L’année universitaire a été marquée par la mobilisation des étudiants concernant la précarité à laquelle beaucoup d’entre eux sont exposés, et particulièrement les jeunes prolétaires réussissant à entrer dans l’enseignement supérieur.
Pour en parler nous avons interviewé Hafsa Askar, la secrétaire générale de la Fédération Syndicale Étudiante (FSE).
CDP : Cette année on a assisté à de grandes mobilisations contre la précarité étudiante, est-ce que tu peux nous dire ce qui les a déclenchés ?
Hafsa : La mobilisation a été déclenchée par l’événement de l’étudiant de Lyon qui s’est immolé devant son CROUS pour dénoncer la précarité étudiante. Après, la question de la précarité étudiante, pour nous c’est une question qui était déjà présente tout au long de l’année
Ce qui différenciait cette mobilisation des autres c’est qu’elle allait réclamer de nouveaux droits alors que le monde étudiant était sur la défensive depuis des années et des années et que la question de la précarité (qui existe depuis très longtemps, c’est pas aujourd’hui qu’on apprend que les étudiants et les étudiantes galèrent financièrement) était mise de côté dans les mobilisations. Cet événement a vraiment déclenché un choc, une indignation parce que beaucoup d’étudiants et d’étudiantes pouvaient s’identifier à cette situation.
Et est-ce que la situation des étudiants s’est améliorée depuis ?
Pas exactement non. À l’époque de la mobilisation, quand il y avait des retours de la part du gouvernement, ce qu’on nous avait répondu c’était juste de mieux informer les étudiants sur les aides auxquelles ils ont droit et on nous a donné un numéro d’urgence. Le gouvernement n’a pas fait le choix de remettre de l’argent pour la cause étudiante.
Ensuite ça s’est même dégradé avec le confinement et la crise sanitaire, entre les étudiants qui ont perdu leur travail sans pouvoir trouver de solutions, ceux qui ne pouvaient plus être aidés par leurs parents, ceux qui se retrouvaient en précarité alimentaire dans les cités universitaires insalubres…
Les conditions de vie des étudiants, de manières très larges, se sont dégradé et, derrière, il y a eu la réponse du gouvernement qui était une aide de 200€, sur le mois de Juin, seulement pour les étudiants qui pouvaient prouver qu’ils avaient perdu leur travail dans les trois derniers mois, des critères hyper flous, d’ailleurs on a toujours pas de retours sur le nombre d’étudiants qui ont vraiment eu droit à cette aide au final.
Pour le coup on peut affirmer que les conditions de vie des étudiants se sont plutôt dégradées sur l’année 2020.
Donc pour toi l’aide de 200€ mise en place n’était absolument pas suffisante ?
Non. C’était surtout que le gouvernement devais faire quelque chose parce qu’il fallait faire des annonces sur tous les secteurs, que tous les ministères fassent des annonces…
Par contre les chiffres officiels c’était que 400 000 étudiants y auraient droit, encore une fois avec des critères qui étaient très flous et très particuliers : il fallait soit être un étudiant ultra-marin (et encore, le gouvernement a joué sur le fait que certaines associations ont payé les trajets d’étudiants pour justifier qu’ils n’avaient pas besoin de l’aide), soit prouver qu’on avait perdu son travail, donc les étudiants qui avaient un travail qui allait commencer, notamment pour l’été, n’y avaient pas droit, donc au final ça concernait très peu d’étudiants.
200€ sur un mois alors qu’on parle quand même de quatre cinq mois de galère c’est pas suffisant pour vivre et même pour les étudiants qui y ont eu droit au final ça ne compensait pas grand-chose.
Depuis le gouvernement a annoncé la mise en place d’un ticket Restaurant Universitaire (RU) à 1€ pour les étudiants boursiers à partir de l’année prochaine. Est-ce que c’est une bonne chose, est-ce que ça va améliorer les conditions de vie des étudiants ?
Une bonne chose oui. C’est quand même une mesure sociale et elles sont très très rares avec ce gouvernement. Au niveau étudiant ça faisait des années qu’il n’y avait rien.
Par contre ce qu’on a appris au CNOUS [l’équivalent national des CROUS ndr] c’est que cette mesure on ne savait pas si elle allait durer plus d’un an et que le ticket RU pour les étudiants non-boursiers allait rester à 3€30, parce qu’il faut aussi se souvenir que l’année dernière le prix du ticket RU avait augmenté.
Et la réalité du terrain c’est quand même que cette mesure ne va pas pouvoir profiter à tellement d’étudiants, déjà parce qu’il n’y a pas tant que ça d’étudiants boursiers, seulement un tiers des étudiants en comptant les bourses sur critères sociaux, les bourses culturelles…
Ensuite par ce qu’il y a de moins en moins de restauration universitaire sur les campus et qu’elles respectent de moins en moins les tarifs sociaux, on a de plus en plus de cafétéria ou de RU qui utilisent des systèmes à points ou autre.
Parce qu’aussi il y a beaucoup de nouveaux campus ou aucun RU n’est construit, par exemple Macron a inauguré il y a quelques mois à Amiens le campus de la Citadelle où il n’y aucun RU, sur beaucoup de campus délocalisés il n’y en a pas non plus.
Donc d’un côté il faut saluer la mesure mais on pense surtout que c’est une tentative pour acheter la paix sociale avec les étudiants, surtout quand on voit certaines organisations qui s’en félicitent comme d’une victoire. On pense que c’est assez dangereux pour la suite des mobilisations.
Tu penses que ça peut être une espèce d’os à ronger qui va être l’argument utilisé pour justifier l’absence de mesure sur d’autres aspects ?
Dans tous les cas le gouvernement devait mettre en place des mesures sociales au vu de la crise sanitaire et du contexte social qui est extrêmement tendu, les mobilisations étudiantes ne font que s’enchainer depuis quelques années, je pense qu’ils ne peuvent pas se permettre d’avoir à nouveau des étudiants dans la rue dès la rentrée sachant qu’il y a déjà un appel à mobilisation le 17 septembre contre la réforme des retraites. Ils ne peuvent pas se permettre d’avoir des étudiants qui rejoignent la mobilisation en y ajoutant leurs propres revendications.
On pense que c’est surtout beaucoup de com et une belle tentative d’acheter la paix sociale mais on n’est pas sûrs que ça va fonctionner sur le long terme.