Lorsqu’on parle d’inégalités sur le marché du travail entre les femmes et les hommes, on pense souvent aux inégalités salariales. A ce sujet, on peut entendre de nombreux discours pseudo scientifiques. S’appuyant sur les grands instituts comme l’INSEE, on a ainsi des sorties médiatiques sexistes qui prétendent que la différence de salaire est « la responsabilité des femmes ». C’est ce qu’a par exemple affirmé Eric Zemmour chez BFMTV le 7 novembre. Les mêmes arguments sont martelés : les chiffres avancés par le gouvernement, qui dit qu’il y a un écart femme-homme de 12 à 27 %, ne tiennent pas à « compétence égale, métier égal, travail égal ».
Alors qu’en est-il vraiment ? Est-ce que le gouvernement nous « ment » ? Zemmour est-il le chevalier des « classes populaires » qui gagnent le SMIC et ne voient donc pas de différence sur la fiche de paie entre femmes et hommes ?
Bien sûr, tout ce débat dans la bourgeoisie est un leurre. Il se joue entre ceux qui veulent plus de femmes PDG et ceux qui défendent ouvertement le patriarcat tel qu’il est. Mais les dés sont pipés dès le début contre le prolétariat, et particulièrement les femmes prolétaires ! Examinons la situation.
Les arguments des réactionnaires ne tiennent pas face aux faits
Les arguments de Zemmour sont évidents à démonter : il admet lui-même que malgré toutes les manipulations de chiffres, il existe une différence « inexpliquée » entre femmes et hommes de 5,3 % du salaire selon l’INSEE. Et voilà que Zemmour trouve la solution : les femmes seraient moins productives que les hommes ! Évidemment, c’est un argument ridicule et qui rappelle le sexisme ouvert de Zemmour. Et derrière cela, il y a l’idée que 5,3 %, ce n’est pas grand-chose… Pourtant, 5,3 % d’un salaire à 1500€ nets, c’est près de 80€ ! C’est le prix d’un plein d’essence avec la hausse des prix en ce moment. Ce n’est négligeable pour personne, et surtout pas pour les salaires des prolétaires !
Un autre argument avancé par les bourgeois les plus libéraux et réactionnaires, c’est que les femmes sont « libres » de travailler à des postes mieux rémunérés, qu’elles « choisissent » les métiers moins payés, que le marché ne les sous-paye pas, mais qu’elles se mettent elles-mêmes dans cette situation. A cela, il n’y a pas d’autre réponse que ceci : la ségrégation professionnelle, c’est-à-dire la division du travail entre femmes et hommes, n’est pas le choix des femmes. Les secteurs majoritairement féminins, comme le nettoyage, la grande distribution, l’aide à domicile ou à l’école, le service… ont tous en commun de payer très peu et de regrouper un grand nombre de prolétaires. Ce ne sont pas des métiers « de femmes », ce sont des métiers de prolétaires, où le capitalisme exploite plus sauvagement la moitié du prolétariat : les femmes. C’est à ça que sert cette ségrégation, créer des espaces propices à une exploitation renforcée. On peut également aborder, dans ce cadre, la ségrégation au travail pour les personnes sans-papier et généralement immigrées. Combien d’heures de travail impayées ? Combien de secteurs qui se fournissent en main d’œuvre pas chère et exploitable à fond chez des agences d’intérim pourries et corrompues ? En 2019, 200 Gilets Noirs, des travailleurs immigrés en région parisienne, avaient occupé le siège d’Elior, un géant de la restauration, expert dans ces pratiques d’exploitation.
Zemmour et les autres réactionnaires qui avancent cette attaque contre les femmes ne s’arrêtent pas là. Selon l’INSEE, près de 10 % de l’écart salarial peut être expliqué par la différence de temps de travail entre les femmes et les hommes. Voilà une explication toute trouvée : « Les femmes sont plus souvent à temps partiel, elles choisissent donc de moins travailler ! ». Encore une fois, c’est une pirouette qui prétend s’appuyer sur la science mais sert uniquement à défendre le patriarcat. Les femmes sont en effet plus souvent en temps partiel que les hommes, elles sont près de 30 %, contre 10 % pour les hommes. Cela fait 80 % des emplois à temps partiel occupés par des femmes. Pour près de la moitié d’entre elles, c’est un temps partiel « imposé », c’est-à-dire qu’elles ne peuvent tout simplement pas travailler plus avec leur emploi actuel. Vous savez : ce sont tous ces postes à 25h par semaine, 30h parfois… qui ne seront jamais un temps plein. Ces CDI qui payent 1000€ par mois ! Pour un quart des femmes salariées à temps partiel, c’est pour s’occuper des enfants ou d’une personne dépendante, c’est-à-dire un autre travail, à la maison. Où est le « choix » prétendu des femmes prolétaires là-dedans ? Le château de cartes des arguments réactionnaires s’écroule : Zemmour peut remuer ciel et terre, il ne trouvera aucune accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH) qui a « choisi » d’être payée 760€ par mois (moyenne nationale) !
