Le prolétariat brésilien

Nous continons à traduire cette série d’articles de nos camarades du site Redspark sur le Brésil.

Aujourd’hui, on estime qu’environ 90 % de la population brésilienne vit dans ce que l’État considère comme des villes, avec 17 villes de plus d’un million d’habitants chacune(1). L’exode rural qui a commencé dans les années 60 ne s’est accéléré qu’après la fin du régime militaire en 1985. Cet article décrit la formation du prolétariat brésilien et son évolution jusqu’à l’époque actuelle.

1. Esclaves, migrants et prolétaires

L’esclavage au Brésil a été instauré au début de la colonisation portugaise en 1500 et a duré jusqu’en 1888, un an avant la formation de la première République brésilienne. À cette époque, on estime à 1,5 million le nombre d’esclaves qui sont devenus la principale source de formation de la classe prolétarienne, puisqu’ils travaillaient déjà dans les usines et les chantiers de construction de grands projets tels que la construction des premiers chemins de fer, des transports urbains de masse et du système électrique à partir des années 1850.

Par conséquent, l’abolition de l’esclavage (appelée « loi d’or ») n’a pas eu d’impact sur l’économie du Brésil, et a fourni les premiers travailleurs dont le nombre croissant d’usines avait besoin. Le nombre d’usines a rapidement augmenté, passant de 600 en 1889, à 7 000 en 1914 et à plus de 13 000 en 1920. Une autre source de formation du prolétariat a été les migrants, principalement italiens et espagnols, qui ont commencé à arriver dans le pays depuis le milieu du XIXe siècle et qui sont arrivés au Brésil au début du XXe siècle.

Les premières grèves et embryons de syndicats remontent au milieu du XIXe siècle, mais le mouvement ouvrier s’est réellement développé après 1917, lorsqu’une grève générale contre l’augmentation des prix des denrées alimentaires et du carburant a paralysé l’industrie du pays. Plus tard, deux événements ont fortement influencé le mouvement ouvrier : les nouvelles de la révolution russe et la formation du Parti communiste du Brésil (PCB) en mars 1920.

Le passé anarco-syndicaliste de la majorité de ses fondateurs a conduit le PCB à analyser l’« industrialisme contre l’agrarisme » comme la principale contradiction du pays. Il en résulta la fausse idée que l’impérialisme britannique, qui était basé dans le latifundio, était contre l’industrialisation et que l’impérialisme nord-américain était plus favorable. Dans son plan politique, le PCB a adopté la ligne opportuniste de propagande électorale du BOC (Bloc ouvrier et paysan). Après les critiques du Comintern, le parti abandonna cette ligne et formula le front uni anti-impérialiste et antifasciste, en promouvant l’activité syndicale de classe avec laquelle il obtiendrait le soutien de la majorité des principaux syndicats de l’époque (dockers, cheminots, mineurs et tisserands). La Grande Dépression a eu un impact sur l’économie fragile et a aggravé la crise politique de la république des oligarchies rurales. Cela a créé des conditions qui ont conduit à un mouvement armé dirigé par Vargas (ancien ministre de l’économie du gouvernement et candidat battu aux élections) qui a pris le pouvoir et a installé un régime fasciste corporatiste pendant quinze ans. Le PCB a mobilisé les syndicats contre ce régime en un front uni antifasciste dans le cadre du Tenentismo (soldats rebelles), ainsi que la petite et moyenne bourgeoisie. Cependant, les paysans n’ont pas été mobilisés, ce qui a conduit à la défaite du Soulèvement populaire en 1935.

Le régime Vargas a adopté une série de réformes, comme la journée de travail de huit heures et la reconnaissance légale des syndicats, et a créé un ministre du Travail, dans le but de corporatiser les masses et de préparer le terrain pour le développement du capitalisme bureaucratique au Brésil. Certains des syndicats les plus combatifs ont été fondés au cours de ces années, notamment le Syndicat des travailleurs de la construction civile de Belo Horizonte (STIC-BH) en 1933.

