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Haïti : le président assassiné, les appels aux interventions étrangères se multiplient
Le 7 juillet 2021, le président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse, est assassiné, officiellement par un commando. La situation actuelle de l’enquête est encore floue. Un « commando colombien » est mentionné. Comme révélé par une source locale dans Médiapart, cette hypothèse « arrange tout le monde. Trop de gens sont impliqués en interne. ». Connaîtrons-nous l’identité des assassins et commanditaires ? Dans Médiapart à nouveau, un interlocuteur local ironise : « Les Américains peuvent tout arranger ! Cela va dépendre de ce qu’ils décideront de faire en Haïti ». Jovenel Moïse était un président tyran, élu en 2016, qui a cherché à écraser le mouvement social venu des quartiers les plus pauvres de Port-au-Prince, la capitale, lors d’une crise politique commencée en 2019 dans le pays.
Moïse s’était accroché au pouvoir, remaniant constamment son gouvernement, tentant de prolonger son mandat, de supprimer les attributions de certaines institutions comme le Parlement et la justice… Sous sa présidence, l’économie a plongé, la malnutrition s’est développée et les gangs sont devenus des forces majeures de la société haïtienne. Haïti, qui s’était héroïquement libérée de la domination coloniale et esclavagiste française il y a 217 ans, est aujourd’hui un des plus pauvres pays du monde. Le pays est sous coupe réglée des différentes puissances étrangères et les élites haïtiennes bourgeoises sont profondément corrompues par les impérialistes américains, français, canadiens… Le gouvernement dépend en grande partie de l’aide étrangère étasunienne, et il n’est donc pas étonnant que Jovenel Moïse ait été un grand allié et défenseur des États-Unis durant sa vie.
Depuis son assassinat, le pays connaît un vide de pouvoir : de nombreux hommes politiques et autres ont cherché à déclarer leur légitimité à gouverner. C’est une crise grave pour la politique haïtienne.
Immédiatement, aux États-Unis comme en Europe, des appels se sont multipliés pour une intervention étrangère en Haïti. Ainsi, on pouvait lire dans Le Monde : « Il est irréaliste d’envisager de tenir des élections “justes et libres”, comme l’exige la procédure démocratique, dans les circonstances actuelles. Le bon sens incite à cesser provisoirement de s’accrocher à la condition sine qua non des élections : c’est de gouvernance qu’Haïti a besoin dans l’immédiat. Aider les Haïtiens à former un gouvernement de transition, susceptible de stabiliser le pays afin de le mener à des élections, devrait être la priorité des États-Unis appuyés par les pays de l’Organisation des États américains. » Dans le New York Post, c’est l’intérêt américain qui est mentionné : « Les États-Unis et les autres membres de la communauté internationale devront agir rapidement pour empêcher que la situation ne devienne encore plus incontrôlable. Il est dans notre intérêt de le faire. »
C’est une réaction qui n’est pas surprenante : en prétextant l’absence de démocratie ou la nécessité de la rétablir, des puissances impérialistes organisent la potentielle invasion d’un pays et son occupation par des troupes étrangères. Cette tactique a de nombreuses fois été utilisée par les États-Unis, notamment au Moyen-Orient dans les 20 dernières années. En Haïti, des « officiels » bourgeois ont d’ores et déjà appelé les USA à l’aide. Pourtant, jusqu’ici, l’absence de démocratie sous la présidence de leur chien Moïse ne semblait pas gêner les USA.
Haïti et le peuple haïtien n’ont pas besoin du président des États-Unis ou de l’armée américaine pour résoudre les problèmes durables de la société haïtienne et y établir une réelle démocratie. Au contraire, ce sont les États-Unis et les autres impérialistes, comme la France, qui ont fait d’Haïti une société instable et non-démocratique comme elle l’est aujourd’hui. Il ne faut jamais faire confiance aux pompiers pyromanes : en justifiant une intervention pour éteindre les flammes de la crise politique, ils ne renforceront que plus profondément la crise générale en Haïti, en installant leurs pantins sur le trône de la présidence.