Le 19 février, le rappeur Hugo TSR a sorti un nouvel album intitulé « Une vie et quelques ». Cet album produit en indépendant, comme tous les autres d’Hugo, est composé de 10 titres. Comme toujours avec Hugo TSR, l’album parle de la vie de prolétaire dans le 18ème arrondissement de Paris.
Hugo TSR, c’est l’incarnation du rap prolétarien indépendant. Depuis 20 ans, il a sorti de nombreux morceaux témoignant de ses conditions de vie, des difficultés au travail, en intérim, de la violence policière, de la pauvreté etc. Bref, de nombreux sujets qui touchent quotidiennement la jeunesse prolétaire en France. Certains morceaux, comme « Alors dîtes pas », issu de l’album Fenêtre sur rue, sorti en 2012, témoignent parfaitement de tout cela, avec notamment les punchlines « pilote de transpalette, semaine d’après je suis dans le téléconseil, j’ai pas eu le choix, monsieur pouvoir d’achat m’a fait intérimaire, business et violence pour la jeunesse d’un pays de merde » et « alors dîtes pas que ce jeune a le choix d’avoir un taff honnête, BAC +3 tout ce qu’on me propose c’est de conduire une camionnette, alors dîtes pas que les chances sont les mêmes, c’est pas vrai, tous égaux à la naissance, c’est bien joli, mais après ? ».
Le nouvel album d’Hugo TSR s’inscrit également dans cette lignée de rap prolétarien, de rap qui parle de la vie quotidienne des masses populaires, de rap qui, aussi, donne envie de lutter pour changer les choses. En effet, là est l’une des forces des textes d’Hugo TSR : il n’a même pas besoin de dire explicitement qu’il faut lutter pour changer les choses, cela paraît évident quand on écoute ses textes tant ceux-ci décrivent à la perfection un monde où le capitalisme fait des ravages. Là dessus, le morceau « oubliettes » issu de son dernier album est particulièrement parlant. Ce titre fait une description triste mais sincère de plusieurs personnages, tous sans abris, oubliés par la société : une femme SDF dont le « sommeil est illégal », un « jeune artiste sans foyer » talentueux mais qui ne connaîtra jamais le succès, un homme mort dans la rue, « un mec sympa mais [dont le] corps attend encore qu’le médecin passe ». Ce morceau, sans le dire explicitement, nous fait ainsi la description d’une société dont l’égoïsme est érigé en système, en modèle de production, en somme, il nous décrit le système capitaliste qui laisse mourir à petit feu des millions d’être humains considérés comme improductifs par les exigences du marché.
Le sujet de la drogue est également très présent dans les morceaux d’Hugo TSR. Cependant, il se distingue là dessus de nombreux autres rappeurs qui en parlent comme si c’était quelque chose de « cool ». En effet, Hugo TSR décrit la drogue, notamment l’alcool et le cannabis, comme faisant partie de son quotidien. Pour autant, ses textes décrivent les ravages causés par ces drogues et n’incitent donc aucunement à la consommation. Hugo TSR décrit ici parfaitement la dualité de l’addiction : la plupart des personnes accros ont une grande conscience des problèmes causés par leur consommation, mais elles ne peuvent pas pour autant s’en passer, la drogue étant un problème social et non un problème individuel. À ce propos, le morceau « Coma Artificiel » sorti en 2012 est très parlant, puisque Hugo TSR y dit explicitement « il n’y a plus une ville sans drogue, en vérité ils nous en donnent, ce sera bientôt légalisé, ils savent très bien que ça nous endort ». Ce que Hugo TSR veut dire par là, c’est que la classe au pouvoir – la bourgeoisie – a tout intérêt à ce que le prolétariat consomme de la drogue, car cela endort et brise ainsi la combativité de classe.
Avec ce nouvel album, Hugo TSR reste fidèle à lui-même, fidèle à sa punchline « j’ai pas changé d’adresse, pourquoi j’aurai changé de flow ? » issue du morceau « tant qu’on est là », sorti en 2017. À l’heure où nombre de rappeurs changent de style tous les ans pour s’adapter aux nouvelles modes et ainsi rester « à la page », il faut bien dire que l’authenticité d’Hugo TSR fait du bien.