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Les vrais coûts des technologies « vertes »
Commencer à réellement envisager les coûts environnementaux et économiques d’un monde alimenté par des énergies dites « renouvelables » est loin d’être facile. Il faudrait considérer la production des machines nécessaires pour obtenir cette « énergie verte » ou encore le déversement à grande échelle des déchets produits dans ce même cadre. Selon les estimations, l’extraction de minéraux devrait se multiplier pour fournir la production massive de ces technologies. Ainsi, uniquement pour des batteries de voitures électroniques, il faudrait produire 3 à 4 fois plus de cobalt et 20 fois plus de lithium. L’indium, qui est utilisé dans la fabrication de semi-conducteurs solaires générateurs d’électricité, devrait avoir une extraction 80 fois plus importante qu’aujourd’hui. La Banque mondiale propose qu’il faille entre 10 et 40 fois plus de néodyme (utilisé dans les systèmes électriques des éoliennes) produit dans les décennies à venir pour réaliser les plans de transformation « verts » actuels.
Toutes ces extractions de minéraux représentent d’innombrables écosystèmes détruits, de grands processus de transports, de transformations et de raffinements polluants et finalement, des millions de tonnes de déchets qui ne seront jamais recyclés. C’est encore relativement peu comparé aux volumes inédits de plastique, verre, béton et acier nécessaires pour produire ces machines pour les besoins énergétiques de toute la planète. La mesure dans laquelle la mise en œuvre mondiale de ces technologies réduit les émissions de gaz à effet de serre dépend de la quantité de combustibles fossiles que leur production et leur transport consomment. L’effet de la déforestation pour les opérations minières sur le niveau de CO₂ dans l’atmosphère doit également être pris en compte. Le résultat peut être moins d’émission de gaz à effet de serre, mais il continuera à être émis. N’importe quel gain en matière de réduction du CO₂ dans l’atmosphère sera contrebalancé par une augmentation importante de la destruction d’écosystèmes et de la pollution chimique de l’environnement par la production et les déchets.
Dans le meilleur des cas, la « transition verte » n’est que l’échange d’une crise environnementale contre une autre. Elle n’est qu’une transition vers une forme d’énergie non renouvelable et très inefficiente basée sur des minéraux au lieu des carburants fossiles. La production réelle d’une unité d’énergie basée sur les minéraux coûte dans tous les cas beaucoup plus d’énergie que la production d’une unité d’énergie provenant de carburants fossiles. Alors pourquoi est-ce que les grandes puissances impérialistes poursuivent une si mauvaise solution aux changements climatiques ?
L’Impérialisme ne s’intéresse qu’au profit
Le système capitaliste-impérialiste de cette époque est caractérisé par la continuation de la baisse tendancielle du taux de profit démontré par le philosophe, économiste et sociologue révolutionnaire Karl Marx (1818 – 1883). Le révolutionnaire russe Vladimir Lénine (1870 – 1924) avait analysé cette tendance dans l’époque actuelle pour démontrer qu’elle pousse les puissances impérialistes à rentrer en conflit afin de fournir un accès privilégié et plus rentable à des marchés et des ressources naturelles pour des entreprises monopolistiques. Cette époque représente une chasse vicieuse aux profits qui mène régulièrement à des guerres. Les impérialistes sont conscients de cette concurrence internationale et aussi de la réalité des changements climatiques d’origine humaine. Ils espèrent répondre à ces deux problèmes avec une solution : les technologies d’énergie à base de minéraux.
Premièrement, une transition complète vers les énergies « renouvelables » et les voitures électriques signifie renouveler une grande partie de l’infrastructure mondiale de l’énergie et du transport. Dans son intégralité, cela représente le plus grand projet industriel de l’histoire et il y a beaucoup de profits à faire en remplaçant tout ce qui était mis en place pour les combustibles fossiles. Ce projet permet des investissements très rentables dans l’infrastructure des pays les plus développés. Les monopoles prévoient cette énorme transformation technologique comme une chance pour profiter de la reconstruction de l’industrie énergétique et prendre le dessus sur la concurrence mondiale.
