Nous republions cet article important, écrit il y a plus d’un an, et qui analysait les contradictions qui existaient en Asie du Sud, particulièrement en Afghanistan. A la lumière de la prise de pouvoir récente des Talibans, nous invitons nos lectrices et nos lecteurs qui voudraient mieux comprendre la situation à relire cet article. Il apporte un éclairage révolutionnaire sur ce qui a conduit aux événements d’août 2021.
Le 29 février 2020, les États-Unis ont réussi à signer un accord de paix conditionnel avec les Talibans qui permettrait aux Étas-Unis de retirer leurs soldats et mercenaires du pays tout en essayant de ne pas laisser l’Afghanistan tomber dans les mains de ses concurrents impérialistes. Pourtant, l’accord est seulement entre les États-Unis et les Talibans et il reste encore à réaliser un accord « intra-Afghan » entre le régime de Ghani à Kaboul et les Talibans. Puisque l’immense majorité de cette guerre se déroule entre l’armée Afghane et les Talibans, peu a changé sur le terrain avec le nouvel accord. Les États-Unis ont même redémarré les frappes aériennes en soutien de l’armée. De plus, Abdullah Abdullah continue à contester les résultats de l’élection présidentielle récente et a formé son propre gouvernement en réponse. La prochaine étape des négociations entre le régime et les Talibans est déjà enlisée à cause de la réticence du régime de Ghani à libérer des prisonniers Talibans en respect de l’accord, mais quel que soit le résultat, il suivra une intensification du conflit dans le pays.
Pour résumer, les éléments essentiels de l’accord sont les suivants :
– Retrait de touts soldats étrangers dans le pays (incluant les mercenaires et soldats de pays alliés aux États-Unis) dans les 14 mois.
– Les Talibans n’acceuilleraient aucun groupe terroriste hostile envers les États-Unis, y compris l’offre de refuge légal (visas, passports, etc.)
– Les deux premiers éléments sont dépendants l’un de l’autre ; l’un n’aura pas lieu sans l’autre.
– Les Talibans doivent mettre en oeuvre un cessez-le-feu permanent avec le régime Afghan pour débuter les négociations « intra-Afghans ».
– En tant que mesure de confiance pour démarrer les négociations « intra-Afghans », le régime de Kaboul doit libérer 5000 prisonniers en échange de 1000 prisonniers détenus par les Talibans.
– Révision de toutes sanctions étatsuniennes contre les Talibans avec le but de les lever.
– Reviser les listes des personnes recherchées contre les militants Talibans avec le but de les enlever des listes.
Depuis les premières phases de cette guerre de bientôt 20 ans, les gouvernements de Ghani et de son prédecesseur Karzai ont tenté à plusieurs reprises de mettre en place un accord de paix avec les Talibans, mais les États-Unis ne se sont pas engagés avant l’arrivée du President Trump. La faillite et le gaspillage de la guerre et la nécéssité de sortir les troupes de l’Afghanistan était un point essentiel de la rhétorique « America First » de la campagne éléctorale de Trump. Pourtant, cet accord avec les Talibans arrive vers la fin du premier mandat présidentiel de Trump. Bien que le moment choisi sert bien la prochaine campagne électorale de Trump, les raisons pour l’évolution de cette longue guerre sont beaucoup plus profondes et datent de bien avant l’invasion impérialiste étatsunienne en 2001. Depuis plus que deux ans il se passe dans la région un changement de stratégie des grandes puissances impérialistes et ce dernier accord est un évènement clé dans cette transformation. Les acteurs principaux sont la Chine, la Russie et bien évidemment les États-Unis. Ces grandes puissances impérialistes sont entrain de rediviser l’Asie du Sud en impliquant l’Inde, le Pakistan et l’Iran dans leur intérêt pour contrôler l’Afghanistan.
Il devient de plus en plus important de contrôler l’Afghanistan pour deux raisons : premièrement, l’importance géostratégique du pays, et deuxièmement, ses réserves énormes de resources inexploitées. L’histoire moderne de l’Afghanistan est une histoire de lutte contre la domination impérialiste sans arrêt. L’Afghanistan est un des rares pays non-impérialistes à ne jamais avoir été colonisé avec succès. Pendant le 19ième siècle et le début du 20ième siècle, les peuples de l’Afghanistan ont humiliés par les armées britanniques et n’ont jamais permis l’empire Russe à prendre le contrôler non plus. Entre 1919 et 1929, le roi Amanullah, inspiré par l’occident, a essayé brusquement de séculariser et moderniser le pays sur un modèle européen, mais il finira en exil. En 1973, Mohammed Daoud Khan, membre de la famille royale, réalise un coup d’État pour établir la République de l’Afghanistan et s’autoproclame le Président avec le soutien de l’URSS et avec le parti communiste Parcham à son côté. Suivant la distanciation de Daoud avec l’URSS, il y a un autre coup d’État par le « People’s Democratic Party of Afghanistan » (PDPA) en 1978. Le PDPA pro-Soviétique s’attaque au système féodal et annule les dettes et les prêts paysans pour réaliser la réforme agraire. Pourtant, le nouveau régime ne réussit pas à stabiliser son contrôle du pays. Depuis le sud, les impérialistes Étatsuniens et Britanniques cherchent à déstabiliser l’État via le Pakistan en financant, eintrainent, et armant les guérillas moudjahidines. Partant du nord, l’URSS social-impérialiste occupe le pays vers la fin de 1979 pour tenir le pays sous leur contrôle. Aux deux côtés, L’Iran et la Chine social-impérialiste agissent aussi pour déstabiliser le régime du PDPA avec le but d’affaiblir l’URSS. Pendant toute cette histoire, la richesse des resources naturelles afghanes n’a jamais été exploitée de manière importante, que ce soit par des impérialistes ou par les afghans eux-mêmes. Les capacités industrielles pour les exploiter n’ont jamais été dévéloppées, notamment en raison du recul vers le féodalisme le plus arriéré sous le régime Taliban. Pour les grandes puissances impérialistes, l’Afghanistan est un grand coffre au trésor bien garni. Ceci est mis en évidence par l’intèret croissant de la Chine pour l’Afganistan. Prétendument avec l’aide d’un pot-de-vin de 30 millions de dollars au ministe des mines, la société nationale chinoise « Metallurgical Group Corporation » a obtenu un contrat de 30 ans pour la mine de Mes Aynak en novembre 2007. La mine donne accès à la deuxième plus grande réserve de cuivre au monde avec une valeur estimée de plus de 90 milliards de dollars. En décembre 2011, l’Afghanistan a signé son premier contrat international d’exploration et d’exploitation pétrolière avec le « China National Petroleum Corporation ». La Chine a obtenu un contrat de 25 ans dans la région du bassin Amu Darya pour un investissement de 3 milliards de dollars. Il est estimé que le basin contient une réserve de plus de 1,6 milliard de barils de pétrole brut. De plus, Il est estimé que les réserves dans les provinces de Balkh et Jawzjan contiennent 3,5 milliard de barils de pétrole brut.
Toutefois, c’est l’importance géopolitique de l’Afghanistan qui précipite l’intèret des impérialistes de manière si urgente. Le Nord du pays est à la frontière de l’influence Russe en Asie centrale. A l’Est il y a une courte frontière avec la province chinoise du Xinjiang. Au Sud il y a le Pakistan, qui est en conflit permanent avec son grand voisin l’Inde. Finalement, à l’Ouest il y a l’Iran. Avec les États-Unis qui occupent le pays depuis 2001, L’Afghanistan est le carrefour de luttes inter-impérialistes dans le monde.
Les États-Unis
Depuis leur intervention indirecte en Afghanistan contre l’occupation soviétique et le régime du PDPA, les États-Unis ont compris l’Aghanistan comme un axe stratégique pour leur influence impérialiste en Asie du Sud. Après le retrait de l’URSS de l’Afghanistan et la victoire finale des Talibans, l’Afghanistan est tombé sous l’influence direct du Pakistan, qui a été central dans le dévéloppement concret des Talibans. À leur tour, le Pakistan est devenu dépendant du soutien économique et militaire des États-Unis pendant dix ans en tant qu’arrière-pays pour la guerre en Afghanistan contre l’URSS. Après la fin de cette guerre, l’importance du Pakistan pour les États-Unis est diminuée pendant que le social-impérialisme Chinois a continué de s’étendre. Aujourd’hui, les grands prêts et investissments et les acquisitions d’équipements militaires viennent principalement de la Chine. Le niveau d’investissement de la Chine est sans précédent dans l’histoire du Pakistan. Cela est exemplifié par l’immense projet Chinois du « China–Pakistan Economic Corridor » qui connecte la frontière occidentale de la Chine à la mer d’Arabie pour le transport commercial. La Chine a lentement pris le dessus des États-Unis au Pakistan. Par conséquent, les États-Unis ont perdu le contrôle de leur moyen établi d’influencer l’Afghanistan. La situation est devenu très ironique et embarassante pour les impérialistes étatsuniens. Les Talibans, dont le développement était financé par les États-Unis pour servir leurs intérêts dans la région, est devenu l’obstacle principal à une occupation réussie du pays. Après 19 ans de guerre, les Talibans contrôlent environ 60 % du pays. Ils ont effectivement gagné la guerre contre les États-Unis et ses alliés, ce qui leur permet de négocier des termes aussi favorables dans le retrait des États-Unis. La distanciation du Pakistan, la montée de la Chine et la victoire stratégique des Talibans ont écrasé les efforts de l’impérialisme étatsunien en Afghanistan et en Asie du Sud. Les États-Unis n’ont aucun autre choix que de réinventer leur présence en Asie du Sud avec leur dernier ami dans la région : l’Inde.
Depuis l’occupation étatsunienne en 2001, l’Inde a pris un rôle de plus en plus important en Afghanistan. Aucun pays en Asie du Sud a investi tant dans l’Afghanistan que l’Inde avec plus que deux milliards de dollars. Aujourd’hui, l’Inde a un intérêt commun avec les États-Unis à agir contre la Chine et le Pakistan, mais elle n’est pas suffisament dévéloppée pour confronter la Chine toute seule sur tous les plans. Pour l’Inde, l’essor économique de la Chine représente une menace pour l’accès aux ressources, aux marchés et aux routes de transport dans la région. Ces deux économies à forte croissance ont tout intérêt à exploiter les ressource de ce pays tout proche. En octobre 2011, l’Inde a signé le « Strategic Partnership Agreement » avec le gournement Afghan de Karzai. Cet accord prévoyait le rôle de l’Inde en Aghanistan après le retrait des troupes internationales attendu en 2014. L’Inde avait accepté une responsabilité centrale pour le soutien des forces de sécurité et aussi le développement social du pays. Le mois suivant la signature de l’accord, un consortium d’entreprises indiennes dirigé par la Steel Authority of India a remporté un contrat de 10,8 milliards de dollars pour l’extraction de trois des cinq blocs des gisements de minerai de fer de Hajigak, l’une des plus grandes ressources inexploitées en Asie.
En outre, la soumission du Pakistan à l’impérialisme chinois a étendu la portée du conflit entre le Pakistan et l’Inde afin d’impliquer directement tous les acteurs importants de la région. L’Afghanistan est au centre des stratégies géopolitiques de ces deux pays et celui qui réussit à prendre le dessus en Afghanistan réussirait à mettre l’autre sur la touche au niveau commercial. Le plan de l’Inde est le « North-South Transport Corridor » et le développement du port de Chahbahar en Iran. Le « North-South Transport Corridor » est un réseau de voies maritimes, ferroviaires et routières de 7,200 km qui sert a connecter l’Inde à l’Asie occidentale, l’Europe et la Russie en connectant l’Océan Indien avec le golfe Persique et la mer Caspienne. Le port de Chahbahar est un aspect central de ce plan et tire l’Iran du côté de l’Inde.
En mai 2016, l’Inde, l’Iran et l’Afghanistan ont signé un mémorandum d’entente pour construire un couloir de commerce et de transit international à travers l’Afghanistan, qui inclut une ligne ferroviaire irano-indienne de Hjigak au port de Chahbahar. De plus, l’autoroute Zaranj-Delaram de 215 km dans la province afghane Sud de Nimroz a été contruite en 2009 pour connecter le Sud de l’Afghanistan à Chahbahar. L’autoroute permet aussi de connecter les routes commerciales entre l’Asie centrale et l’Asie du Sud tout en contournant le Pakistan. La ligne ferroviaire partant de Hjigak a le même objectif stratégique : de transporter le minerai de fer Afghan et permettre l’importation de produits Indiens en évitant complètement le Pakistan. Cette stratégie ne sert pas seulement à voler l’arrière-cour du Pakistan. Plus important encore, elle sert comme une alternative pour concurrer le projet de réseau de transport de la Chine dans la région, dans lequelle le Pakistan et l’Afghanistan sont essentiels. Bien que les États-Unis ne peuvent pas s’engager à long terme dans une alliance indirecte avec l’Iran, ces manœuvres font que l’Inde est un allié indispensable pour repousser la Chine en Asie du Sud, tout pendant que l’Inde reste dépendante principalement des capitaux étatsuniens.
La Chine
L’ennemi commun de l’alliance USA-Inde menace les puissances impérialistes établies en continuant à étendre son propre réseau de tranport eurasien : la Nouvelle route de la soie. Le but de ce projet énorme est d’ouvrir des routes de transport pour le commerce chinois hors de portée des États impérialistes concurrents. Le réseau ouvre des voies maritimes, ferroviaires et routières alternatives en coupant des nouveaux chemins et en construisant des nouveaux ports dans les pays peu dévéloppés de l’Asie et au-delà. La stratégie d’offrir des prêts concurrents et des projets d’investissements de proportion sans précédent ont apporté au social-impérialisme chinois des victoires stratégiques importantes en Asie du Sud. L’exemple en est donné par la domination chinoise du Pakistan. Le « China-Pakistan Economic Corridor » et la construction et dévéloppement continu du port de Gwadar représente l’investissement le plus important dans l’histoire de ce pays semi-féodal. Ces projets sont clés dans la Nouvelle route de la soie puisqu’elle connecte directement la frontière occidentale de la Chine avec le Pakistan et à la mer d’Arabie. Le port de Chahbahar de l’alliance Inde-Iran sert en partie à contrer cette stratégie commerciale chinoise pour que l’Inde et l’Iran puissent avoir leur propre accès à l’Afghanistan, indépendant de la Chine, et pour isoler et affaiblir le Pakistan le plus possible.
Par les connexions maritimes pour accéder aux ressources et marchés afghans, la concurrence entre ces deux blocs est établie. Cependant, la direction de l’Afghanistan entre eux n’est toujours pas détérminée. Comme l’Inde, la Chine continue à investir massivement dans l’exploitation des resources naturelles et un projet de réseau de transport dans ce pays avec l’espérance de le dominer un jour. La Chine a l’avantage d’avoir le Pakistan de son côté. Même si le Pakistan n’a jamais été aussi isolé, c’est toujours l’arrière pays des Talibans, qui contrôlent majoritairement l’Afghanistan. Le régime militaire du Pakistan a des liens profonds avec les Talibans datant de la guerre contre les soviétiques en Afghanistan qui peuvent être utlilisés dans l’intérêt de la Chine. De plus, il serait diffcile pour l’Inde de concurrencer le niveau d’investissement d’un grand pays impérialiste tel que la Chine. Déja en septembre 2016, la première ligne de train de marchandises entre la Chine et l’Afghanistan a été complétée. Le « Sino-Afghan Special Railway Transportation » construite par Qin Geng Industrial Co. Ltd de la Chine et le Watan Group de l’Afghanistan, connecte le nord de l’Afghanistan à la Chine en traversant le Kazakhstan et l’Ouzbekistan. En janvier 2017, le China Road and Bridge Corporation a signé un contrat de 205 millions de dollars pour la construction du projet de route « Dare-e-Sof–Yakawlang », qui est la deuxième des trois phases du « National North-South Corridor » en Afghanistan. En novembre 2017, la Chine a réussi a faire signer un accord pour la construction du « Lapis Lazuli Corridor » qui devrait traverser l’Afghanistan, le Turkménistan, la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et finalement la Turquie pour accèder à la mer Méditérrannée et l’Europe.
Si l’Inde veut garder son pied en Afghanistan, elle aura besoin du soutien financier des États-Unis. Pourtant, la première puissance impérialiste au monde n’est pas limitée à ses grands moyens financiers pour contrer la Chine. L’expansion du social-impérialisme chinois est devenue assez importante pour que les États-Unis ciblent la Chine avec des guerres par procuration dans les zones les plus importantes et vulnérables. Depuis le retrait de l’Etat Islamique vers 2017, l’organisation djihadiste a commencé à regrouper ses forces dans la province de Jowzjan au Nord de l’Afghanistan. Par coïncidence, le début de l’extraction du pétrole brut par les Chinois dans cette région a été perturbée par des attaques de groupes armés. En 2017, l’ex-président Karzai, en critiquant l’utilisation de la présence militaire étatsunienne pour des buts géopolitiques qui ne servent pas le bien de l’Afghanistan, a parlé d’une histoire de rapports cohérents sur des militants de l’Etat Islamique qui se font transporter à travers le Nord de l’Afghanistan dans des hélicoptères étrangers non marqués Cela est particulièrement curieux puisque l’espace aérien afghan est sous la surveillance des États-Unis. Quoiqu’il en soit, la présence de l’Etat Islamique en Afghanistan perturbe une des régions les plus important du pays pour la Chine. Un problème beaucoup plus important pour la Chine est les activités du Parti islamique du Turkestan (PIT) dans le mouvement d’indépendance ouïghour dans la province chinoise occidentale du Xinjiang. Cette organisation islamiste a résussi à devenir la plus grande menace interne pour la Chine en déstabilisant la partie de la Chine qui sert à accèder à l’Asie centrale et du Sud. Basé historiquement en Afghanistan, le PIT est actif dans plusieurs pays, de la Chine jusqu’à la Syrie. Jusqu’à aujourd’hui, il n’est pas possible de constater avec certitude le rôle des États-Unis par rapport au PIT, mais les impérialistes étatsuniens ont une longue histoire d’instrumentalisation des organisations islamistes pour promouvoir de la déstabilisation là où ça sert leurs intérêts stratégiques, tel que dans la dernière guerre en Afghanistan et plus récemment en Syrie.
En réponse à cette déstabilisation, la Chine dévéloppe un rôle encore plus important en Afghanistan. Depuis 2016, la Chine fournit l’armée afghane avec de l’équipement militaire et en aout 2016, le « Quadrilateral Cooperation and Coordination Mechanism in Counter Terrorism » était lancé en Urumqi, la capitale du Xinjiang. L’initiative « antiterroriste » réunit les armées de l’Afghanistan, la Chine, le Pakistan et le Tadjikistan. En début 2017, des patrouilles régulières de l’armée chinoise ont été signalées dans le nord-est de l’Afghanistan. En Décembre 2017, la Chine a réussi à faire adhérer l’Afghanistan et le Pakistan à un accord contre le térrorisme au Xinjiang et spécifiquement contre le PIT. Tout cela aboutit au début d’une guerre par procuration entre les États-Unis et la Chine sur le sol afghan.
La Russie
Bien que la Russie a soutenu l’occupation étatsunienne de l’Afghanistan en 2001, la direction stratégique de l’impérialisme russe a évolué énormément depuis cette époque. Pour la Russie, la déstabilisation de l’Ukraine et la Syrie sponsorisée par les États-Unis dans le dernier décennie représente un empiètement inacceptable dans la sphère de l’impérialisme russe. En réponse, l’annextion russe de la Crimée et la participation militaire ouverte de la Russie en Syrie ont exposé les tensions entre ces deux pays impérialistes. Depuis la guerre en Ukraine, l’OTAN ne peut plus utiliser le territoire russe pour approvisionner leurs forces d’occupation. Cela sert l’intétêret russe le plus urgent par rapport à l’Afghanistan : que les États-Unis et l’OTAN s’éloignent le plus possible de la frontière Russe pour éviter des scénarios de déstabilisation en Asie centrale telle que la Russie a récemmment subi en Ukraine et en Syrie ou ce que la Chine commence à subir à travers sa frontière avec l’Afghanistan.
L’histoire de l’Etat Islamique a été un choc important pour l’impérialisme russe et l’a mené a une nouvelle approche pour l’Afghanistan. L’expansion rapide de l’Etat Islamique en Syrie était sans précedent et a mené au déploiement de la force aérienne russe pour assurer la survie du régime Syrien soumis à l’impérialisme russe. En décembre 2016, l’ambassadeur russe en Afghanistan, Alexander Mantytskiy, a annoncé que la Russie est en contact avec les Talibans pour protéger ces citoyens. En décembre 2017, Mantytskiy a dit devant le sénat afghan que la Russie et les Talibans partagent un intérêt commun dans la lutte contre l’Etat Islamique et que l’organisation djihadiste veut s’étendre dans la Russie, la Chine et en Asie central. Il a aussi critiqué la faillite des États-Unis et de l’OTAN à combattre le terrorisme dans le pays depuis qu’ils l’ont occupé en 2001. La Russie est particulièrement concernée avec la situation depuis que le nord de l’Afghanistan est devenu un centre de regroupement de l’Etat Islamique suivant la perte de leurs vastes zones en Syrie et en Iraq. La Russie aujourd’hui voit les Talibans comme un instrument pour la lutte contre ce qui reste de l’Etat Islamique, proposant même en avril 2017 de servir en tant que médiateur dans des pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les Talibans.
Au-delà de l’Afghanistan, les relations de la Russie avec le Pakistan se sont transformées aussi. En juin 2014, la Russie a levé une interdiction de longue date sur les ventes d’armes au Pakistan, suivant le passage de l’Inde vers les armes occidentales. En octobre 2015, les deux pays ont signé un contrat de 25 ans pour la construction du gazoduc nord-sud de 1 100 kilomètres qui connecte Lahore dans le nord-est avec Karachi dans le sud. Le contrat suivait l’abandon du gazoduc Iran-Pakistan à cause de la pression étatsunienne et saoudienne. Le pays d’environ 215 millions d’habitants représente un marché énorme pour le secteur d’énergie russe, qui est au centre de ses exportations. En septembre 2016, la Russie et le Pakistan ont organisé leur tout premier exercice militaire conjoint, nommé « Friendship 2016 ». Cela a mené à l’accès russe au port de Gwadar pour ses exportations et à prendre un rôle dans le projet du « China-Pakistan Economic Corridor ». Depuis ce rapprochement historique, la Russie, le Pakistan et la Chine ont commencé en décembre 2016 des consultations trilatérales sur l’Afghanistan. La nouvelle stratégie Russe en Afghanistan a mené la Russie a se rappprocher avec le Pakistan et, par conséquence, à s’alligner avec la stratégie chinoise en Asie du Sud.
Un autre allié important de la Russie en Afghanistan est Abdullah Abdullah et son gouvernement afghan contestataire. Suivant sa perte de l’éléction de 2019, Abdullah les a dénoncé comme frauduleuses et a formé un gouvernement parallèle avec lui comme président pour contester le gouvernement reconnu de Ghani. Le 23 mars 2020, les États-Unis ont retiré 1 milliard de dollars d’aide étrangère avec la menace de retirer plus si les deux gouvernement ne parviennent pas à une solution. Pendant que les États-Unis souhaitent que toutes les conditions permettent le succès de leur accord avec les Talibans, la Russie a beaucoup à gagner avec la contestation d’Abdullah. La connection russe avec cette figure politique afghane importante date des années suivant le retrait de l’occupation soviétique et l’effondrement de l’ancien Etat afghan contre les Talibans. Pendant cette période de guerre civile, les anciens moudjahidines anti-Talibans ont créé un bastion de résistance anti-Taliban dans le nord du pays officialisé comme « l’Alliance du nord ». L’Alliance du nord était le premier partenaire de la Russie post-soviétique contre les Talibans en Afghanistan et Abdullah était son ministre des affaires étrangères. Si elle réussit, la manœuvre récente d’Abdullah pourrait augmenter la représentation de l’impérialisme russe dans le gouvernement afghan. Le premier mai 2020, Ghani et Abdullah sont parvenus à un accord provisoire. Selon cet accord, Abdullah mènerait les pourparlers de paix avec les Talibans tout en obtenant une part de 50 % du gouvernement, y compris plusieurs postes importants pour ses alliés.
Les nouveaux blocs impérialistes
Une longue chaîne complexe de facteurs, au sein duquel l’Afghanistan est l’axe central, met les impérialistes dans des nouvelles positions imprévues. Les circonstances ont créé une alliance entre la Chine et la Russie avec le Pakistan, qui sert de pays clé pour réaliser leurs intérêts en Afghanistan. Cependant, les États-Unis doivent mettre tout leur poids derrière l’Inde pour influencer l’Afghanistan après le retrait de leurs forces d’occupation. Les impérialistes étatsuniens vont bénéficier de la rivalité historique entre le Pakistan et l’Inde en soutenant l’Inde, ce qui porte atteinte aux intérêts de l’impérialisme chinois et russe. De plus, la mesure dans laquelle les États-Unis vont vraiment retirer leur présence militaire directe en Afghanistan est incertaine et ils sont toujours en moyen de mobiliser des groupes armés islamistes dans la région pour attaquer les points stratégiques de leurs rivaux.
Ce nouveal arrangement impérialiste démontre plusieurs faiblesses. Premièrement, le Pakistan n’est pas un partenaire particulièrement fiable. L’économie du pays est en état catastrophique, ce qui pousse le Pakistan a demander de l’aide chez presque n’importe qui, que ce soit la Chine où les institutions au service de l’impérialisme étatsunien, tel que le FMI ou la Banque mondiale. L’aspect le plus important de l’État pakistanais est le rôle de l’armée. L’État est un régime militaire à peine voilé sous lequel plus de la moitié du budget national finit dans les poches de son armée parasitaire. Comme la Chine l’a très bien démontré, la loyauté du Pakistan s’achète et le Pakistan suit n’importe qui, qui remplit les poches des commandants de l’armée pakistanaise tout en empêchant le pays de s’effondrer complètement.
Les États-Unis cherchent à exploiter le rôle avantageux de l’Inde en Afghanistan et le transformer en acteur de l’impérialisme étatsunien en Asie du Sud et au-delà, mais celà serait compliqué puisque l’Iran est un partenaire essentiel pour la stratégie Indienne actuelle. Si les États-Unis intensifient leurs attaques économiques contre l’Iran ou décident d’attaquer le pays militairement, ils vont indirectement saboter leur stratégie pour l’Afghanistan et l’Asie du Sud, tout en poussant l’Iran encore plus vers la Chine.
Le développement de la situation à long terme est difficile a prévoir. A cause du refus du gouvernement afghan de libérer les prisonniers Talibans comme promis par les États-Unis dans l’accord avec les Talibans, les négociations « intra-Afghans » n’ont même pas commencé. En tout cas, les Talibans deviendront la force dominante dans le gouvernement Afghan à venir et la lutte inter-impérialiste qui se concentre sur l’Afghanistan va s’intéresser à gagner la faveur du nouveau gouvernement des Talibans. Ceux qui ont été récemment présentés comme parmi les terroristes les plus maléfiques au monde deviendront soudainement des chef d’État respectés qui serreront leurs mains avec Trump, Xi Jinping, Poutine, Merkel et Macron. Comme avant, le peuple afghan va continuer à être dégradé dans des conditions semblables au moyen-age, pendant que les richesses de leur pays se font exporter pour les profits des grandes multinationales qui nourrissent la bête de l’impérialisme. C’est comme ça comme que la roue de l’impérialisme tourne : toujours en écrasant les masses opprimées entre ses cycles sanglants de division et redivison du monde.