Vendredi 2 avril, M6 a diffusé un court reportage à propos des repas clandestins organisés par la haute bourgeoisie parisienne. On y voit des riches en costard déguster dans un palace des menus à plusieurs centaines d’euros. Interrogé en caméra caché, le propriétaire des lieux affirme avoir diné avec plusieurs ministres dans des « restaurants clandestins ». Le lieu a rapidement été identifié, il s’agit du Palais Vivienne, situé au 36 Rue Vivienne, dans le chic deuxième arrondissement de Paris. Le propriétaire, quant à lui, est Pierre-Jean Chalençon, un riche collectionneur.
En pleine pandémie, alors que tous les lieux habituels de sociabilité sont fermés, alors qu’il est interdit de se déplacer à plus de 10 kilomètres de chez soi, alors qu’il y a un couvre feu à 19h, alors que plus de 5600 personnes sont actuellement en réanimation, la haute bourgeoisie, elle, ne se prive pas. Dans le reportage de M6, on peut d’ailleurs voir qu’au palais Vivienne, les gestes barrière ne sont absolument pas respectés : le personnel ne porte même pas de masque car le propriétaire souhaite que les invités se sentent « comme chez eux ». Ainsi, en plus de les exploiter en dissimulant leur travail, Pierre-Jean Chalençon met également en danger la santé de ses employés en refusant qu’ils n’appliquent les gestes barrière. Sur tout cela, le propriétaire des lieux se justifie de manière pathétique en affirmant que « on est en démocratie, on fait ce qu’on veut ». Il s’agit là de la mentalité bourgeoisie la plus crasse, la plus individualiste, faisant écho au pathétique texte publié par Nicolas Bedos il y a quelques mois.
Au fond, la bourgeoisie ici nous montre son vrai visage : d’un côté, sur tous les plateaux télés, ses représentants viennent expliquer qu’il faut faire attention au virus, respecter les gestes barrière et se plier au métro-boulot-dodo, abandonnant ainsi tout loisir, tout plaisir de la vie, pour lutter contre l’épidémie. De l’autre, ces mêmes bourgeois enfreignent toutes les règles qu’ils nous demandent de respecter, à l’image par exemple de Bruce Toussaint, présentateur de BFMTV, qui est allé déjeuner le 13 mars dernier dans un luxueux restaurant de Deauville, en Normandie. Si le restaurant l’Étage se défend aujourd’hui en affirmant que Bruce Toussaint y a déjeuné dans le cadre d’un séminaire d’entreprise, ce qui est légal, cela ne change rien sur le fond car les repas en groupe, qu’ils se fassent dans le cadre de séminaires d’entreprise ou de soirées clandestines entre amis, présentent le même risque de contamination. Ces élites parasitaires qui nous font la morale à longueur de journée sur les plateaux de télévision sont ainsi elles-mêmes incapables d’être exemplaires.
Bien-sûr, ces bourgeois savent qu’ils ne risquent pas grand chose en participant à de tels diners : si ils se font prendre, ils payeront tout au plus une amende de 135€, ce qui ne représente rien pour eux. Si ils sont contaminés au Covid-19, ils savent parfaitement qu’il y aura toujours un lit de réanimation disponible pour eux, dans une clinique privée ou avec une équipe médicale à domicile si il le faut. Nombre de travailleurs ou anciens travailleurs souffrant de comorbidités n’ont pas cette chance et savent que, pour eux, attraper le Covid peut signifier mourir faute de places disponibles en réanimation. C’est ce qui est déjà arrivé à plusieurs milliers de personnes partout à travers le monde. Pourtant, dans une situation épidémique catastrophique, où les hôpitaux sont saturés, où les places disponibles en réanimation se font de plus en plus rares, il semble assez évident que la vermine bourgeoisie qui se contamine dans de luxueux restaurants clandestins ne devrait pas être prise en charge par les services de santé, afin d’économiser de précieux lits.
Suite à la polémique, Pierre-Jean Chalençon a pathétiquement tenté de se défendre en affirmant qu’aucun repas clandestin n’est organisé au Palais Vivienne, qu’aucun ministre n’est venu diner et que tout cela n’était qu’une blague, un poisson d’avril. Pourtant, les images tournées par M6 ont bien prouvé le contraire, et ce mardi 6 avril, la société des journalistes de la chaîne a affirmé être en mesure de confirmer « la présence d’au moins un membre du gouvernement à un de ces dîners ».
Cette nouvelle affaire nous démontre une fois de plus que les larges masses populaires et la haute bourgeoisie monopoliste ne vivent pas dans le même monde. Quand eux « se gavent de saumon sur lit de caviar », pour reprendre la formule du groupe IAM dans le célèbre morceau « nés sous la même étoile », nous, avons souvent du mal à boucler les fins de mois, à payer notre loyer, à faire plaisir à nos enfants. Pendant qu’eux se contentent de gérer leurs affaires en empochant les bénéfices de leurs entreprises, nous, travaillons au quotidien pour faire tourner la société et produisons toutes les richesses qu’ils s’accaparent. Pendant qu’eux ne connaissent pas le confinement, le couvre feu et les restrictions sanitaires, nous, sommes confinés dans de petits appartements et avons pour seule activité sociale le travail, pour celles et ceux d’entre nous qui en ont un.
Les repas clandestins de cette caste de bourgeois déconnectés de nos réalités, qui ne vivent qu’en nous exploitant, sont le symbole parfait de toute la corruption du système dans lequel nous vivons. Cependant, tout bouge, tout change, rien n’est éternel et, comme nous l’avons vu ces dernières années, la colère gronde, les mobilisations sociales prennent de plus en plus d’ampleur. Ainsi, nous pouvons avoir une certitude : tôt ou tard, nous leur ferons payer le prix fort pour leurs crimes, leur mépris, leur arrogance.