58,33% d’abstention au second tour des élections municipales, un record absolu pour ce type d’élections. Pour ordre de comparaison, au second tour des élections municipales de 2014, l’abstention n’avait été que de 37,87%, plus de vingt points de pourcentage de moins ! Bien-sûr, il serait hypocrite de considérer que la crise du Covid-19 n’y est pour rien. Il y a en effet très probablement de nombreuses personnes qui ne se sont pas déplacées aux urnes par peur de tomber malades, mais la baisse massive de la participation ne saurait s’expliquer que par l’épidémie en cours. En effet, les précédents scrutins (élections présidentielles et législatives de 2017, élections européennes de 2019) ont également été marqués pas une forte abstention.
À La Cause du Peuple, nous ne considérons pas que l’abstention soit une mauvaise chose, nous la considérons au contraire comme un désintérêt légitime des masses populaires vis à vis de la politique politicienne. Et cela est totalement compréhensible : qui s’intéresse encore à ce que racontent des bourgeois en costard sur des plateaux télés ? Qui a encore envie de voter pour des politiciens corrompus et qui, de toute façon, n’ont pas de réelle emprise sur nos vies quotidiennes ? Qui a encore confiance en des partis qui, élection après élection, promettent monts et merveilles tout en sachant qu’ils ne seront pas en capacité de mettre en place un quart de ce qu’ils ont promis ? On dit que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, et l’abstention record de ces élections municipales semble montrer une chose évidente : plus grand Monde ne croit aux promesses des politiciens.
Est-ce que l’abstention signifie pour autant un désintérêt pour la politique ? À La Cause du Peuple, nous ne pensons pas cela, car nous ne pensons pas que la politique se résume à voter une fois tous les deux ou trois ans pour un candidat aussi corrompu que son concurrent. Non, en réalité, la politique est omniprésente dans la vie des masses populaires : cette politique c’est la lutte quotidienne dans les entreprises pour obtenir de meilleures conditions de travail et de rémunération, cette politique c’est la résistance quotidienne dans les quartiers prolétariens face aux violences policières, face aux propriétaires véreux qui louent des appartements insalubres. Cette politique c’est la solidarité populaire de prolétaires qui s’entraident pour faire face aux difficultés du quotidien.
Tout cela, c’est de la politique, seulement, ce n’est pas de la politique politicienne en costard, ce n’est pas de la politique opportuniste de bourgeois qui ont les dents longues et la volonté de gravir les marches de l’État bourgeois. Et si les quartiers ouvriers en banlieue des grandes villes sont ceux avec le taux d’abstention le plus élevé, cela ne signifie en aucun cas que ces quartiers sont dépolitisés. En réalité, le mouvement des gilets jaunes ou encore les révoltes contre les violences policières ont montré que pour les habitants de ces quartiers, la politique se fait dans la lutte et non en glissant un bout de papier dans une urne. En effet, comment peut-on affirmer que les gens se dépolitisent lorsqu’on voit des dizaines de milliers de personnes, venant majoritairement de quartiers ouvriers en banlieue des grandes villes, manifester aux côté du comité Adama contre les violences policières racistes ? Comment peut-on affirmer que les gens se dépolitisent lorsque des milliers de prolétaires en gilet jaune se révoltent sur les Champs-Élysées et sur tous les ronds points de l’État français contre la vie chère, contre les mauvaises conditions de travail et de vie ?
En réalité, si les politiciens bourgeois s’inquiètent sur les plateaux télé du fort taux d’abstention et du « déclin de la démocratie », ce dont ils ont vraiment peur, c’est du déclin de leur légitimité à gouverner, car une immense partie de la population se rend bien compte que les politiciens ne gouvernent que pour le compte de la bourgeoisie, sont soumis aux intérêts des capitalistes. Alors, lorsqu’on voit que dans toutes les villes ouvrières de banlieue, les taux d’abstention sont largement supérieurs à la moyenne, dépassant parfois 75% comme à Vaulx-En-Velin en banlieue lyonnaise, on ne peut que constater qu’il y a une abstention de classe, une abstention massive du prolétariat qui, année après année, se sent de moins en moins représenté par les politiciens bourgeois.
Ce désintérêt de la politique politicienne n’est donc pas synonyme de dépolitisation, il démontre juste que pour les masses, la politique ne se fait pas de la même façon que pour la bourgeoisie.