Vous avez peut-être vus passer une vidéo ces derniers jours. Elle représente Macron en Polynésie, recouvert de colliers de fleurs de la tête aux pieds. Bien qu’elle soit en réalité un montage, cette vidéo est tirée d’un voyage bien réel effectué par le chef de l’État français à la fin du mois de Juillet. C’était la première fois que Macron se rendait dans les archipels qui composent la Polynésie (Porinetia en tahitien, une des cinq langues reconnues mais pas officielle), 5 ans après la visite de son prédécesseur, Hollande.
Mais ce n’était pas du tout pour célébrer que Macron s’était déplacé. Situées dans l’Océan Pacifique, les 118 îles de la Polynésie, colonisées au XIXème siècle par la France dans son Empire Colonial, sont d’une importance capitale pour les plans français dans la région. Il y a 60 ans déjà, le pays avait été très utile stratégiquement pour l’impérialisme français, puisque la France avait effectué près de 200 essais nucléaires entre les années 60 et les années 90. Ces explosions avaient bien entendu entraîné des conséquences sanitaires pour les populations des îles. Mais Macron n’était pas là pour présenter des excuses : à peine a-t-il reconnu qu’il existait une « dette » française. Comme Chirac ou Hollande avant lui, Macron cherche simplement à faire les beaux parleurs, et ne promet rien de concret par rapport à ce dossier.
Mais alors, pourquoi Macron a-t-il donc effectué ce voyage, qu’il avait conservé de son agenda de 2020? Plusieurs raisons sont à trouver dans les visites et discours effectués sur place par le chef de l’État bourgeois.
Premièrement, par rapport à la situation locale, Macron a insisté sur « l’engagement » de la France envers la Polynésie. Cela touchait particulièrement au réchauffement climatique et de la montée des eaux qui menacent les archipels. La « protection » des îles est une donnée importante dans la relation que la France entretient avec cette colonie : depuis les années 40, où le Rassemblement des populations tahitiennes a été formé, un courant indépendantiste et nationaliste a émergé en Polynésie. Aujourd’hui, même les anti-indépendantistes à la droite de l’échiquier politique revendiquent de « l’autonomie » vis à vis de la France. Alors que 78 % des habitants environ sont Polynésiens et seulement 12 % Européens, il va sans dire que Macron a tout intérêt à présenter la France comme la sauveuse de la Polynésie face aux catastrophes climatiques, s’il veut garder le contrôle sur les archipels.
Deuxièmement, et cela explique pourquoi Macron tient tant à cette visite en Polynésie : ces dizaines d’îles sont situées dans une zone très stratégique pour les puissances impérialistes aujourd’hui, et pour l’impérialisme français en particulier. Pour commencer, la Polynésie représente environ 50 % de la Zone Économique Exclusive (ZEE) française, c’est-à-dire l’immense zone réservée à la France dans les eaux qui entourent les terres. Grâce à cela, la France possède la plus grande ZEE du monde. Cette zone polynésienne contient de nombreux minéraux à extraire, comme le cobalt, le phosphate ou même des potentielles terres rares, ces métaux si recherchés. Mais ce n’est pas tout.
Macron a parlé, dans son discours sur place, d’une « zone où le monde se fait ». En effet, la Polynésie est située dans l’Océan Pacifique, terrain d’une partie importante de la lutte entre grandes puissances impérialistes, particulièrement les États-Unis, la Chine, le Japon et bien évidemment, la France. Macron n’a pas hésité à utiliser ces concurrents impérialistes comme des menaces pour le peuple : « Dans les temps qui s’ouvrent, malheur aux petits, malheur aux isolés. Malheur à celles et ceux qui vont subir les influences et les incursions de puissances hégémoniques ». Il exprime bien là sa volonté de mettre durablement la Polynésie sous la coupe de la France, au service de la « stratégie indo-pacifique » de l’impérialisme français.
Les masses de Polynésie n’ont donc pas simplement eu droit à une visite de courtoisie de la part du premier représentant de l’État français. Pour Macron et l’impérialisme français, ce voyage avait des objectifs clairs : par la peur du dérèglement climatique et des tensions impérialistes dans le Pacifique, il s’agit de conserver et d’approfondir la mainmise absolue et sans partage de la France sur les 118 îles de Polynésie. Macron a d’ailleurs bien résumé le seul programme que l’impérialisme français puisse proposer aux masses de Polynésie : « Soyez fiers […] d’être polynésiens, d’être français. ». Face aux plans de guerre des puissances impérialistes et aux cyclones et autres problèmes environnementaux, la fierté française ne pèsera pas bien lourd pour les masses populaires.