A gauche, le lancement du mouvement des Gilets Jaunes a provoqué deux types de réaction. Certains ont ouvertement rejeté ce mouvement, en le considérant comme grossier, réac, raciste, polluant, ou tout ce qu’on veut. Ils ont ainsi montré leur vraie position de classe, et leur mépris pour le peuple en lutte. D’autres ont fini par soutenir les GJ, mais en se mettant à la traîne, sans oser prendre d’initiatives, sans se considérer légitimes.
Cette seconde attitude a peu à peu conduit à des rapprochements, mais surtout à une imposition aux Gilets Jaunes des lubies habituelles de la gauche. Il fallait absolument faire des réunions, des commissions, des assemblées générales, écrire des textes, donner des mandats… Si de telles pratiques ne sont pas mauvaises en soi, elles se sont développées à mesure que le mouvement se dégradait, et qu’il attirait moins de prolétaires et plus de personnes marginalisées. Il n’est pas facile de s’investir dans un mouvement quand on travaille, qu’on a un crédit, ou des personnes à charge. On a peu de temps, et chaque risque doit être calculé. La colère spontanée des premiers samedis a laissé place à des réunions interminables qui ne se donnaient même pas les moyens d’appliquer leurs décisions.
Ainsi, la structuration du mouvement ne l’a pas renforcé, mais affaiblie : elle a été l’œuvre de militants de gauche, libertaires, altermondialistes ou syndicalistes, bien intentionnés mais ne comprenant pas grand-chose à ce qui se passait. L’ADA (Assemblée des assemblées) a pu voter au nom des groupes GJ locaux son soutien au « confédéralisme démocratique » ou son opposition au capitalisme : c’est joli sur le papier, mais ça n’engage à rien – comme quand une assemblée étudiante vote la déclaration de guerre aux Etats-Unis…
Pourquoi cette impasse ? Parce que la plupart de ces militants sont extérieurs au prolétariat. Pour ces personnes, se réunir, voter des projets, écrire des tracts, est une victoire en soi. Enfermés dans leur bulle, ils renoncent à transformer le monde et trouvent un confort dans le fait de s’écouter parler et de débattre des mêmes sujets. Cela fait naturellement fuir les prolétaires qui cherchent à changer leurs conditions de vie.
C’est pourquoi tout projet révolutionnaire doit se construire hors des cercles et des habitudes de la gauche. C’est une question de survie. Il faut nécessairement replacer les intérêts du prolétariat comme ligne directrice. Dans notre Etat, le prolétariat est largement féminin, il est composé de diverses nationalités. On y trouve des cultures, des croyances, des orientations sexuelles et des modes de vie différents. C’est sa force.
Défendre les intérêts du prolétariat nécessite donc de la jouer collective. Cela signifie construire une solidarité réelle entre exploités. Pas en se plaçant à l’extérieur, pour « aider les pauvres » et soigner sa culpabilité, comme le font les gens de gauche. Qu’ils le fassent par foi, dans une association ou dans un syndicat, eux s’engagent pour aider un groupe social – les personnes à la rue, les mineurs non-accompagnés, les étudiants en détresse… C’est très bien. Mais nous ne sommes pas là pour « assister », pour rendre une vie insupportable plus supportable, pour faire ce que l’Etat devrait gérer avec nos impôts ! Ce système ne peut pas être amélioré dans ses marges. Il doit être renversé dans son centre. C’est une question de dignité.
Ainsi les révolutionnaires ne font pas de bonnes actions pour aller au paradis. Leur but est d’organiser la colère populaire, de lui donner une perspective claire. Pour cela, les révolutionnaires se lient au prolétariat dans son ensemble. Pour en faire intimement partie, pour connaître ses préoccupations, ses pratiques, ses espoirs. C’est cela, agir pour la cause du peuple.