchée à partir de 1969 par le Président Nixon n’a pas permis d’enrayer les trafics. Les nombreuses campagnes de répression du trafic de drogue menées par les États-Unis ont causé la mort de dizaines de milliers de civils en Colombie où est produite la majorité de la cocaïne, mais également en Birmanie où est produite une bonne partie du pavot qui sert à la production d’héroïne. En utilisant des produits chimiques extrêmement toxiques pour détruire les champs de pavot et de coca, les États-Unis ont causé des dommages irréversibles à l’environnement et causé l’exil de centaines de milliers de personnes. Ces campagnes militaires ont également entraîné un changement de stratégie de la part des narcotrafiquants, qui se sont réorganisés sous forme de cartels au Mexique, en Colombie mais également en Thaïlande et en Birmanie. Ces cartels, dont les barons ont accumulé des milliards de dollars, ont pendant longtemps fait régner la terreur dans les territoires qu’ils contrôlaient, mais ils ont également acheté la paix sociale en distribuant massivement de l’argent à la population. La guerre contre la drogue a ainsi amené de nombreux cartels à jouer un rôle para-étatique, avec la création de milices paramilitaires, souvent composées d’adolescents pauvres. Cette partie du documentaire nous montre également comment les États impérialistes s’accommodent sans problème de l’existence de Narco-États lorsque ceux-ci ont vocation à lutter contre les mouvements communistes révolutionnaires. En effet, en Colombie, la « guerre contre la drogue » menée par les États-Unis et l’État colombien a principalement visé l’insurrection communiste des FARC, et non les milices paramilitaires fascistes qui géraient pourtant la quasi totalité de la production et de la distribution de cocaïne. Ces milices paramilitaires ont même fini par quasiment contrôler tout l’État colombien… Et ce au nom de la lutte contre la drogue, qui n’était rien d’autre qu’une lutte contre les mouvements communistes. On peut également voir dans cette partie du documentaire à quel point la corruption est généralisée dans de nombreux États, qu’ils soient impérialistes ou dominés par l’impérialisme. Cette corruption, qui est inévitable sous le capitalisme, permet aux trafiquants de drogue de prospérer et de blanchir leur argent avec la complicité du système bancaire, au détriment de la santé de pans entiers de la population qui se retrouvent dépendants de substances mortelles.
Partie 3 : Territoires perdus
La troisième partie du documentaire traite des aspects plus contemporains du trafic de drogue, depuis la chute des grands cartels en Colombie et en Birmanie. La mondialisation et le libre échange généralisés ont grandement facilité le transport et la distribution de la drogue, faisant exploser les bénéfices qui y sont associés. Dans le même temps, la domination impérialiste des États-Unis sur de nombreux territoires force les populations rurales pauvres à faire pousser de la coca ou du pavot pour survivre (comme on peut le voir dans ce reportage de Brut au Mexique). En Afghanistan, les sanctions économiques impérialistes ont poussé le régime ultra réactionnaire des talibans à s’appuyer sur le trafic d’héroïne pour assurer le fonctionnement économique du pays, et depuis la chute du régime, les talibans ont continué leurs trafics afin de se financer et d’acheter des armes, ce qui leur permet de continuer leurs activités paramilitaires. Tout cela a fait qu’aujourd’hui une grande partie de la population afghane est totalement accro à l’héroïne, ce qui cause des milliers de morts. Au Mexique, la guerre entre les petits réseaux de trafiquants fait des milliers de morts, mais tant qu’il y a des consommateurs et de l’argent à gagner, le trafic continue, et l’État ferme les yeux, ou est même parfois carrément complice du fait de la corruption.
Le documentaire finit sur une conclusion très juste : « Tant que la guerre visera le trafic de stupéfiants et pas les causes de leur usage, nous vivrons dans un univers mafieux en perpétuelle mutation. Le monde des drogues a été créé par nos choix de société et notre système économique. La seule solution est d’en changer ». Avec cette conclusion si juste, le documentaire nous rappelle que c’est bien la pauvreté, l’exclusion sociale, le fait de ne pas trouver de sens à sa vie, les traumatismes etc qui causent la consommation de drogues et donc l’addiction. Une abolition totale de l’addiction mortifère aux drogues ne sera possible que dans une société émancipatrice, une société dans laquelle chacun peut avoir des bonnes conditions d’existence et trouver un sens à sa vie sans avoir à s’injecter du poison dans les veines. Cette société, c’est la société socialiste-communiste, et nous ne l’atteindrons que par la révolution !