Depuis au moins le 10 mai, il y a des rapports de confrontations militaires entre la Chine et l’Inde le long de la frontière à l’est du territoire de l’Union de Ladakh en Inde. Des mobilisations militaires chinoises extraordinaires étaient signalées, mais l’armée indienne n’a pas réagi suffisament et se trouve dans une situation tactique désavantageuse. Déjà des milliers de soldats chinois ont franchi le « Line of Actual Control » (LAC), qui sert comme la frontière de facto pour toute la frontière sino-indienne depuis la première guerre sino-indienne en 1962. Depuis 1962, la région n’a pas arrêté d’être une zone de conflit léger entre les deux pays. L’intensification militaire récente continue jusqu’à maintenant avec des dizaines de morts des deux côtés les derniers jours. L’Armée populaire de libération a déjà réussi à avancer dans des zones disputées pour sécuriser des positions militairement avantageuses, ce qui permet à la Chine de réclamer l’entier de la vallée de Galwan. Une autre zone de contestation importante est le lac Pangong Tso où la ligne de division disputée passe sur l’eau. Les deux pays réclament plus de territoires, mais suivant cet affrontement, l’Inde aura de la chance à seulement récupérer ce qu’elle a perdu. Dans le secteur oriental du LAC, la Chine réclame 90 000 km2 qui représentent environ l’État indien d’Arunachal Pradesh. L’inde réclame 38 000 km2 dans le secteur oriental du territoire de Aksai Chin qu’elle a perdu pendant la guerre de 1962 et aussi 5 180 km2 au Kashmir que le Pakistan a perdu à la Chine en 1963. Les médias occidentaux représentent la situation comme une agression uniquement de la part de la Chine, mais pour commencer à comprendre ce qui se passe sur la frontière sino-indienne, il faut considérer l’enjeu global.
La Chine est en train d’exploiter une des plus grandes faiblesses dans la stratégie impérialiste des États-Unis et ses alliés. Cette stratégie est centrée sur l’encerclement maritime de la Chine pour limiter la liberté commerciale et l’accès aux ressources naturelles et marchés étrangers de leur concurrent le plus important. Cette stratégie est mise en évidence avec le retour du « Quadrilateral Security Dialogue » (QSD) en 2017. Le QSD mobilise l’impérialisme japonais et australien avec l’Inde sous la direction des États-Unis pour faciliter un blocus maritime de la Chine. La Chine cherche à détourner ce danger potentiel avec « la Nouvelle route de la soie », qui ouvre de nouveaux ports au commerce chinois et le permet de traverser le continent asiatique vers l’Europe. L’Inde est maintenant le dernier ami stratégique de l’impérialisme étatsunien en Asie du Sud et porte une responsabilité énorme à défendre les intérêts étatsuniens à partir de ses côtes et dans la région. Même si l’Inde a réalisé de fortes augmentations de son budget militaire, les capacités militaires de ce pays semiféodal ne sont pas comparables à celles de la Chine. L’Inde s’est engagée dans une alliance anti-Chine agressive pour laquelle elle paie les conséquences, pendant que ses alliés puissants font très peu pour l’aider concrètement. La situation courante est une humiliation pour le régime indien ultranationaliste du fasciste Narendra Modi.
L’agression chinoise contre l’Inde réussie beaucoup plus que de juste exposer et exploiter la faiblesse de l’Inde. Parmi des intrusions indiennes, la Chine cite les travaux sur la route Darbuk–Shyok–DBO pour justifier les mouvements militaires. Bien que la Chine veut limiter l’infrastructure frontalière indienne, la Chine a des motivations plus larges pour ses actions. Premièrement, il est évident que dans une situation de guerre mondiale, la frontière avec l’Inde serait un front important et le nord de l’Inde servira comme base pour attaquer la Chine et ses alliés dans la région, notamment le Pakistan. La Chine cherche à sécuriser des positions avantageuses en cas de guerre. Les quelques kilomètres de territoire gagnés n’ont pas de valeur importante en soi. Les incursions peuvent aussi être comprises comme un avertissement en réponse à la révocation de l’autonomie limitée de Jammu et Kashmir par l’Inde en aout 2019. Cette manœuvre agressive était une étape de consolidation géopolitique importante pour l’expansion potentielle de l’Inde dans le Kashmir occupé par le Pakistan, ce qui pourrait créer une connexion terrestre précieuse avec l’Afghanistan.
Le moment choisi par la Chine est à noter. Les exercices militaires d’été indiens à la LAC ont été annulés cette année pour libérer des ressources contre le COVID-19 dans le pays. De plus, la Chine a pu surprendre l’armée indienne qui est souvent distraite avec des escarmouches à la frontière avec le Pakistan pendant ce temps de l’année. Ce n’est pas la première fois que la Chine a fait une telle manœuvre contre l’Inde. En 1999, pendant que l’armée indienne répondait d’urgence au conflit de Kargil initié par le général et futur dictateur pakistanais Pervez Musharraf, la Chine a exploité l’absence soudaine de l’armée indienne au lac Pangong Tso pour construire une route de 5 km dans le territoire indien. Les nouvelles incursions chinoises sont pratiquement et symboliquement importantes pour le régime pakistanais, ennemi historique de l’Inde. Ils représentent un aide militaire indirect au Pakistan, qui a régulièrement des affrontements frontaliers avec l’Inde. En attaquant l’Inde, la Chine a réalisé un geste de solidarité très utile pour le Pakistan et pour soi-même. Le territoire pakistanais sert comme la connexion principale du « China-Pakistan Economic Corridor » (CPEC), qui représente la connexion la plus immédiate vers l’océan depuis l’ouest de la Chine. C’est une partie stratégique essentielle de la Nouvelle route de la soie, alors la Chine a tout intérêt à plaire l’armée pakistanaise qui contrôle le Pakistan.
Le bloc impérialiste anti-chinois mené par les États-Unis peut seulement profiter de la situation pour intensifier la propagande anti-chinoise. Les médias occidentaux ressortent de plus en plus la propagande de la guerre froide pour présenter la Chine comme la dictature « communiste » et « totalitaire » maléfique. Cette rhétorique a été plus ou moins oubliée suivant la restauration du capitalisme en Chine en 1976 quand de meilleures relations avec la Chine étaient favorables à l’impérialisme étatsunien. C’est prévisible que l’alliance entre les États-Unis et l’Inde se présente comme l’amitié entre « la première démocratie du monde » et « la plus grande démocratie du monde » unit contre la menace « communiste » chinoise. Naturellement, la propagande de l’impérialisme français va soutenir n’importe quel message anti-chinois puisque la Chine est la menace la plus importante à la forteresse de l’impérialisme français centré en Afrique de l’Ouest. Tout cela sert à cacher la réalité plus complexe : la lutte interimpérialiste, la redivision impérialiste du monde par la guerre et la nécessité de la révolution pour mettre fin à ce système pourri.