Article issu de notre édition imprimée disponible ici.
Le 3 mars 2021, des grandes révoltes ont embrasé le Sénégal. Immédiatement, les masses ont ciblé l’impérialisme français à travers Macron, mais aussi les grandes entreprises françaises présentes dans le pays, comme Auchan. Des pillages, destructions de chantiers et autres attaques contre l’impérialisme français ont eu lieu lors de ces manifestations.
Afin de défendre la stabilité du gouvernement de Macky Sall, vendu aux intérêts français, l’État sénégalais a envoyé l’armée sur les manifestations, intervenant même avec des tanks. Contre cela, les masses de plusieurs quartiers populaires de Dakar se sont organisées pour résister en s’armant. Tout cela, c’était au printemps.
Cet été, la crise au Sénégal ne désenfle pas. Premièrement, en réaction à ces révoltes, l’État sénégalais s’est doté d’une nouvelle loi. Celle-ci renforce la définition du « terrorisme » afin d’englober de nouveaux actes. On trouve dans cette nouvelle définition du terrorisme une base pour poursuivre en justice les éventuels révoltés qui tenteraient de reproduire un mouvement comme celui du mois de mars. La punition pour ces actes ? La prison à vie. Cette nouvelle loi a entraîné de nouvelles manifestations au début de l’été.
Mais il n’y a pas que cette crise politique dans le pays. L’économie, mise en coupe réglée par l’impérialisme, est durement touchée par la crise économique. Le chômage est endémique, si bien que même les diplômes comme le baccalauréat sont perçus comme inutiles pour trouver un emploi. Les salaires sont maigres, et le coût de la vie est haut. Avec le COVID, le tourisme a cessé. Le gouvernement s’est retrouvé à mendier, au début du mois de mai, un prêt de 650 millions de dollars au FMI.
La crise sanitaire inquiète également énormément. Depuis juin-juillet, la progression du variant Delta, qui représente une grande majorité des cas aujourd’hui, place les hôpitaux sénégalais « proches de la saturation » selon le directeur national des établissements publics de Santé lui-même. Contrairement aux pays impérialistes, où la vaccination est très avancée et où les ressources médicales ne constituent pas un problème majeur, de nombreux pays opprimés sont pris à la gorge par la demande en oxygène et en lits d’hôpitaux. Comme en Inde il y a quelques mois, lors de cette nouvelle vague au Sénégal, on se bat pour avoir accès aux maigres ressources en oxygène, qui coûtent très cher. 1,5 % de la population seulement est vaccinée, car les livraisons de vaccins manquent. Des personnes vaccinées ne peuvent même pas obtenir leur seconde dose car les délais des vaccins Astra Zeneca ont été prolongés.
Nous voyons bien là la réalité du monde dans lequel nous vivons. Tandis que dans les pays impérialistes, on nous vend aujourd’hui une soi-disant sortie de crise dans tous les domaines (politique, économie, sanitaire…), dans les pays opprimés comme le Sénégal, ce genre de mensonge ne peut être cru. La réalité concrète montre bien ce qu’il en est. Les contradictions sont trop grandes, le pays à bout de souffle, et les masses sont actives contre la bourgeoisie corrompue qui les asservit. L’essayiste Hamidou Anne écrit dans Le Temps : « Le Covid-19 et les mesures prises par les États ont accru la vulnérabilité de millions de gens sur le continent. Les conséquences sur le plan économique seront difficiles dans les mois et les années à venir si l’investissement public n’est pas orienté vers les préoccupations des masses pauvres. Les effets de la pandémie risquent d’amplifier le désarroi de la jeunesse confrontée déjà à la corruption et à l’incompétence des élites politiques. Nous vivons un climat pré-insurrectionnel avec une colère qui risque de s’accentuer à chaque décision politique impopulaire. Les germes d’une prochaine crise sont présents. Et celle-ci risque d’être fatale. » Nous ne pouvons qu’être d’accord avec ce constat, que nous complétons par ceci : la crise risque d’être fatale, non pas pour les masses, mais pour les impérialistes et leurs chiens de garde.