Le vernis progressiste de la bourgeoisie s’écaille
Tout ce que nous avons abordé jusqu’ici pourrait sembler donner raison au gouvernement et à ses chiffres. Pourtant, avec exactement les mêmes points, nous pouvons démonter consciemment la fausse position de la bourgeoisie libérale sur la question des salaires.
Reprenons la différence de salaire. Nous avons vu qu’elle était plus élevée en général dans la société que quand on la rapporte à métier égal, compétence égale, travail égal. La raison de cela est que les emplois de la petite bourgeoisie supérieure et de la moyenne bourgeoisie sont très majoritairement masculins. Cadres supérieurs, PDG etc. Les secteurs où l’on trouve le plus d’écart salariaux sont ceux de la finance et de l’assurance : 30 % d’écart. A l’inverse, dans les secteurs mal payés, comme le commerce de détail, l’écart est de 14 %, inférieur à la moyenne générale. Les femmes sont largement majoritaires (près de 60%) dans la part des personnes qui touchent le SMIC. Cela concerne plus de 2 millions de personnes en France.
Cela rappelle que les capitalistes français exploitent le prolétariat et le maintiennent à des bas salaires. Le problème est donc celui des salaires en général ! Nous avons vu que la position des femmes sur le marché du travail permettait l’exploitation renforcée de cette partie du prolétariat. Ainsi, la lutte farouche de la bourgeoisie française (de Macron à Le Pen) contre l’augmentation des salaires, et notamment une réelle revalorisation du SMIC et des salaires qui lui sont à peine supérieurs, est également une lutte contre l’égalité salariale ! Celle-ci ne se joue pas au niveau de la parité femmes-hommes des comités directeurs des entreprises, mais bien dans le prolétariat.
Les inégalités sur le marché du travail sont un outil de la bourgeoisie : le prolétariat doit s’en débarrasser absolument. Prenons des exemples historiques du socialisme. La liquidation de tous les aspects patriarcaux dans la société est une politique importante du socialisme, qui commence dès la révolution et se perpétue tout du long. Par exemple, dans notre société actuelle, le principe « à travail égal, salaire égal » est supposément inscrit dans la loi. Nous avons vu au cours de cet article à quel point cela est hypocrite et cache l’exploitation renforcée des femmes prolétaires.
En Chine, sous le socialisme dans les années 1960-70, le droit à l’égalité salariale était réellement conquis. Il n’y avait pas d’influence de la maternité ou de la garde des enfants sur les salaires : le temps d’allaitement était par exemple compté comme temps de travail et payé comme tel. Les enfants étaient gardés dans des crèches collectives où travaillaient des femmes et des hommes sans distinction ni impact sur le salaire. De nombreuses femmes ont lutté contre les idées fausses qui étaient portées par des réactionnaires. Les conceptions comme l’idée qu’il y a des métiers « de femmes » et des métiers « d’hommes » étaient combattues. Sur le plan du marché du travail, toute inégalité maintenue par le système des salaires ou l’éducation était perçue comme néfaste pour toute la société. De manière consciente, toute la politique du socialisme attaquait directement le patriarcat, y compris dans le domaine du travail.
Tout cela n’est pas arrivé par hasard. C’est que le prolétariat, lorsqu’il est au pouvoir, n’a pas seulement envie de se débarrasser du patriarcat, il a besoin de s’en débarrasser pour développer la révolution. La politique du travail et des salaires ne fait pas exception : là aussi, la politique prolétarienne va plus loin que tout ce que la politique bourgeoise peut proposer. Son objectif est l’amélioration réelle de la condition des larges masses et du prolétariat, dont la moitié sont des femmes. Souvenons-nous de cela lorsque nous faisons face à des discours réactionnaires ou prétendument mielleux sur cette question. Derrière leurs chiffres, les bourgeois font des dizaines de tours de passe-passe pour maintenir le prolétariat dans l’exploitation. La révolution socialiste, c’est mettre au pouvoir la seule politique contre les inégalités entre femmes et hommes dans ce domaine, comme dans tous les autres.