Le régime Vargas a réussi à diviser le mouvement ouvrier entre les syndicats « modérés » (c’est-à-dire jaunes), qui collaboraient avec le ministre du travail, et les « communistes », qui ont vu beaucoup de leurs dirigeants arrêtés. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Vargas a été renversé par un coup d’État militaire et le général Eurico Dutra, un homme de confiance des États-Unis, a été élu président. Bien que le ministre du travail ait continué à jouer le même rôle, les syndicats sont devenus plus indépendants, permettant au PCB de jouer un rôle plus important dans leur radicalisation, ce qui a conduit à une intensification de la lutte des travailleurs et des paysans. Les tentatives de réforme du régime avec une nouvelle constitution en 1946 n’ont rien changé à la structure corporative de l’État. L’échec de la politique économique du régime a accentué les contradictions entre les fractions de la grande bourgeoisie et des propriétaires terriens et entre ces derniers et les masses. Le résultat a été le rétablissement de Vargas à la présidence aux élections de 1951 en tant que président « démocratiquement » élu, avec un discours populiste et nationaliste.

Plutôt que d’essayer d’écraser ouvertement le mouvement ouvrier par la répression, le régime de Vargas a adopté une tactique consistant à essayer de coopter et de pacifier ses dirigeants par une série de réformes et de programmes « populaires » visant la nationalisation et le monopole d’État du pétrole et de l’électricité. Le PCB a défendu la tactique du régime et a mobilisé les syndicats dans la campagne populaire pro-Vargas. Mais le principal instrument de Vargas pour coopter les masses a été le pari sur son ministre du Travail Joao Goulart, un représentant de la bourgeoisie nationale de son Parti. L’une des réformes a consisté à doubler le salaire minimum, qui est passé de 1 200 à 2 400 cruzeiros en 1954. Bien que cette réforme ait été présentée comme une mesure révolutionnaire, il s’agissait en fait d’un ajustement à la forte inflation que le cruzeiro avait connue depuis les années 1950.

En 1958, la lutte révolutionnaire au Brésil a été influencée par le changement de stratégie du PCB vers la droite, vers la ligne de « transition pacifique » de Khrouchtchev et la défense de la théorie des forces productives. Cela a conduit à une scission entre les révisionnistes et les révolutionnaires en 1962. Alors que les campagnes sont restées en grande partie entre les mains des révolutionnaires qui ont radicalisé le mouvement paysan en réintroduisant l’idée de la nécessité de la lutte armée, les villes sont restées entre les mains du PCB révisionniste. Leur changement de stratégie a conduit à la pacification du mouvement ouvrier puisque le PCB se concentrait principalement sur la voie de la légalisation du parti.

Le coup d’État militaire de 1964 a eu lieu principalement parce que les impérialistes et les classes dominantes craignaient la résistance et l’opposition croissantes dans les campagnes. Ce fut un coup direct porté aux Ligues paysannes qui préparaient la lutte paysanne pour la terre par la lutte armée. Le régime militaire a brutalement réprimé les organisations révolutionnaires et démocratiques en arrêtant, torturant, assassinant et faisant disparaître des centaines de combattants. L’État a interdit les manifestations et le droit de grève des organisations. Dans le cadre de la lutte ouvrière, la direction révolutionnaire n’a réussi à organiser que deux grèves qui étaient pourtant des grèves importantes contre le régime militaire fasciste en 1968 : la grève de l’usine sidérurgique Cobrasma à Osasco-SP et la grève de l’usine sidérurgique Mannesmann à Contagem-MG, qui a obligé le gouvernement à augmenter les salaires de tous les travailleurs de 10%.

2. Nouveau syndicalisme et nouveaux opportunistes

En raison des régimes populistes et principalement des actions de Goulart, le ministre du travail de Vargas, le syndicalisme au Brésil a toujours été dépendant de l’agenda politique du gouvernement. Avec le coup d’État militaire de 1964 qui a destituer Goulart, le régime militaire a interdit le droit de grève, mais comme il a commencé à s’affaiblir à la fin des années 70, cette mesure est devenue de plus en plus difficile à appliquer. Un décret a été promulgué en août 1978 qui a finalement autorisé le droit de grève, à condition que ces grèves n’incluent pas de « secteurs essentiels », et qu’elles soient non violentes, non politiques et non idéologiques. Ce décret prévoyait la possibilité de réquisitionner la direction des syndicats par le biais d’élections et de renforcer la lutte pour le droit d’organisation syndicale et la fin du contrôle par le ministre du travail.

