Cet article est issu de notre version imprimée disponible ici. C’est la deuxième partie d’un article en deux temps. Il aborde les vraies mobilisations des femmes, en opposition à la fausse « priorité » quinquennale mise sur l’égalité femmes-hommes par Macron.
A contrario, depuis 2017, de nombreuses luttes ont émergé à ce sujet, et nous allons également montrer leur importance.
Des mobilisations en hausse depuis 2017, des revendications de classe
Intéressons-nous désormais aux mobilisations qui ont eu lieu ces dernières années. Le 8 mars 2017, pour la première fois, des associations et syndicats (CGT, FSU, Solidaires) appelaient non pas seulement à la manifestation du 8 mars, la journée internationale des femmes travailleuses, mais également à une grève nationale et générale. Cet appel a été suivi dans plus de 50 pays. La grève vient donner un nouveau caractère à la mobilisation du 8 mars, en liant décisivement la question féministe à la lutte contre le patriarcat dans le salariat. Elle fait la démarcation avec les célébrations libérales du 8 mars : les monopoles français et l’État bourgeois ne peuvent pas défendre une grève qui stoppe la production. Dans l’Histoire, de telles mobilisations larges ont été initiées et menées par les femmes prolétaires. Proche de la France, l’exemple belge à ce propos est éclairant. En 1966, plusieurs milliers de femmes ouvrières bloquent leur usine à Herstal pendant 3 mois. Elles dirigent une lutte pour un salaire égal et des augmentations, qu’elles n’obtiennent que partiellement. Mais leur grève lance des mots d’ordre que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les mouvements de grève féministe.
En 2018, 5,3 millions de personnes participent à cette grève en Espagne, ce qui en fait une énorme mobilisation. Depuis, chaque année, l’appel à la grève est maintenu et amplifié en France comme ailleurs. En 2021, plusieurs dizaines de grèves ont été rapportées dans la plupart des villes du pays. Elles mettaient particulièrement en avant les « premières de corvée », les métiers majoritairement féminins du service, du nettoyage, du médical et du social qui encaissent de plein fouet la crise sanitaire. Contre la réforme des retraites, des « Rosies » (détournement de la propagande de guerre américaine de Rosie la riveteuse, en bleu de travail et bandana rouge, le poing brandi) se sont unies aux cheminots pour attaquer le gouvernement et les grands monopoles impérialistes. En janvier 2020, une chorégraphie des « Rosie » à Paris les montrait en train d’abattre des vautours en marionnette nommés « BNP », « Société Générale », « Axa » ou encore « BlackRock », tant de noms de grandes entreprises, principalement françaises. C’est l’unité concrète du prolétariat qui se met en action, afin de se débarrasser définitivement de l’impérialisme et du patriarcat. Ainsi, il n’y a rien d’étonnant à ce que cette chorégraphie ait été accompagnée de slogans tels que « Révolution ! Révolution ! ». Les grévistes de l’hôtel Ibis Batignolles, qui ont lutté pendant 22 longs et périlleux mois de juillet 2019 à mai 2021, ont elles aussi repris l’imagerie de « Rosie » pour leurs affiches montrant leurs porte-paroles.
Depuis 2019, la lutte contre les féminicides (meurtre de femmes pour la raison qu’elles sont des femmes) s’est matérialisée par un mouvement de collages sur les murs des villes de France. Des slogans et des dénonciations des féminicides sont mis en avant. Cette manière de faire s’exporte dans plusieurs villes et des collectifs se créent. La police réprime les collages comme des dégradations, et met plusieurs colleuses en garde à vue. Cette méthode de lutte vise à afficher au grand public et dénoncer les vérités choquantes et révoltantes des violences faites aux femmes. À Aubervilliers par exemple, en banlieue parisienne, des collages ont rappelé que 2 femmes sont mortes de féminicides en 2021 dans la ville dans des affaires sordides. La direction des collectifs et du mouvement des colleuses est encore massivement petite-bourgeoise, bien qu’une partie des slogans et revendications soient révolutionnaires. Marguerite Stern, écrivaine et activiste ex-FEMEN, est celle qui a officiellement lancé le mouvement. Désormais, elle écrit des articles réactionnaires dans le journal Marianne. Il est cependant indéniable que, ces dernières années, les collages se sont installés dans le paysage de nombreuses villes, et qu’ils interpellent le regard et créent l’intérêt pour les revendications féministes.
Enfin, depuis 2018, des marches et manifestations sont organisées autour de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre. En France, plusieurs dizaines de milliers de personnes y participent. En 2019, le nombre monte même à 150 000 partout en France, avec une immense mobilisation à Paris de 100 000 personnes. En 2020, la marche n’a pas lieu à cause de la crise sanitaire, mais elle reprend en 2021. Ce mouvement d’ampleur est principalement initié par le collectif #NousToutes, issu du mouvement #MeToo. Les dirigeantes sont des réformistes, comme Caroline de Haas, qui a milité au Parti Socialiste. Si #NousToutes a initié le mouvement, le collectif l’encadre également et se contente d’enquêtes et de publications pour mettre en avant ses revendications. L’organisation rend inoffensive la manifestation du 25 novembre. Un exemple concret de l’influence réformiste a eu lieu le 24 novembre 2018. C’était le jour de la manifestation, mais c’était aussi le deuxième samedi des Gilets Jaunes. Quelques greffes ont lieu entre les deux : des femmes gilets jaunes rejoignent les cortèges, les manifestations s’applaudissent à quelques endroits. Mais parmi les leaders de #NousToutes, beaucoup ont dénoncé les Gilets Jaunes et refusent de s’unir. C’est donc uniquement à la base, sur des ronds-points et des cortèges que l’union se fait. Si une jonction avait eu lieu, des forces inédites auraient mené cette lutte. Voilà, en pratique, les problèmes que pose une direction réformiste.
Les mobilisations féministes de ces dernières années sont traversées par la lutte de classes. Il y a un féminisme prolétarien, qui rassemble les masses derrière des revendications et des méthodes d’organisation. Nous avons vu que plusieurs mouvements se sont développés ces dernières années en France, qu’ils ont souvent des revendications de classe, mais qu’ils manquent de direction prolétarienne forte. Les femmes des masses, et notamment prolétaires, sont les premières à se mobiliser dans les grèves, les mouvements sociaux et les luttes revendicatives. Pendant le premier confinement de 2020, cette vérité s’est présentée en pratique dans les collectifs de quartiers qui ont émergé, très souvent gérés par des femmes. Cela s’était déjà vu lors des Gilets Jaunes, dans des assemblées et des projets collectifs mis en place par les groupes locaux. Enfin, les collectifs contre les violences policières sont un autre exemple : ils sont souvent animés par les mères ou les sœurs de victimes de violences, comme Amal Bentounsi.
Ainsi, ces dernières années ont bien été celles d’un développement du mouvement des femmes en France. Face au patriarcat et au prétendu féminisme de la bourgeoisie impérialiste française, qui se matérialisent dans le gouvernement actuel, de nombreuses personnes ont répondu par des actions opposées : grève, manifestations revendicatives, dénonciation de l’hypocrisie du gouvernement par tous les moyens et avancement des revendications féministes. Dans la lutte de classes, le point de vue prolétarien sur le féminisme émerge des masses, et il nécessite d’être dirigé et organisé loin des chimères réformistes. C’est seulement de cette manière que de nouvelles victoires peuvent être remportées décisivement.