Nouveau confinement : des demi-mesures pour tenter de gérer le désastre

Ce 18 mars, à l’occasion d’une conférence de Presse, Jean Castex a annoncé le confinement, « pour au moins quatre semaines », de 16 nouveaux départements, à partir de vendredi 19 mars à minuit. Ce confinement ne met pas en place de fermeture d’écoles ou des lieux de travail, hormis les commerces non-essentiels. Les lycées passent en demi-jauge, les universités restent en distanciel. Les écoles maternelles et primaires ainsi que les collèges, eux, restent ouverts. Les attestations permettent de s’éloigner à 10km du domicile, autant de temps que l’on souhaite. Le couvre-feu, lui, est repoussé à 19h.

Autant dire que, globalement, rien ne va fondamentalement changer. La pression s’accentue sur la population, mais l’épidémie ne sera pas stoppée. Rien n’est fait pour décourager les rassemblements privés, les visites en famille en dehors des gens les plus éloignés géographiquement. Les lieux de contamination comme le travail ou les écoles restent ouverts. Il y a une gestion purement mathématique : dès que la contamination s’accélère, des mesures sont prises pour stopper cette accélération, sans aucune volonté de casser l’épidémie, car cela signifierait rogner sur les profits ou faire peser l’ensemble des coûts sur la classe ouvrière. La seconde option est d’ores et déjà retenue, bien-sûr : 800 000 emplois ont été supprimés avec les mesures sanitaires et la crise et le chômage partiel ne couvre désormais plus que 70% du salaire brut, la bourgeoisie se délestant au maximum des coûts. L’État utilise l’emprunt pour financer le reste, et le fera payer aux masses via les taxes, les impôts, les économies sociales à la fin de l’épidémie – du moins, à la fin des mesures d’exception. Le confinement, en fait, ne changera tellement rien que « nous gardons la même prévision de croissance », comme l’a affirmé Olivier Dussopt, ministre délégué aux comptes publics, sur Europe 1, se disant « convaincu que le 6% est atteignable », grâce à « des motifs d’espoirs » sur le plan économique.

L’épidémie continue sa progression : 300 à 400 morts par jours en moyenne, ce qui risque d’augmenter avec la forte progression de l’épidémie, correspondant à la fin des vacances scolaires et à l’augmentation rapide ces dernières semaines du nombre de cas quotidiens détectés. Chaque jour, des centaines de personnes meurent, des centaines d’autres sortent de réanimation et seront handicapées à vie, avec des séquelles irréversibles, des milliers d’autres auront des séquelles très longues. Aujourd’hui, on estime que 76% des personnes ayant été hospitalisées pour cause de Covid souffrent encore d’au moins un symptôme six mois après. Fatigue, faiblesse et douleurs musculaires, dépression, trouble du sommeil, anxiété, perte de cheveux, perte d’odorat, perte du goût, palpitations, douleurs articulaires, vomissements, diarrhées, douleurs thoraciques, vertiges… Les symptômes qui persistent sont lourds et très difficiles à vivre pour les personnes qui en souffrent. Aujourd’hui, les services de réanimation se remplissent de plus en plus vite et sont proches de la saturation. Pourtant, jusqu’à il y a quelques semaines, le gouvernement se refusait drastiquement à prendre de nouvelles mesures car l’épidémie était stable. Cela montre que pour l’État capitaliste français, une situation stabilisée avec entre 300 et 400 morts par jour et des milliers de personnes hospitalisées en réanimation n’est pas un problème.

Dans ce contexte, les bourgeois fuient les zones confinées en direction de leurs résidences secondaires en Bretagne et dans le Sud-Ouest de la France, prenant le risque de faire exploser les contaminations dans ces régions plutôt épargnées pour le moment. Les ouvriers, eux, ne le peuvent évidemment pas : ils n’ont pas de résidences secondaires et doivent rester dans les régions confinées pour continuer d’aller au boulot, car la priorité de l’État est de protéger les profits des capitalistes. C’est aussi pour cela que les écoles restent ouvertes : elles servent de garderies pour les enfants des ouvriers pendant que ces derniers sont au travail. Le télétravail, qui concerne surtout la petite bourgeoisie d’encadrement et la bourgeoisie, protège de ce fait en premier lieu ces populations, pendant que les ouvriers prennent chaque jour le risque de se contaminer au travail à l’usine, à l’atelier, sur les chantiers, dans les entrepôts…

De nombreux bourgeois parisiens fuient la capitale le 19 mars, au lendemain de l’annonce du reconfinement

Pourtant, depuis janvier, les masses réclament, globalement, des mesures dures, efficaces rapidement, couplées à une vaccination et des mesures sanitaires planifiées, organisées, cohérentes. Mais la bourgeoisie et la petite bourgeoisie ont gagné sur toute la ligne. Alors que les prolétaires du secteur du spectacle luttent pour leur survie économique, la bourgeoisie des Césars réclame la « réouverture ». La gauche bourgeoise pleure aux « libertés bafouées », à la « dictature sanitaire » (expression empruntée à l’extrême droite). Le médias anarchiste « Cerveaux Non Disponibles » a diffusé une vidéo de gens déguisés en prisonniers qui se baladent dans les rues de Nantes, tentant de mobiliser le centre ville contre la « dictature sanitaire ». Et qu’est ce qui est prôné par ce genre d’action ? Des « manifestations festives », des teufs en centre ville, des apéros sauvages. Bref, de nouveaux clusters. On voit bien ici que la classe ouvrière est méprisée jusque dans les rangs de la gauche pseudo-révolutionnaire.