Entre 1978 et 1982, des grèves ont éclaté dans tout le Brésil, les travailleurs réclamant de meilleurs salaires, une réduction du chômage et la « redémocratisation », frustrant la lutte pour le renversement révolutionnaire du régime fasciste. La chute du régime militaire est due à l’incapacité de son gouvernement à résoudre ses problèmes économiques (inflation galopante, récession et chômage), ce qui a divisé politiquement les classes dominantes et a accentué la lutte interne au sein du régime, ainsi que la protestation croissante du peuple. De nouveaux acteurs politiques sont apparus à cette époque, chacun essayant de profiter des grèves pour former la base de masse de leurs futurs partis politiques.

Prenant la tête des grèves en gagnant les travailleurs avec des promesses réformistes, les différents acteurs politiques ont limité les grèves aux limites du décret d’août 1978 ; ils étaient conscients que le régime connaissait leur rôle et pouvait les réprimer s’ils allaient trop loin. En général, leur rôle était de pacifier les masses au moment précis où les conditions générales étaient mûres pour faire avancer la lutte.

Mais ce n’était pas le cas dans toutes les grèves. En mai 1979, les travailleurs se sont mis en grève à l’usine sidérurgique Mannesmann, une usine allemande de 14 000 travailleurs située dans le centre industriel de la région métropolitaine de Contagem, à Belo Horizonte-MG. Cette grève a été organisée par un groupe d’ouvriers révolutionnaires de diverses professions dans une nouvelle formation appelée Marreta (Marteau de forgeron). Bien que la grève ait été réprimée, elle a permis de brandir la bannière du renversement révolutionnaire du régime militaire. En quelques jours, le même groupe a mobilisé les travailleurs de la construction civile dans une grève de plus de 40 000 ouvriers à Belo Horizonte, une grève qui a été connue sous le nom de « Révolte des maçons », qui a commencé par des revendications générales. Ces grèves, ainsi que celle des enseignants de l’enseignement public dans l’État, se sont rapidement étendues à toutes les autres professions. Pendant la grève des ouvriers du bâtiment, l’ouvrier Orocílio Martins Gonçalves a été assassiné par la police. Enragé, les masses ont balayé les troupes répressives de l’État du centre ville. Finalement, la rébellion a contrôlé tout le centre de la capitale de l’état. Désespérées, les classes dominantes et les autorités du régime militaire ont payé des syndicalistes domestiqués pour diviser les masses et mettre fin à la grève. Luiz Inácio, Lula, était le principal dirigeant, disant qu’il y avait des groupes d’agitateurs professionnels qui essayaient de profiter des travailleurs. Ses manœuvres ont conduit à la division et à la défaite économique de la grève.

La grève des ouvriers de la métallurgie Mannesmann a duré huit jours et celle des ouvriers de la construction civile cinq jours. Ces grèves ont servi de leçon de formation pour les ouvriers de Belo Horizonte ; ce furent des luttes de classe combatives qui ont résonné auprès des masses populaires et ont servi à politiser des centaines de nouveaux militants ouvriers dans les rangs révolutionnaires de Marreta. En particulier, les ouvriers de la construction civile ont réussi à reprendre le syndicat en expulsant le patron et les agents du régime militaire.

De 1981 à 1983, une série de réunions nationales ont été organisées afin de former une confédération nationale pour unir les différents syndicats sous la nouvelle direction qui a émergé dans tout le pays après tant de grèves. Cependant, le congrès de plus de 10.000 délégués de tout le pays, a été divisé par l’opportunisme des syndicalistes formés dans les institutions yankees (IIADESIL, de l’AFL-CIO) avec Lula à leur tête, ainsi que des organisations trotskystes, et des secteurs de l’église catholique. Ils quittent le Congrès et créent la Centrale unie des travailleurs (CUT) en août 1983. La majorité des syndicats qui luttent pour l’unité sur une ligne de classe reconstruisent la Confédération générale des travailleurs (CGT). Marreta a participé à la Confédération générale des travailleurs (CGT) afin de faire avancer une ligne révolutionnaire, en remportant de nombreux syndicats comme l’Union des conducteurs de transport de passagers en 1990.

