Dans de nombreux pays, la campagne de vaccination contre le Covid a débuté. Actuellement, seulement six vaccins sont injectés dans le monde, et ils ont tous été développés par des laboratoires de grandes puissances impérialistes. Alors, dans le monde entier, chaque puissance impérialiste cherche à tirer son épingle du jeu, en négociant des contrats de vente ou d’acquisition de vaccins.
AstraZeneca (Royaume-Uni), SinoVac et SinoPharm (Chine), Spoutnik V (Russie), Moderna (États-Unis) et Pfizer/BioNTech (États-Unis et Allemagne). Voilà la liste des six vaccins dont les injections ont débuté, et pour les vendre, chaque puissance impérialiste a sa stratégie. Pour Pfizer/BioNTech et Moderna, les États-Unis tablent sur une stratégie « business is business » qui consiste tout simplement à négocier des contrats de vente avec les pays les plus offrants. Pour AstraZeneca, le Royaume-Uni applique le « nous d’abord » et priorise l’injection du vaccin à la population britannique avant de le vendre massivement à d’autres pays. Pour Spoutnik V, la Russie priorise la vente aux pays « alliés », entendez par là les pays sous domination impérialiste russe, ou bien que la Russie cherche à placer sous sa domination. Pour SinoVac et SinoPharm, la Chine se positionne en grande bienfaiteuse du monde, qui souhaite que son vaccin soit un « bien public mondial » et, dans cette perspective, la Chine fait don de millions de doses à des pays qu’elle souhaite voir tomber sous sa domination impérialiste.
Nous le voyons donc, il se dessine une réelle géopolitique des vaccins qui, dans une période de crise sanitaire aiguë, ne sont pas des marchandises comme les autres. Chaque pays dont un laboratoire a réussi à produire le Saint Graal fait valoir sa puissance et sa grandeur, avec l’air de dire « nous sommes une grande nation, puisque nous avons réussi à produire le vaccin et nous sommes donc ceux qui permettront le retour à la normale ». Le 16 novembre dernier, Donald Trump avait ainsi déclaré sur Twitter « Un autre vaccin vient juste d’être découvert. Il a été conçu par le laboratoire Moderna, et il est efficace à 95 %. Que tous les grands « historiens » se rappellent que ces formidables découvertes, qui mettront fin au virus chinois, se sont faites sous ma surveillance ! »
Bien évidemment, si seuls les laboratoires de certaines puissances impérialistes ont réussi à développer un vaccin contre le Covid-19, c’est uniquement car les autres pays, du fait de leur soumission à l’impérialisme, ne sont pas en mesure d’avoir des technologies à même de produire des vaccins. Cela permet aux puissances impérialistes de tirer profit de leur domination, puisque non seulement elles s’évitent une grande concurrence sur le marché des vaccins, mais surtout, en les produisant elles-mêmes, elles s’assurent que ceux-ci bénéficieront en premier lieu aux habitants des pays impérialistes et non à ceux des pays dominés. Cela est un grand avantage stratégique pour les puissances impérialistes : plus vite leur population sera massivement vaccinée, plus vite les restrictions sanitaires pourront être levées, et plus vite l’économie pourra reprendre son cours normal.
Ainsi, sur les quelques 200 millions de doses déjà injectées dans le monde, 45% l’ont été dans les pays du G7 (Canada, États-Unis, Royaume-Uni, Italie, France, Allemagne et Japon) qui ne représentent pourtant que 10% de la population mondiale. Plus largement, 92% des doses ont été injectées dans les pays classés par la Banque Mondiale comme à « revenu élevé » ou « intermédiaire de la tranche supérieure » alors que ces pays ne représentent que 53% de la population mondiale. Enfin, parmi les 29 pays à « faible revenu », toujours selon la Banque Mondiale, seulement 2 (la Guinée et le Rwanda) ont entamé leur campagne de vaccination.
Bien-sûr, il existe l’initiative « Covax » de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui vise officiellement à permettre aux populations des pays dominés par l’impérialisme de se faire vacciner. Mais pour l’instant, cette initiative n’a permis la livraison de seulement quelques millions de doses, et vise à vacciner uniquement 20% de la population des pays dominés au cours de l’année 2021, alors que, dans le même temps, les pays impérialistes ont pour ambition de vacciner l’intégralité de leur population avant la fin de l’année.
Bien évidemment, ce programme Covax ne va en aucun cas à l’encontre de l’impérialisme. Au contraire même : il est financé principalement par les puissances impérialistes, ce qui va permettre à ces puissances de se mettre encore un peu plus dans la poche les gouvernements des pays dominés, et ce à peu de frais. Il faut dire que pour fournir ces pays en vaccins, la concurrence est grande : chaque puissance impérialiste sait que si c’est elle qui fournit de nombreux pays en vaccins, ce sera probablement elle aussi qui pourra se mettre dans la poche les gouvernements de ces pays, s’attirer la sympathie d’une partie de la population – bourgeoisie compradore en premier lieu – et ainsi négocier de juteux contrats de coopération économique qui bénéficieront uniquement à la bourgeoisie impérialistes.
