Alors que le conflit israélo-palestinien a connu un regain d’intensité en avril-mai, l’argument des défenseurs d’Israël est toujours le même : Israël ne fait que se défendre face à des « groupes terroristes ». Cet argument est mensonger. Que ce soit au regard de l’histoire, de la nature même de l’État d’Israël ou de la forme que prend le conflit, en réalité, c’est le peuple palestinien qui se défend face aux agressions israéliennes.
L’histoire d’Israël : colonisation et massacres
Le 14 mai 1948, Israël déclare unilatéralement son indépendance. Quelques mois plus tôt, un plan de découpe du territoire palestinien avait été voté par l’ONU. Ce plan prévoyait la création de deux États, un juif et l’autre arabe. Pour comprendre ce plan et les évènements qui ont suivi, il faut revenir en arrière. Les terres sur lesquelles se trouve l’État d’Israël et les territoires palestiniens sont les terres historiques des juifs, où de nombreux juifs vivaient il y a plus de 3 000 ans. Suite à des invasions successives, les juifs se sont retrouvés dépossédés de ces terres. Pendant de nombreux siècles, le peuple juif a donc été un peuple apatride, sans terre et persécuté dans le monde entier. Pour mettre fin à ces persécutions et pour obtenir une terre, des juifs s’organisent à partir de 1897 dans le congrès sioniste mondial. Leur objectif est la création d’un État juif sur les terres de Palestine. Si une partie de la population juive émigre en Palestine pour faire vivre le projet sioniste, cela reste marginal et ne permet pas la création d’un État juif. C’est à partir de la fin des années 1930 que le projet sioniste prend un nouveau tournant. À ce moment-là, les juifs sont persécutés en Europe avec un niveau de violence jamais atteint, et plus de six millions d’entre eux finiront assassinés par les nazis. Au cours de la seconde guerre mondiale, des milliers de juifs fuient les persécutions et trouvent refuge en Palestine. À la fin de la guerre, l’ONU accepte donc la création d’un État juif, sous impulsion notamment des États-Unis, devenus la principale puissance impérialiste mondiale, et soutenant le projet sioniste d’une part pour faire oublier son soutien initial au régime nazi, et d’autre part pour bénéficier d’une base d’appui au Moyen-Orient. Seulement, depuis l’exode massif des juifs à partir du 1er siècle après J.C., les terres de Palestine ont été peuplées par de nombreux peuples. Les derniers en date, arabes, vivaient sur ces terres depuis des siècles avant le plan de partage de l’ONU, qui a ainsi été fait contre leur volonté. Alors, le 14 mai 1948, quand Israël déclare unilatéralement son indépendance, avant même d’avoir laissé le temps aux arabes de créer un État palestinien conformément au plan de partage de l’ONU, pour les palestiniens, c’est un désastre. Le 15 mai, plus de 700 000 arabes palestiniens sont chassés de leurs terres par le nouvel État israélien, c’est la Nakba (« catastrophe » en arabe), encore aujourd’hui commémorée chaque année. Cet événement déclenche la première guerre israélo-arabe, de laquelle le tout jeune État d’Israël sort victorieux.
Cet évènement illustre à lui seul pourquoi, dès sa création, l’État d’Israël portait en lui un projet colonial, quasi génocidaire contre les arabes de Palestine. Les arabes palestiniens, chassés de leurs terres, n’ont jamais eu la possibilité de créer un État. Une immense partie d’entre eux ont n’ont même pas trouvé refuge dans ce qui constitue aujourd’hui les territoires palestiniens mais dans les pays voisins (Jordanie, Syrie, Liban).
Dès son indépendance, Israël ne respecte pas le plan de partage de l’ONU et récupère par la force des terres qui devaient revenir aux arabes palestiniens. En 1967, Israël remporte la guerre des six jours et annexe totalement la ville de Jérusalem ainsi que le Sinaï (depuis restitué à l’État égyptien), mais aussi le plateau du Golan, la bande de Gaza et la Cisjordanie. À ce moment, Israël contrôle la totalité du territoire palestinien. Suite à cela, une grande résistance palestinienne se met en place, menée notamment par Yasser Arafat et l’Organisation de Libération de la Palestine. En 1987, la première intifada, grande révolte du peuple palestinien, est déclenchée. Elle aboutit en 1993 sur les accords d’Oslo, qui prévoient, à terme, la création d’un État palestinien indépendant.
Le non-respect par Israël de ces accords sera un des éléments déclencheurs de la deuxième intifada en 2000. Depuis, Israël n’a eu de cesse d’accroître son emprise sur la Palestine. Depuis plusieurs années maintenant, la stratégie de l’État hébreu n’est plus d’attaquer frontalement les territoires palestiniens pour les annexer par la force, mais de créer des colonies juives en terres palestiniennes pour morceler le territoire et rendre impossible la création d’un État palestinien. En parallèle, l’armée israélienne est présente en permanence en Cisjordanie comme une force d’occupation. L’État d’Israël cherche également à écraser dans le sang toute résistance palestinienne, par l’occupation et la répression quotidienne de toute velléité de révolte des masses palestiniennes et par des opérations armées extrêmement violentes comme en 2014 avec l’invasion de la bande de Gaza, qui avait causé plus de 2000 morts, majoritairement civils, côté palestinien, ou comme en mai dernier avec les bombardements sur Gaza qui ont tué plus de 200 personnes.
Le projet sioniste : l’anéantissement de la Palestine
Cette politique d’annexions, de colonisation, de massacres et d’occupation est conforme au projet sioniste. En effet, la finalité même de ce projet est la création d’un État juif sur l’intégralité du territoire palestinien. Cela signifie que, par essence, le projet sioniste, et donc l’État d’Israël, est contraire aux droits du peuple palestinien et vise la destruction totale et définitive de tout peuple arabe en Palestine. Si Israël a accepté, sous la pression de la lutte du peuple palestinien, une solution à deux États dans le cadre des accords d’Oslo, il est évident que cette solution est contraire au projet sioniste, qui ne peut accepter l’existence d’un État palestinien.
Cela explique pourquoi Israël a, officieusement, abandonné toute possibilité de solution à deux États et accentue sa colonisation en Cisjordanie. La volonté d’expulser les familles palestiniennes du quartier de Sheikh Jarah, dans l’est de Jérusalem, pour les remplacer par des familles juives, s’inscrit également dans cette stratégie d’annexion, visant à mener à bien le projet sioniste. En effet, depuis des années, Israël tend à augmenter le nombre de colonies juives dans les quartiers palestiniens de Jérusalem, et en reliant petit à petit ces quartiers entre eux, le but de l’État hébreu est de séparer l’est de Jérusalem de la Cisjordanie afin d’intégrer toute la ville à l’État d’Israël.
Pour autant, la résistance du peuple palestinien est un véritable caillou dans la chaussure d’Israël. En effet, à Jérusalem et en Cisjordanie, chaque jour, les masses populaires palestiniennes se défendent face à l’occupation, et elles ont obtenu de nombreuses victoires ces dernières années. Les affrontements sur l’esplanade des mosquées récemment ne sont que le dernier événement en date de cette résistance populaire à Jérusalem. Mais le principal bastion de la résistance palestinienne reste aujourd’hui la bande de Gaza, où l’armée israélienne n’est plus présente depuis 2005. En mai, les forces armées de la résistance palestinienne ont été bombardées quotidiennement par l’aviation israélienne dans la bande de Gaza. Il faut dire que, compte tenu de l’absence de colonies israéliennes à Gaza, et du refus des autorités gazaouies de collaborer avec Israël, il est pour l’instant impossible pour Israël de coloniser la zone. Ainsi, si Israël a trouvé sa stratégie en Cisjordanie pour expulser peu à peu les populations palestiniennes et rendre impossible la création d’un État palestinien, à Gaza la situation est différente et Israël ne sait pour le moment pas comment s’y prendre, ce qui est un frein au projet sioniste.
Le conflit israélo-palestinien, la guerre asymétrique et la lutte anti-impérialiste
Comme nous venons de le voir, par la nature même du projet sioniste, l’État d’Israël est un État oppresseur, et par conséquent, c’est le peuple palestinien qui se défend. Par ailleurs, si on regarde la réalité du conflit, on peut réaliser que l’argument de l’État d’Israël qui se défend tient encore moins. La réalité en Palestine, c’est une guerre asymétrique, dans le cadre de laquelle un État, Israël, a une armée puissante et professionnelle, dotée des armes de dernière technologie, et fait face à une guerre de guérilla menée par la résistance palestinienne avec des moyens artisanaux et des armes peu sophistiquées. Ainsi, les agressions répétées de la part de l’armée israélienne contre le peuple palestinien ne se font absolument pas dans le cadre d’une réponse « légitime et proportionnée » aux actions palestiniennes, mais bien dans le but d’anéantir purement et simplement la Palestine, conformément au projet sioniste. Si Israël ne faisait que se défendre – ce qui est impossible compte tenu de la nature de cet État -, Israël ne bombarderait pas des écoles, des hôpitaux, des camps de réfugiés, des immeubles où vivent des civils. Si Israël ne faisait que se défendre, la bande de Gaza ne serait pas sous blocus permanent depuis de nombreuses années, avec contrôle de l’espace maritime et aérien par Israël. Cette politique criminelle de la part d’Israël n’a rien d’une défense, elle vise à asphyxier le peuple palestinien, à l’écraser, à l’humilier, à le soumettre dans le but de pousser tous les Palestiniens à fuir leurs terres.
Au-delà de ça, et c’est sans doute l’aspect principal du conflit israélo-palestinien, lorsque les palestiniens se défendent contre Israël, ils se défendent indirectement contre l’impérialisme états-unien, dont Israël est un relais au Moyen-Orient. Nous vivons à l’époque de l’impérialisme, une époque où ce qui détermine le fonctionnement du monde, c’est principalement les rapports de force entre les grandes puissances impérialistes. Or, dans le cadre de ce découpage impérialiste du monde, l’État d’Israël est un larbin des États- Unis : Israël, par ses agressions répétées contre la Syrie, l’Iran ou encore le Liban, conduit une politique dont le but est d’affaiblir les concurrents de l’impérialisme états-unien dans la région, en premier lieu la Chine et la Russie. Ainsi, il serait erroné de considérer que les États-Unis soutiennent Israël, quand c’est en réalité Israël qui relaye les sales guerres états-uniennes au Moyen-Orient, dans le but de renforcer l’hégémonie états-unienne mondiale. Alors, quand les Palestiniens s’attaquent à l’État d’Israël, ils s’attaquent indirectement aux États-Unis, première puissance impérialiste mondiale, ils s’attaquent indirectement à tout le système impérialiste et se font, de ce fait, les alliés de tous les peuples opprimés par l’impérialisme dans le monde.
Si le conflit entre Israël et la Palestine ne peut être résolu que par une victoire du peuple palestinien, dans le cadre d’une guerre révolutionnaire de libération nationale, alors le sionisme, en tant qu’idéologie intrinsèquement coloniale et conforme aux intérêts de l’impérialisme états-unien, doit être vaincu. Dans un premier temps, l’urgence pour le peuple palestinien est la création d’un État, ce qui constituerait une première grande victoire contre le projet sioniste.