Mais la situation dans le pays exigeait de continuer à progresser et les contradictions au sein de la CGT ont conduit à de nombreuses scissions. Comme la lutte dans les campagnes devenait de plus en plus violente, notamment avec la lutte en Rondônia et la bataille de Santa Elina, les discussions sur la formation d’une organisation de classe ont donné naissance à la Ligue des travailleurs et des paysans (LOC) le 2 septembre 1995. La LOC a été une force décisive pour mobiliser les syndicats de travailleurs dans les villes afin de soutenir les paysans dans leur lutte pour la terre. Avec le développement du mouvement paysan, la LOC s’est séparée en deux organisations alliées : la LO (Ligue des Travailleurs) et la LCP (Ligue des Paysans Pauvres).

3. Rompre avec les vieilles idées

La formation de LO n’était pas simplement une question de rupture avec une organisation pour en construire une identique avec une direction « non corrompue ». Il était nécessaire non seulement de se débarrasser des opportunistes, mais aussi de se débarrasser des vieilles idées et concepts de lutte qui étaient profondément ancrés dans le mouvement ouvrier.

Outre les grèves pour de meilleures conditions de travail telles que la sécurité sur les lieux de travail, ils ont identifié la nécessité de construire une alliance avec les paysans, considérés comme la principale force de la révolution dans leur pays semi-féodal et semi-colonial. Alors que la direction de la CUT/CGT (et d’autres qui ont émergé de nouvelles scissions comme Força Sindical) n’avait aucun intérêt dans cette lutte, considérée comme trop éloignée des villes et sans pertinence, la LO a envoyé ses membres pour renforcer et soutenir la résistance chaque fois que cela était possible.

Vila Bandeira Vermelha

De plus, la LO a vu l’importance non seulement de la lutte sur le lieu de travail, mais aussi au lieu de résidence des travailleurs. Parce que la Ligue avait une base solide de travailleurs de la construction civile, elle a pu répondre à un besoin direct de la population : le logement. En 1995, un quartier de Belo Horizonte a été construit à partir de la lutte acharnée pour la saisie des terres et nommé « Vila Corumbiara » en l’honneur de la lutte de Santa Elina. En 1999, un autre quartier appelé « Vila Bandeira Vermelha » a été construit à Betim, une ville située dans la banlieue de Belo Horizonte.

Ces deux initiatives ont été réprimées par les autorités locales. Tout comme la lutte de Vila Corumbiara à Belo Horizonte a été réprimée par le maire du PT, Patrus Ananias, à Betim, la répression a été ordonnée par le maire Jesus Lima, également membre du PT, et a conduit à la résistance de plusieurs mois contre les tentatives d’expulsion de la police militaire, où deux travailleurs (Elder et Erionides) ont été assassinés.

Alors que la LO construisait des maisons pour servir le peuple, le PT est devenu hégémonique au sein de la CUT et en a fait un instrument au service exclusif de ses ambitions électorales. Les années 1990 marquent le triomphe du « néolibéralisme » au Brésil, apporté comme « solution » aux différentes crises que traversait le pays. Lors de sa campagne électorale de 2002, Lula a dénoncé les « banquiers » et le FMI comme étant la cause de l’inflation et a promis de refuser de payer la dette extérieure à moins qu’un audit minutieux ne soit effectué pour en ajuster le montant. Cependant, cette promesse inquiétait les investisseurs impérialistes, et Lula était conscient qu’il ne pouvait pas gagner les élections sans leur soutien, il a donc publié une lettre ouverte déclarant qu’il n’annulerait aucun des traités inégaux une fois élu. Sans surprise, Lula a été élu.

Lula a tenu ses promesses : aucun des traités inégaux n’a été annulé, pas même les accords du FMI qui l’obligeait à payer la totalité de sa dette extérieure, y compris les intérêts exorbitants qu’elle produisait. Pour rendre cela possible, il a déclaré que des mesures d’austérité étaient nécessaires : quelques mois après le début de son mandat, Lula a présenté des « réformes du travail » concernant la sécurité sociale et la retraite des fonctionnaires, avec la régularisation du travail temporaire et le « pejotização » (dérivé de PJ, signifiant Personne Légale, une forme de contrat dans lequel l’employeur engage le travailleur comme prestataire de services sans droits légaux des travailleurs), les rendant inaccessibles aux plus pauvres. Le mouvement ouvrier avait toutes les raisons de protester contre les réformes, car ses membres étaient les plus touchés, mais la CUT a appelé à les calmer, en assurant à ses membres que les réformes n’étaient que des « mesures temporaires » pour rembourser la dette nationale afin de devenir plus rapidement indépendants du Fonds monétaire international (FMI).

