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Un torchon. Ces deux mots pourraient résumer ce film. On voit toutes et tous dans la vie de tous les jours, au détour d’une traversée dans les transports publics, dans la rue, les publicités, ces citations sur des affiches de film des critiques de la presse bourgeoise : Télé Loisirs, Le Monde, Le Figaro, etc. Évidemment, leurs critiques sont toujours positives, tout cela n’est qu’un vaste réseau bourgeois où les grandes sociétés de distribution de films (GAUMONT DISTRIBUTION, UGC DISTRIBUTION, STUDIO CANAL, PATHE FILMS) sont généralement rattachées en tant que filiales à des sociétés de production de films ou à des groupes de télévision. Possédant les droits de commercialisation et d’exploitation des films, ils les diffusent dans leurs salles de cinéma ou les vendent aux autres propriétaires de salles de cinéma. Ce sont donc eux qui s’occupent en amont de toute la stratégie médiatique : sélection des attachés de presse, organisation des avant-premières, circulation dans les festivals, etc. Tout cela explique le décalage abyssal qui existe systématiquement, excepté pour de rares films, entre les « critiques presse » et les « critiques spectateurs » sur les sites comme Allociné. Littéralement, on nous propose quasiment que de la merde ou des films « passables », et on tente de faire passer ces films pour l’excellence. Présidents fait partie de cette merde-là.
« Cette comédie du pouvoir est irrésistible de drôlerie et bourrée de reparties mordantes, où Jean Dujardin et Grégory Gadebois se jouent de leurs modèles avec un talent comique qui relève de l’évocation poétique. » – Télé Loisirs
« Sur un point de départ aussi improbable que casse-gueule, Anne Fontaine tricote une farce politique savoureuse et drôlissime portée par un duo d’acteurs au sommet et des personnages secondaires féminins bien troussés, épouses entières ou jamais dupes. » – Le Journal du Dimanche
« Anne Fontaine met en scène Nicolas Sarkozy et François Hollande en Corrèze, en quête d’une alliance et d’un come-back improbables. Résultat : une comédie politique réjouissante. » – Les Échos
En août 2020, la réalisatrice du film Anne Fontaine, de son vrai nom Anne-Fontaine Sibertin-Blanc, bourgeoise franco-luxembourgeoise du 16ème et épouse du producteur Phillipe Carcassonne (qui produit ses films), déclare que le confinement l’aurait stimulée dans l’idée d’un « temps différent ». Ce ne serait pas en lien avec « cette période », mais elle avait envie de quelque chose de « léger, drôle, fantaisiste ». Quel est le pitch de son film ? Nous sommes en décembre 2021, Marine Le Pen est donnée gagnante des élections présidentielles dans les sondages et la cote de Macron est en chute libre. C’est alors qu’intervient la réponse à la montée du fascisme pour le coup effectivement fantaisiste : Sarkozy. Le pauvre supporte mal l’arrêt de la vie politique (bien sûr, le film n’abordera pas une seconde toutes les affaires dans lesquelles a trempé Sarkozy ni ses condamnations), il consulte un psychologue car il ne sait pas quoi faire de ses journées, déprime, et passe même l’aspirateur dans son appartement du 16ème… fantaisiste, effectivement ! C’est alors qu’il se dit qu’il devrait se présenter en compagnie de François Hollande pour contrer la « menace brune » comme il le présente à Hollande dans le film pour le convaincre de leur nécessaire union. Ils se mettent alors en campagne tous les deux.
Ce ne serait pas en lien avec « cette période », mais ça y ressemble quand même vachement ! Nous avons à faire à la posture bourgeoise qui quand ça l’arrange, fait passer les choses pour apolitiques. Pourtant le propos est clair : face à Marine Le Pen, le front républicain ! Dans ce qu’il y a de plus grotesque, une candidature commune entre un ancien président de droite et un autre de « gauche »… Car tout le long du film, « l’humour » ne se focalise absolument pas sur cette candidature, elle n’est pas vraiment tournée en dérision. La deuxième sujet mis en avant au côté du « front républicain », ce sont les ex-présidents en tant qu’humain avant tout. Donc ce qui est censé être drôle, c’est de voir Sarkozy passer l’aspirateur comme tout le monde évidemment (!), de voir Hollande dans sa campagne avec son « modeste domaine » comme tout le monde évidemment. Tout le film se donne pour tâche de présenter tout au long au final deux hommes normaux, qui ne seraient pas si différents des masses : Hollande prépare son propre pâté, il va au marché du village régulièrement comme tout le monde, Sarko écoute du rap pendant son footing, prend le TGV, et bien d’autres choses saugrenues. Le message est le suivant : être président, c’est si éprouvant, et la volonté de Sarkozy et Hollande de se battre contre Marine Le Pen est un acte héroïque, transcendant. Comme le dit Sarkozy dans le film, il EST la France. Sarkozy et Hollande sacrifieraient au final leur vie tranquille dans le 16ème et en Corrèze pour pouvoir défaire l’extrême-droite suivant une mystique mission qui leur serait confiée par la nation.
Le film se termine comme un cheveu sur la soupe pour tenter de nuancer un peu ce ridicule front républicain : la femme de Hollande se fait remarquer par un discours spontané. Ce sera finalement probablement elle l’opposante à Marine Le Pen en tant que candidate incarnant le féminisme bourgeois.
Voilà la vision de la démocratie bourgeoise que nous peint Anne-Fontaine Sibertin-Blanc : le pouvoir, c’est quand même pas facile, les candidats sont courageux. Ils représentent le peuple finalement, vivent un peu comme lui et ne veulent que son bien. Marine Le Pen est la seule bête immonde contre laquelle il faut opposer l’union sacrée. Le peuple derrière les idées « modérées » et « progressistes » bourgeoises saura ainsi vaincre le fascisme. Le film ne pouvait pas se terminer sans une petite leçon de morale à ce peuple qui ne comprendrait rien à rien et qui n’est pas vraiment disposé à cette union sacrée : « Nous sommes en effet les seuls à penser qu’un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile. » — Périclès. Les seules personnes inutiles sont tous ces bourgeois parasitaires comme Anne Fontaine qui nous servent des films nullissimes et vivent sur le dos du peuple travailleur qu’ils méprisent tant.