Cela n’est donc pas un hasard si la Chine mise beaucoup sur son vaccin pour se faire une place dans la concurrence inter-impérialiste en Afrique. Cela fait des années que l’impérialisme chinois cherche à s’implanter sur le continent africain, et cela fonctionne très bien : les parts de marché chinoises en Afrique sont passées de 3% en 2000 à 18% en 2017, et cela n’est pas près de s’arrêter. Avec ses deux vaccins (SinoVac et SinoPharm), la Chine voit une grande opportunité de développer encore un peu plus son impérialisme en Afrique. C’est pourquoi le régime de Xi Jinping a décidé d’offrir « gracieusement » de nombreuses doses de vaccin à plusieurs pays d’Afrique. 200 000 doses offertes au Zimbabwe, 100 000 à la Namibie, un pont aérien ouvert entre Pékin et Addis-Abeba (Éthiopie) pour en suite acheminer des vaccins au Tchad… la Chine ne fait pas les choses à moitié dans sa diplomatie vaccinale ! Cela contraste avec l’absence des puissances occidentales, et en premier lieu l’État français, une des principales puissances impérialistes en Afrique. Il faut dire que l’État français est déjà incapable de s’approvisionner correctement en vaccins, et encore plus d’en produire un. Alors en fournir aux pays situés dans son pré-carré africain, cela lui est impossible dans l’immédiat, et l’impérialisme chinois en tire directement profit. Au Sénégal, la campagne de vaccination a commencé ce mardi 23 février avec l’injection de plusieurs milliers de doses du vaccin SinoPharm, mais au sein de toute la classe politique sénégalaise et d’une bonne partie de la population, une question est sur toutes les lèvres : où est la France ? La réponse à cette question est en fait très simple : la France est le chien maigre de l’impérialisme, une puissance sur le déclin, concurrencée de toutes parts par les autres puissances impérialistes, notamment en Afrique, où d’autres pays, notamment la Chine et l’Allemagne, tirent profit de cette situation.
Au sein de l’Union Européenne, des débats similaires ont lieu. Récemment, la Hongrie a passé un marché avec la Russie pour se fournir en vaccins Spoutnik V. Suite à cela, toutes les puissances d’Europe de l’Ouest ont poussé des cris d’orfraie, comme si ils étaient scandalisés de cette décision de la Hongrie, comme si acheter des vaccins à la Russie revenait à trahir l’Union Européenne. En France, de nombreux médias se sont étonnés de cette décision hongroise, qui, selon eux, va à l’encontre des principes de l’Union Européenne. Comme si le vaccin russe contenait des micro molécules de Vladimir Poutine… En réalité, le vaccin russe n’est pas meilleur ou moins bon que les autres vaccins. Il est utilisé comme instrument de l’impérialisme russe, comme le AstraZeneca l’est pour l’impérialisme britannique, le Pfizer et le Moderna pour l’impérialisme états-unien et le SinoPharm et Sinovac pour l’impérialisme chinois.
Nous le voyons donc : si chaque puissance a sa propre approche concernant l’utilisation de ses vaccins pour servir son impérialisme, il n’en demeure pas moins que, à l’époque du capitalisme-impérialisme, tous les pans de la vie humaine, y compris la santé, sont régis par l’impérialisme. Sur ce point, les vaccins ne font pas exception.
Pour autant, cela n’est pas une fatalité, car cela découle du système dans lequel nous vivons. Ainsi, si nous changeons radicalement ce système, par la révolution, nous pourrons enfin libérer tous les secteurs d’activité, et notamment la santé, des exigences du capitalisme et soigner la population non pas pour faire du profit mais bien pour améliorer les conditions de vie des larges masses populaires. En effet, les masses populaires ont d’immenses connaissances. Toute la connaissance scientifique n’a pas été accumulée grâce au système capitaliste mais bien par le travail de milliards de prolétaires à travers le monde. Sous le socialisme, le système pour lequel nous combattons, les connaissances scientifiques ne serviront donc pas à créer des brevets vendus à prix d’or, mais bien à améliorer concrètement toutes les technologies qui permettent à l’humanité de mieux vivre, de mieux se soigner, de mieux produire. Sous le socialisme, la frontière entre le travail intellectuel et le travail manuel sera brisée. Il n’y aura plus d’un côté les intellectuels dans des bureaux, qui réfléchissent à des modèles théoriques, et de l’autre les ouvriers qui produisent directement les marchandises. Chaque ouvrier aura la possibilité d’acquérir les savoir nécessaires à l’accomplissement du travail intellectuel, chaque travailleur intellectuel devra aussi accomplir des tâches d’ouvrier pour mettre en pratique les modèles théoriques sur lesquels il travaille. Il n’y a que comme cela que nous pourrons mettre la science au service des masses, et non au service de la bourgeoisie.