Ce type de tactique a permis à Lula de rester au pouvoir de 2003 jusqu’à la fin de son deuxième mandat en 2010. Les « partenariats public-privé », l’introduction de nouvelles agroentreprises et de grandes multinationales et le pillage accru des ressources naturelles sont autant de mesures censées aider l’économie brésilienne à se développer. Alors qu’avant son élection, Lula avait fait des discours enthousiastes sur le fait que ce type de croissance ne profitait qu’à l’impérialisme, après son entrée en fonction, ils ont soudain montré que c’était désormais la voie à suivre pour rendre le Brésil indépendant.

La LO a poursuivi sa lutte durant ces années. En 2003, elle a appelé à des manifestations pour protester contre les « réformes du gouvernement Lula-FMI », et a été rejointe par des travailleurs de base d’autres syndicats qui n’ont pas cru à l’illusion de la « nécessité de mesures temporaires ». Pendant le mandat de Lula (2003-2010) et de sa successeur Dilma Rousseff (2010-2016), la LO a appelé à de nombreuses manifestations pour protester contre les différentes réformes du gouvernement opportuniste, qui ont fait descendre des milliers de personnes dans les rues des grandes villes (par exemple, les grandes manifestations de 2006, 2007 et 2008 dans la capitale).

La LO a organisé des grèves militantes, comme l’appel à des grèves générales, qui ont été abandonnées à la fin des grèves dans les années 70. Le Mouvement de classe des travailleurs de l’éducation (MOCLATE), un syndicat allié à la LO, a également initié des occupations d’écoles, transformant les écoles en assemblées populaires avec les parents des élèves et d’autres secteurs de la communauté pour discuter des problèmes sociaux et combattre les opportunistes qui ont utilisé les grèves pour promouvoir des candidats aux élections suivantes.

La recherche de la croissance économique a valu au PT le soutien de la petite bourgeoisie et des classes dominantes, mais elle l’a rendu de moins en moins populaire aux yeux des ouvriers et des paysans au fil des ans. En appliquant les programmes de « politiques compensatoires » prescrits par la Banque mondiale, les programmes d’« assistance » et la corporatisation des masses misérables, comme la « Bolsa Família » et l’accès au crédit facile, ils ont obtenu le soutien de certaines de ces masses. Grâce à leurs ruses, ils ont réussi à occulter temporairement, pour certains, la grave crise économique du capitalisme bureaucratique. Cependant, en juin 2013, de violentes protestations ont explosé dans les capitales et les plus grandes villes du pays contre les sièges du pouvoir exécutif, les bureaux de la législation, le pouvoir judiciaire, les agences bancaires, les arrestations et les procédures. Les manifestations se sont poursuivies jusqu’en 2014.

L’impérialisme nord-américain, avec ses généraux aux commandes des forces armées réactionnaires, a vu dans ces manifestations en cours un danger de révolution potentielle et a lancé une offensive contre-révolutionnaire préventive contre le soulèvement des masses. Ils ont lancé l’ « opération Lava-Jato » contre la corruption en profitant des scandales de l’administration du PT. Lorsque la crise a explosé en récession et en chômage, la lutte entre les fractions de la classe dirigeante s’est aggravée et le PT a été écarté avec la destitution de Dilma. Les crises politiques et morales de tout l’ancien système politique se sont aggravées, et les « politiciens » et les institutions de l’ancien État ont perdu leur crédibilité et leur légitimité, ce qui a conduit les masses à boycotter plus que jamais les fausses élections. Le peuple brésilien a vu qu’au cours des 40 dernières années, la domination des gouvernements de tous les partis officiels signifie qu’ils font tout de même partie des classes exploitées.

Le scandale de la corruption et la destitution de Dilma Rousseff en 2015 ont marqué la fin de la confiance des masses dans le PT, avec une impopularité et une absence de confiance record dans le gouvernement (estimée à 9 %). Lors des élections suivantes, beaucoup ont vu le fasciste Bolsonaro comme le « moindre mal ».