À l’échelle internationale, la transition vers les énergies à base de minéraux représente une chance pour rediviser le monde selon une nouvelle stratégie énergétique. Les guerres impérialistes de la fin du 20e siècle et du début du 21e se sont concentrés en Asie de l’Ouest : le centre des réserves de combustibles fossiles facilement accessibles. Les centres de conflit de l’ère des énergies à base de minéraux seront totalement différents et plusieurs puissances impérialistes espèrent profiter de ce remaniement. Dans ce contexte, la Chine se trouve aujourd’hui dans la meilleure situation avec les plus grandes réserves de minéraux de terres rares et un secteur minier très développé avec une production nationale de minéraux de terres rares de 140 000 tonnes en 2020. Elle est aussi le leader mondial dans le raffinement minéral et la production des technologies à base de minéraux telles que les panneaux solaires et les batteries lithium-ion. Les États-Unis ont aussi des réserves importantes de minéraux de terres rares, mais le développement de son secteur minier stagne depuis ces dernières décennies. Ils ont la deuxième plus grande production de minéraux et de terres rares avec 38 000 tonnes en 2020, et pourtant les États-Unis dépendent beaucoup de leurs importations, notamment pour 17 minéraux ; d’ailleurs 50 % de leur approvisionnement pour 29 minéraux très utilisés dans les technologies provient d’importations (principalement de Chine). Il sera donc d’une importance stratégique de garantir un accès aux diverses réserves minérales à l’étranger. La République démocratique du Congo est de loin la source la plus importante du cobalt. Les plus grandes ressources de lithium se trouvent en Bolivie, en Argentine et au Chili. La Chine est le leader mondial en ce qui concerne les réserves et la production de néodyme et de samarium, suivi par la Russie (ressources utilisées dans la production d’aimants très puissants et essentiels pour beaucoup d’électroniques). L’Afrique du Sud possède les plus importantes réserves et la plus grande production d’indium, utilisés dans les panneaux solaires. Ces 5 éléments ne sont qu’une partie des 35 éléments reconnus comme indispensables aux technologies, mais ces exemples montrent une zone de conflit énergétique dispersé sur la planète entière. Les politiques impérialistes de la dernière décennie sont cohérentes avec ce futur scénario énergétique. Le social-impérialisme chinois continue à renforcer sa présence en Afrique, riche en ressources minérales. L’impérialisme étasunien maintient sa politique du « Pivot vers l’Asie de l’Est » afin de s’installer dans la région pour gagner et mobiliser des alliés contre la Chine. De plus, la concentration des opérations militaires en Afrique s’est accéléré avec le lancement du Commandement des États-Unis pour l’Afrique en 2008. En Russie, l’État impérialiste soutient le développement de l’industrie minière dans les endroits les plus reculés du pays, tout en ayant conscience de sa valeur stratégique pour l’avenir. Les puissances impérialistes européennes envisagent une relance stratégique des activités minières au sein de l’Union Européenne et espèrent assurer un accès à des réserves étrangères afin de réduire leurs dépendances à l’égard de la Chine.
L’Environnement versus le profit
Au cœur du mythe de l’énergie «renouvelable», il y a le principe bourgeois que tout peut être rentabilisé et mis en œuvre à travers le capitalisme. Les énergies à base de minéraux sont proposées comme la solution rentable et capitaliste aux changements climatiques et à la pollution. Pourtant, ces technologies ne vont pas nécessairement mettre fin aux changements climatiques et augmenteront sans aucun doute la pollution et la destruction de l’environnement en général. Les énergies à base de minéraux ne sont qu’une des nombreuses fausses solutions à la contradiction entre l’environnement et le capitalisme, comme la théorie absurde contre la production de viande bovine ou la critique fasciste du «surpeuplement». Indépendamment de ce qui est produit et mis en œuvre, le fonctionnement inhérent du capitalisme dans sa quête sans fin du profit restera nuisible à l’environnement et à la vie en général.
La concurrence capitaliste force les entreprises à produire aussi efficacement que possible, mais pas dans l’intérêt d’économiser les ressources ou de minimiser l’impact environnemental. La haute efficience de la production capitaliste sert à intensifier l’exploitation des travailleuses et travailleurs afin de produire plus de marchandises au moindre coût possible. Ainsi, une efficience accrue conduit toujours à davantage de surproduction et de gaspillage par rapport aux besoins réels de la société. Dans cette poursuite d’une plus grande efficience productive, les premières victimes sont les mesures de sécurité au travail et la protection de l’environnement. Ce sont des mesures coûteuses qui sont facilement contournées en externalisant la production dans des pays comme le Vietnam ou le Bangladesh où elles sont minimes et ignorées. Pour répondre à la surproduction, la bourgeoisie a introduit la culture de consommation de masse. Elle permet aux nouvelles marchandises d’être achetés, même si nous avons déjà tout ce dont nous avons besoin. Dans beaucoup de produits, l’obsolescence programmée est intégrée et les produits sont conçus pour ne pas être réparables. Cela assure que nous jetterons ce que nous avons pour en acheter à nouveau dans un délai prévu. Ces stratégies et tactiques bourgeoises désespérées servent à ralentir le déclin des profits tout en nuisant à l’environnement. Alors que la surproduction augmente, les marchandises produites se vendent de moins en moins, les profits chutent encore plus et une crise économique survient. Dans cette crise, les marchandises restent invendues et gaspillées, et les moyens de production restent inutilisés pendant que les masses se trouvent sans emploi. Le système capitaliste-impérialiste dans lequel nous vivons représente cette crise dans une forme généralisée. La crise économique du capitalisme est continuellement en train de paraître, de se subsumer et de réapparaître dans différents endroits sous formes différentes. Dans ce contexte mondial, les puissances impérialistes s’affrontent régulièrement dans des guerres destructrices afin d’assurer l’accès à des sources stratégiques de profit. Rien n’est plus nuisible à l’environnement que la guerre moderne, surtout avec l’utilisation d’armes radioactives et chimiques. Si les forces armées étasuniennes étaient un pays, sa consommation de carburant fossile représenterait à elle-seule le 47e plus grand émetteur de gaz à effet de serre. La réalité est évidente : puisque la solution à la crise climatique et écologique n’est pas rentable, le capitalisme ne peut pas la résoudre.
Cependant, l’efficience de la production et la logistique capitaliste fait partie des meilleures et des plus rationnelles réalisations de l’humanité. Malheureusement, elles sont appliquées d’une façon profondément irrationnelle qui ne prend en compte que la rentabilité. La solution aux changements climatiques, à la pollution et la destruction de l’environnement est l’application rationnelle de la science et de la technologie. Une application rationnelle répond aux besoins objectifs de la société au lieu du marché. Un environnement sain et propre compte parmi ces besoins objectifs. Cela permettrait d’éliminer le gaspillage et les déchets de la surproduction et de mettre des technologies efficaces à la disposition des populations les plus pauvres qui, aujourd’hui encore, doivent utiliser des techniques archaïques et polluantes. Bien sûr, le mode de vie bourgeois ne serait plus possible sous un système économique écologique. Cela n’implique pas une vie austère, mais pas de nouveau iPhone chaque année, de jet-set ou de maison à 200 m² pour un couple avec un seul enfant. Tout le monde devra vivre selon des normes de vie raisonnables, à l’opposé de la culture de la consommation de masse. Cela ne représente un sacrifice que pour les plus privilégiés du monde impérialiste. La vie de luxe n’est pas écologique puisque c’est l’excès incarné, ce qui amène à la question des voitures pour le transport personnel. Au lieu de voitures électriques, la solution est la réduction radicale des voitures, ainsi que des motos et des scooters. Dans les zones urbaines, la voiture est le moyen de transport le plus inefficient et les routes mortelles prennent la majorité de l’espace public potentiel. Avec les technologies de transports en commun modernes et les connaissances actuelles en matière d’urbanisme, il est possible de rendre les voitures complètement superflues en ville. Même dans les zones rurales, il est possible d’améliorer les réseaux de transport en commun afin de réduire autant que possible la nécessité de la voiture. Il est également important de réaliser que la marche ou le vélo sont des options de transport généralement viables dans les zones urbaines et qu’ils seront beaucoup plus sécuritaires, efficaces et attrayants quand les voitures ne sont plus sur les routes. Cependant, de telles mesures rationnelles ne peuvent être mises en œuvre dans le capitalisme car elles décimeraient les profits dans de nombreuses industries clés.
Cela laisse la grande question de la production de l’énergie. Toute activité humaine a un effet inévitable sur l’environnement et nous ne pouvons pas faire beaucoup plus que d’appliquer les meilleures techniques disponibles aujourd’hui. Dans cette optique, il est évident que l’énergie nucléaire est la meilleure option existante dans un avenir prévisible, surtout avec l’urgence du changement climatique. L’énergie nucléaire est de loin la méthode la plus efficace pour produire de l’énergie propre pour toute la planète à tous les égards. Contrairement à l’énergie solaire et éolienne, le nucléaire peut fournir de l’énergie constante, fiable et réglable sans avoir besoin de complexes massifs de batteries lithium-ion pour stocker l’énergie. Les centrales nucléaires nécessitent très peu de matériaux et d’espace par rapport à leur rendement énergétique et une très petite quantité d’uranium extrait permet de créer d’énormes quantités d’énergie. Les développements récents et actuels de la quatrième génération de réacteur nucléaire, tels que les réacteurs à lit de boulets, continuent à perfectionner l’efficacité et la sécurité. Les centrales nucléaires modernes ne représentent aucun danger, tant qu’elles ne sont pas construites dans des zones à forte activité sismique ou exposées au risque de tsunami. En ce qui concerne les déchets nucléaires, 96 % des déchets peuvent être recyclés pour produire du combustible MOX qui sert à créer encore plus d’énergie dans des réacteurs à neutrons thermiques. Le 4 % de déchets qui reste représente un volume minuscule et insignifiant comparé aux millions de tonnes de déchets dangereux de panneaux solaires, d’éoliennes et de batteries. Contrairement à ces volumes massifs de déchets, le petit volume de déchets nucléaires résiduels peut être stocké en toute sécurité dans des récipients scellés enfouis dans les profondeurs de la terre. Les opinions négatives courantes sur l’énergie nucléaire ne résistent pas aux faits. La radioactivité et les pires catastrophes nucléaires de l’Histoire ont tué ou lésées très peu de personnes comparées aux estimations des décès dus à la pollution atmosphérique et aux changements climatiques (qui eux se chiffrent en millions). Le problème avec l’énergie nucléaire est encore un problème capitaliste. Il prend jusqu’à dix ans pour construire une centrale nucléaire et il faut un investissement initial de plusieurs milliards d’euros. Il faut donc attendre plus qu’une décennie avant de recevoir un bénéfice sur investissement. Dans l’état de crise de l’impérialisme, de tels investissements à long terme ne sont pas aussi intéressants que les rendements plus rapides des investissements dans des mines ou dans la construction d’éoliennes et de panneaux solaires. Aussi à cause de la rentabilité lente, le développement et l’application de la surgénération dans les réacteurs nucléaires ont été freinés ces dernières décennies. La surgénération permet de multiplier l’efficience des réacteurs et de réduire considérablement la radioactivité à long terme des déchets, mais il s’est avéré moins cher d’acheter simplement plus de nouveau uranium 235.
C’est une question de pouvoir
Le savoir-faire pour un futur écologique est déjà connu, mais c’est la nature du capitalisme qui maintient l’humanité sur le chemin de la destruction. Il faut donc remplacer le système capitaliste de la bourgeoisie par quelque chose de nouveau : le socialisme. Le prolétariat international exploité a tout intérêt à renverser la bourgeoisie afin de mettre en place un système socialiste. Le socialisme sert à mettre fin à la société de classe en socialisant le contrôle de la production. Avec le prolétariat à la direction de la production, il sera finalement possible de mettre en œuvre un plan économique pour résoudre les vrais problèmes de l’humanité, tels que les changements climatiques, la pollution et la destruction de l’environnement. La crise écologique est principalement une question politique qui s’exprime dans la lutte des classes. Elle ne sera résolue que lorsque la dictature du prolétariat triomphera sur la dictature de la bourgeoisie et son système impérialiste pourri.