La démocratie est un rapport de force entre ceux qui possèdent un capital, petits et grands bourgeois. Le plus riche ayant une voix qui porte plus, le petit cherchant des appuis dans les masses populaires. Ainsi, la petite bourgeoisie cherche un appui au sein du prolétariat pour ses propres revendications, telles que la réouverture des salles de spectacle. Les ouvriers et les ouvrières réclament des vraies mesures de confinement, la fermeture des lieux de production, l’arrêt des ridicules demi-mesures, l’arrêt aussi, pour ceux qui vivent dans les cités, des violences policières, perpétrées sous prétexte de mesures sanitaires.

La solidarité populaire est un élément clef de l’organisation d’un véritable mouvement populaire, capable de prendre en main la crise. Pendant que la gauche petite bourgeoise réclame des « mesures », tout en les dénonçant, tout en revendiquant plus de « libertés », les masses sont lassées par l’État, par les demi-mesures, car ce n’est pas ça qui augmentera le niveau de discipline collective dans la lutte contre le virus. Sur cette ligne petite-bourgeoise, totalement libérale et déconnectée de la classe ouvrière, le média anarchiste Nantes Révoltée se distingue, en affirmant notamment que « bientôt, avec l’allongement des jours, le retour du printemps et les mesures toujours plus absurdes, le rire ne suffira plus ». Depuis des mois, Nantes Révoltée se fait ainsi le porte voix de toute cette gauche petite-bourgeoise qui n’a que le mot « liberté » à la bouche, qui méprise la classe ouvrière et qui, à l’image des étudiants petits-bourgeois de mai 68 qui voulaient « vivre sans contraintes et jouir sans entrave », ne lutte que sur des revendications individualistes, aux antipodes de tout esprit collectif.

Dans les masses, la colère gronde, contre les mesures absurdes, contre la bourgeoisie qui veut faire payer la crise à la classe ouvrière. Nous l’avons vu encore ces dernières semaines avec de nombreuses révoltes de la jeunesse prolétaire, dans la région lyonnaise, mais aussi à Blois. Pour que cette colère légitime s’affirme, il n’y aucun besoin de populisme, il y a besoin d’organisation, il y a besoin de compréhension du monde, il y a besoin de perspectives. Quelles perspectives affirment les médias de la gauche bourgeoisie pseudo-révolutionnaire tels que Révolution Permanente, Nantes Révoltée ou Cerveaux Non Disponibles ? Des demi-mesures par en haut, poussant au libéralisme individuel : la réouverture des bars de centre-ville, des cinémas, dans lesquels les travailleurs vont très peu, laisser filer l’épidémie au nom de la « liberté » sans penser aux conséquences ou dans l’espoir d’une immunité collective, au prix de milliers de morts. Une politique réformiste d’ouverture de lits d’hôpitaux, dans des luttes menées par des syndicats de cogestion, sans aucune considération pour la gravité d’un passage en réanimation. Sans aucune compréhension non plus du système hospitalier.

Quelles perspectives affirmons nous, à La Cause du Peuple ? L’organisation méthodique des quartiers populaires, des travailleurs et travailleuses, la synthèse de toutes les pratiques justes et la lutte contre tout ce qui est faux et importé de conceptions bourgeoises et petites bourgeoises. Des mesures prises par les masses elles mêmes, dans une logique de contre pouvoir, poussant à l’autodiscipline. Nous ne voulons ainsi pas des demi-mesures prises par un gouvernement dont les principales motivations sont d’une part satisfaire les intérêts du patronat et d’autre part essayer de réguler la mortalité du virus (sans pour autant l’endiguer) afin de pouvoir se présenter en 2022 comme le gouvernement qui « a fait mieux que nos voisins européens en terme de mortalité ». La situation actuelle nous donne raison dans notre refus de ces demi-mesures prises par le haut : le reconfinement de l’Île de France symbolise tout l’échec du gouvernement dans la gestion de l’épidémie et l’incapacité de l’État capitaliste à protéger les masses populaires du risque sanitaire. En faisant vivre la solidarité populaire, en prônant une gestion de la crise sanitaire par les masses, pour les masses, nous affirmons clairement que nous n’attendons rien d’un État qui a prouvé son incompétence et son cynisme. Nous souhaitons au contraire prendre nos propres affaires en main, construire par le bas le pouvoir populaire. C’est là la première tâche des révolutionnaires. C’est le sens des actions menées depuis un de pandémie par les Jeunes Révolutionnaires : conception et distribution de masques et gel hydroalcoolique, récoltes et distributions alimentaires, organisation de réseaux d’entraide pour les personnes âgées etc.

Une table de solidarité populaire (récolte et distribution alimentaire) organisée par les Jeunes Révolutionnaires en Seine-Saint-Denis

 

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