4. Bolsonaro a récolté ce que Lula a semé

En décembre 2015, alors que la direction du syndicat cooptée par les gouvernements opportunistes s’était engagée sans succès à appeler les travailleurs à manifester contre l’impeachment, la LO a organisé des réunions entre différents syndicats combatifs. Cette première étape dans l’appel à une unité plus large a été particulièrement importante après l’élection de Bolsonaro, dans la lutte pour une grève générale de la résistance nationale contre ses « réformes » dictées par l’impérialisme yankee et pour la défense de l’éducation publique et gratuite, combinée à la lutte des paysans pauvres contre l’expulsion et les nouvelles saisies de terres.

Contrairement à Lula/Rousseff, Bolsonaro n’a pas caché son programme, qui va plus loin que celui du PT : moins d’interventionnisme de l’État dans l’économie, moins d’impôts (pour les riches), plus de privatisations. Ce n’est pas une « rupture » par rapport à la politique du gouvernement du PT ; cela n’aurait pas été possible sans les réformes Lula/Rousseff.

En juin 2019, une grève générale a paralysé le pays, avec une estimation de 45 millions de grévistes. Cette grève contestait les mesures du gouvernement Bolsonaro – principalement la réforme des retraites qui a fait passer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans dans les villes et de 55 à 60 ans dans les campagnes, ainsi que les coupes dans l’éducation. La Ligue a participé et dirigé ces grèves dans certaines villes comme Belo Horizonte.

Les plans de Bolsonaro pour le Brésil sont la militarisation et l’interdiction des luttes populaires, tant dans les villes qu’à la campagne, et sa vente aux impérialistes. Après plus d’un an de gouvernement, Bolsonaro s’est révélé être un vantard fasciste qui rêve de ressusciter le régime militaire. Cependant, le contrôle du gouvernement est en réalité assuré par les généraux militaires qui mènent l’offensive contre-révolutionnaire et concentrent le pouvoir dans l’exécutif. Ils le font par le biais de réformes de la constitution actuelle, car ils craignent que l’installation directe d’un régime militaire que souhaite Bolsonaro ne soit désastreuse et ne conduise à un front opposé. Une forte résistance contre son régime ne sera possible qu’avec l’unité des ouvriers et des paysans : celle de la ligne de la Ligue des travailleurs depuis sa fondation.

Références

Sources révolutionnaires

  • Viva os 39 anos da “Revolta dos Pedreiros” de 1979 em Belo Horizonte!, STIC-BH, 2018
  • 78 anos de fundacao de Sindicato, Viva os 22 anos da retomada pelos operarios da Marreta, Marreta, 2011
  • Propostas de Organizacao do Trabalho Sindical, Marreta
  • Problemas da historia do Partido Comunista do Brasil, August 2016

Autres sources

  • L’économie brésilienne, la croissance et le développement, Werner Baer, 2008
  • Travail et dictature au Brésil : Une revue historiographique, Paulo Fontes, Larissa R. Correa, 2018
  • Les syndicats et les performances économiques des établissements brésiliens, 2002
  • Rapport sur les tendances de la main-d’œuvre étrangère – Brésil, Département américain du travail, 2002

(1) Les statistiques de l’État considèrent toute agglomération de maisons comme une zone urbaine et non comme une campagne. Le Brésil compte 5 600 villes, dont 80 % ont une population de moins de 15 000 habitants, la plupart de moins de 10 000, et un millier de villes de moins de 5 000 habitants. Ce sont en réalité des « villes rurales », car les habitants y vivent en tant que paysans. En dehors des habitants des grandes métropoles, seuls les riches paysans (fermiers) et la bourgeoisie agraire ne vivent pas à la campagne. Les villages ont toujours existé à la campagne, mais l’État, en raison des intérêts de domination politique des oligarchies locales, promeut les villages en villes dans les archives. En outre, la taxe territoriale urbaine est beaucoup plus faible que la taxe rurale, ce qui fait qu’il est dans l’intérêt économique des propriétaires terriens autour des villes d’enregistrer leurs terres comme des terres urbaines plutôt que rurales.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *