Le 17 octobre, il y a 60 ans, le peuple algérien descendait pacifiquement dans les rues de Paris pour réclamer son indépendance. La seule réponse de la France fut un bain de sang, dirigé par le Préfet de police, le pire connu massacre dans la capitale depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
En octobre 1961, la guerre d’indépendance algérienne allait bientôt se finir. La résistance héroïque du peuple algérien face à l’occupant français portait peu à peu ses fruits. Dès le début de l’année, près de 70% des français voulaient la paix avec l’Algérie. Mais cela ne faisait que renforcer la violence de la classe dirigeante française et de son armée, qui refusaient de laisser l’Algérie leur échapper. En Métropole, de nombreux algériens étaient raflés par la police française et les violences contre la communauté étaient nombreuses. En réponse, le FLN (l’organisation qui menait la lutte d’indépendance algérienne au pays et dans la métropole française) s’était remise à attaquer la police pour forcer la France à stopper sa violence contre le peuple algérien.
C’est en octobre que tout bascula. Le préfet de police parisien, Maurice Papon (ex-collaborateur nazi), mit en place un couvre-feu raciste, car il ne s’appliquait qu’aux citoyens algériens. Dans la région parisienne, il leur était interdit de se déplacer à plusieurs, de sortir la nuit, et tous les établissements tenus par des algériens devaient fermer après 19 heures. La marche du 17 octobre, organisée par le FLN, était une manifestation pacifique pour dénoncer les violences que subissaient les algériens. Tous les algériens en France sont appelés à y participer, et le FLN faisait bien passer l’information de venir sans armes.
La manifestation est organisée en secret, et l’incompétente police française n’apprend que le jour même à 16 heures que la manifestation va avoir lieu dans la soirée. De Gaulle donne carte blanche à Maurice Papon pour réprimer la manifestation. Papon est un horrible raciste : pour lui, cette manifestation pacifique, de familles algériennes qui demandent simplement que leurs droits soient respectés, est une « invasion » qu’il faut empêcher de rentrer dans Paris. Il donne l’ordre à toute la police de la ville de se préparer à massacrer les algériens.
Près de 30 000 familles algériennes se déplacent pour rejoindre la manifestation. L’accueil de la police est brutal et inhumain : au pont de Neuilly, la police tire sur les manifestants et les tabasse à coups de matraques. Dans de nombreuses stations de métro, la police arrête en masse tous les algériens qui passent. Devant le Grand Rex, deux compagnies de CRS sont envoyées pour réprimer les manifestants pour la Paix qui marchent vers Opéra.
Et puis viennent les évènements des boulevards Saint-Michel et Saint-Germain, où la police piège de nombreux manifestants sur les ponts et les pousse dans la Seine à coups de matraques. Ce jour-là, la police nationale française noya des dizaines d’Algériens dans le fleuve.
A la fin de la journée, plusieurs centaines d’algériens ont trouvé la mort (tués par balle, roués de coups, ou noyés) dont des femmes et des enfants, comme la jeune Fatima Bedar, âgée de 15 ans à l’époque. Plus de 11 000 algériens furent parqués comme des animaux dans des gymnases où les violences à leur égard étaient des plus atroces. Le lendemain, alors que la Seine charrie encore des dizaines de corps, peu de journaux osent dirent la vérité et ceux qui le font se font réduire au silence par le gouvernement de De Gaulle.
Pendant des décennies, la France a tenté de mettre sous le tapis les évènements du 17 octobre 1961. Pire encore, quand cela est abordé, on essaye de mettre sur le même plan les manifestants algériens et la Police Française. Comme si au final « les algériens l’avait mérité ». Ce n’est qu’en 2001 que la mairie de Parie a fait poser une plaque sur le pont Saint-Michel pour commémorer le massacre. Et c’est seulement en 2012, pour les 51 ans du massacre du 17 octobre, que le Gouvernement Français a reconnu officiellement son crime. Mais la bourgeoisie française n’est pas unanime sur cette mémoire, et beaucoup de politiciens de droite refusent encore de reconnaître la réalité de l’évènement.
Si pour le 60e anniversaire le Président Macron reconnaît des « crimes inexcusables pour la République » et s’est rendu sur le pont Saint-Michel, ne nous y trompons pas, ce n’est pas par humanité. Il y a quelques jours Macron disait que l’Algérie n’avait pas de passé avant la colonisation française et que toute son histoire était basée sur des mensonges. Il provoquait à juste titre la colère du peuple algérien. Il se présente maintenant comme un ami de l’Algérie qui pleure avec elle les crimes de la France. Macron concentre son récit de l’évènement sur le rôle de Papon, qui sert de bouc émissaire pour cacher la machine d’État française et le gouvernement : le réel commanditaire du crime. L’hypocrisie est encore plus grande quand on sait qu’en ce 17 octobre, alors que Macron portait une gerbe de fleurs sur le pont Saint-Michel pour se faire bien voir, il fut interdit aux familles des victimes et aux algériens de venir déposer une fleur sur le pont ! La bataille pour la mémoire est loin d’être gagnée.