Le 11 février, le Parlement grec a voté en faveur d’une loi instituant une police universitaire. Main dans la main, le parti de droite « Nouvelle Démocratie » du Premier Ministre réactionnaire Kyriákos Mitsotákis, et le parti d’extrême droite « solution grecque », se sont prononcés en faveur de ce texte dont la vocation première est de tenter de briser les mobilisations étudiantes. Le motif affiché par le gouvernement est clair : « lutter contre les groupuscules d’extrême gauche ou d’anarchistes qui mènent régulièrement des actions violentes dans les établissements ».
Bien-sûr, lorsque le gouvernement grec parle de « violence », il parle en réalité de mobilisations légitimes d’étudiants qui défendent leurs conditions de vie et d’étude, ou encore qui luttent pour dégager les milices fascistes de leurs campus. Ainsi, si ces mobilisations sont parfois violentes, elles ne le sont qu’en réponse à la violence du système capitaliste dont Kyriákos Mitsotákis est un des agents.
Le texte de loi, désormais adopté, prévoit de créer une unité de 1000 policiers chargés de patrouiller sur les campus universitaires afin de briser les luttes étudiantes. Et pour cela, le gouvernement grec déploie les grands moyens : les policiers seront équipés de matraques et de gaz anesthésiant, ils pourront surveiller les campus par des caméras, voire même filtrer les entrées en contrôlant les empreintes biométriques. Les assemblées générales, qui visent à organiser les luttes étudiantes, devront au préalable être autorisées par cette police universitaire, qui aura également la possibilité de les surveiller. Enfin, un conseil de discipline regroupant des enseignants et des policiers sera créé dans le but d’infliger des amendes, voire même d’exclure les élèves ayant commis des « actes répréhensibles », autrement dit, les élèves qui se sont mobilisés à l’occasion de mouvements sociaux en menant des actions militantes sur leur campus.
En Grèce comme en France, il ne s’agit pas de dérives autoritaires mais bien de l’évolution logique de régimes qui, confrontés à des luttes sociales de plus en plus intenses, augmentent leur niveau de répression pour essayer de briser ces révoltes. En effet, la société grecque, tout comme la société française, est traversée par des luttes qui prennent de l’ampleur année après année. En Grèce, les grèves sont nombreuses et fréquentes, les manifestations sont très souvent tendues, avec des affrontements entre les masses et la police. Dans les universités, de nombreux groupes militants sont très actifs. Tout cela s’est très largement intensifié depuis la grande crise économique de 2008, qui a particulièrement affecté la Grèce qui a subi de plein fouet l’austérité imposée par l’impérialisme de l’Union Européenne, Allemagne en tête. Alors, quand l’État français met en place la « loi de sécurité globale » pour faciliter la répression policière, l’État grec, lui, crée une police universitaire. Les mesures sont légèrement différentes, mais le fond est le même : la réactionnarisation, l’augmentation de la répression.
Pour autant, en Grèce comme en France, le gouvernement fait face à une grande résistance. Et pour cause, l’instauration d’une police universitaire fait écho à un événement majeur de l’histoire grecque. En effet, le 17 novembre 1973, alors qu’un soulèvement étudiant de grande ampleur était en cours dans tout le pays contre la dictature des colonels, l’armée grecque a fait irruption dans l’école polytechnique d’Athènes, alors occupée par des étudiants. Ce jour là, l’armée grecque a assassiné 24 étudiants, et cet événement a grandement contribué à faire chuter la dictature. Alors, les étudiants grecs ne se laissent pas faire face à l’instauration de cette police universitaire. Ces dernières semaines, de grandes manifestations étudiantes ont eu lieu. Des étudiants ont notamment essayé de prendre d’assaut le Parlement mais ont été repoussés par la police.
Bien-sûr, le gouvernement grec est opportuniste et profite de la situation sanitaire pour faire passer sa loi. En effet, le fait que les universités soient fermées, ou bien tournent au ralenti, permet au gouvernement grec de mener des réformes réactionnaires sans risquer de grands mouvements d’occupation des facs. Cependant, il y a fort à parier que, une fois la pandémie terminée et les universités rouvertes, les étudiants n’accepteront pas la présence de flics sur leur campus et se mobiliseront massivement pour les en dégager.