Le 25 février 1972, l’ouvrier Pierre Overney était tué. Militant de l’organisation « Gauche Prolétarienne », il distribuait devant l’usine Renault des tracts appelant à une manifestation pour honorer les 8 morts du métro de Charonne, lors d’une protestation contre la guerre d’Algérie en 1962. A l’époque, ce n’était pas une distribution comme on peut en voir aujourd’hui à la sortie de l’usine. Les militants sont casqués et équipés de barres de fer, prêts à en découdre. La manifestation n’était pas prévue pour être calme. Loin du « black block » d’aujourd’hui, c’est une manifestation ou un service d’ordre militarisé doit la défendre contre les provocations policières. Alors que les militants révolutionnaires sont connus pour être appréciés des ouvriers et combattifs, les vigiles tentent de les chasser. Avec l’aide des ouvriers, ils se défendent. Un vigile, Tramoni, sort son arme et abat Pierrot.
La Gauche Prolétarienne avait trouvé une méthode pour organiser la classe ouvrière. Les ouvriers sont toujours, dans le fond, révolutionnaires. Mais, réduits au silence et à l’individualisme par le quotidien capitaliste, la classe ouvrière est généralement découragée. Les uns ne font plus confiance aux autres et les mobilisations sont difficiles, même dans les années suivant mai-juin 1968. Des jeunes militants, étudiants ou lycéens, souvent issus de familles prolétaires, vont à l’usine pour apprendre la culture ouvrière et les formes de résistance spontanée. Pierrot était un de ceux-là. Il avait abandonné ses espoirs de « s’en sortir » seul, de quitter la condition ouvrière, pour servir les siens. En s’appuyant sur la résistance spontanée, la Gauche Prolétarienne construit une organisation ouvrière révolutionnaire large, en se basant sur les plus exploités : ouvriers spécialisés, équivalent de nos opérateurs de production, souvent immigrés, Polonais, Portugais, Marocains, Algériens, qui gonflent les rangs de la « GP », des « Groupes Ouvriers anti Flics » et de la « Milice ouvrière multinationale ».
Une nouvelle culture émerge. Le plus important, c’est le refus de l’individualisme au profit du collectif. Les ouvriers font face, refusent les petits avantages individuels. Soit c’est pour tous, soit pour personne ! On refuse de se faire acheter ou de se retourner contre ses camarades. Ce collectivisme se prolonge en dehors des usines : garderies pour permettre aux mères de sortir, aide à l’avortement (alors clandestin), manifestations, entraide pour les déménagements, le logement… Cette nouvelle culture refuse la paix sociale et la soumission. Dans les usines, contre les chefs les plus tyranniques, contre la direction ! Au quartier, contre les propriétaires véreux et les offices HLM ! L’immigré ouvrier est un frère ou une sœur, car il à la même culture, le même quotidien que l’ouvrier français, mais le patron français est un ennemi, car il nous exploite. Voilà le centre de cette nouvelle culture de résistance. Et elle est massive ! Une émeute éclate suite à la mort de Pierrot. A son enterrement, un cortège de 200 000 personnes, sur plus de 7km, se forme.
Même si la Gauche Prolétarienne n’a pas réussi à construire un grand Parti révolutionnaire, un centre lui permettant de survivre aux périodes plus dures, de gagner à elle la majorité des grands quartiers ouvriers, des petites usines et du monde prolétaire, elle nous indique comment construire une nouvelle culture. A la fois fraternelle et contre les divisions imposées par le système capitaliste. A la fois combattive, incitant à être fier de la vie ouvrière, pas toujours facile mais toujours solidaire. Pierre Overney avait refusé la promotion sociale pour une vie de combat au côté de la classe ouvrière. Pierre Overney et tous ses camarades vivent encore dans nos cœurs !
Un hommage à Pierre Overney sera organisé à Paris par La Cause du Peuple ce dimanche 28 février 2021. Rendez-vous à 10h à la sortie 1 du métro Père Lachaise (Lignes 2&3), pour aller en suite sur la tombe de Pierrot.