En Allemagne, le football a repris, pour le plus grand plaisir des fan de football… ou pas. Le football à un intérêt principal, c’est le fait que tout peut se jouer en instant. Sur une seconde, un match peut basculer, ce qui provoque des célébrations spontanés des joueurs et des frissons dans le stade, des réactions de dizaines de milliers de personnes et une tension permanente, une possibilité pour le plus faible de « retourner la situation ». Le public, au football, à donc un intérêt essentiel. Les équipes à domicile gagnent bien plus souvent qu’à l’extérieur ; en raison de multiples facteurs : fatigue du voyage, terrain, stade, supporters… Le football sans le peuple, ce n’est plus le football. Le basculement innatendu, la tension, n’existent plus.
Mais le football est aussi une industrie, où de la valeur est extraite de toute une production. Il y a un profit immense sur le football. Les droits télévisés montrent à quel point cette industrie accumule du travail ouvrier et permet la création d’une valeur d’usage, et d’un profit. Tous les pays impérialistes, sauf la France et quelques autres, où la situation est tendue, vont relancer les championnats. Et c’est tout un symbole.
D’abord, beaucoup de footballeurs ont gardé une conscience prolétarienne. Il y a une grave épidémie, et on montre un mauvais exemple aux masses. C’est la position, par exemple, de Wayne Rooney : « l’inquiétude, ce n’est pas pour nous, les joueurs, si on devait se blesser, mais plus si on devait rapporter le coronavirus chez nous et infecter nos proches, il y a des vies en jeu, a-t-il rappelé à l’édition dominicale du Times. Ce qui me surprend le plus, c’est le peu de cas qu’on fait de notre avis. Je n’ai pas eu un seul appel de l’EFL du du syndicat des joueurs professionnels pour connaître le sentiment des joueurs de Derby à propos d’une reprise.». Rooney à grandis dans les quartiers populaires de Crotext, à l’est de Liverpool, et reste très lié aux masses. Mais il n’est pas le seul et de nombreux autres joueurs se sont exprimés. A l’instar des ouvriers de nombreuses industries non-essentiels, les joueurs ne veulent pas se mettre en danger, et surtout, ne pas mettre en danger leurs proches, eux même en lien avec les masses pauvres, où la mortalité est très élevée.
Ensuite, les stades sont vides. Et c’est un autre aspect de la reprise. Si un match pro déplace 200 personnes, en comptant le staff, les équipes techniques, etc, on ne peut pas se permettre de réunir des dizaines de milliers de personnes. Et les matchs ont un rendu pour le moins étrange. Il n’y a aucune réaction du public, aucune ambiance, aucune fête. Les joueurs ne s’approchent pas les uns des autres, les célébrations sont encore plus forcés qu’à l’habitude. Les joueurs n’ont pas joué un match, même amical, depuis des semaines, il n’y a pas d’intensité. L’aspect sportif, les dynamiques des équipes, sont totalement faussés. Bref : c’est une destruction de tout l’aspect sportif, populaire du football, pourtant bien entamé, au profit des droits télévisuels.
Mais de nombreux clubs menacent de faire faillite et le choix est forcé par l’impératif économique. A travers le foot, nous voyons toute l’absurdité d’un système permettant de construire des stades, des maillots, des télévisions, des matchs de football, d’immenses show, mais incapable de maintenir l’appareil productif, même quand les machines, les infrastructures et la force de travail sont à peine égratignés.