Nous l’avions démontré dans notre article du numéro 59 consacré au féminisme prolétarien
« Égalité femmes-hommes : une fausse “grande cause quinquennale”, de vraies mobilisations depuis 5 ans », que le gouvernement bourgeois de Macron n’a évidemment œuvré en aucun cas pour la libération des femmes, au contraire ; et que les seules actrices de cette lutte pour la libération ont été les prolétaires femmes.
Aucun candidat même du premier tour ne proposait de changer la donne. Il n’y a aucun débat pour les candidats de droite : Marine Le Pen est hésitante sur le droit à l’avortement et méprisait le mouvement #MeToo, Valérie Pécresse voulait interdire le port du voile pour les accompagnatrices scolaires, Zemmour mettait dos à dos une prétendue défense des femmes face à la « racaille » et affirme qu’il faut un équilibre des genres dans la société : la femme à sa place, l’homme à la sienne en bref, Dupont-Aignan associait féminisme au « rejet du communautarisme », Jean Lassalle est un agresseur sexuel et ne mentionnait même pas de mesures pour les femmes.
Anne Hidalgo ? Un ministère des Droits des femmes, une volonté de formation de policiers, vouloir assurer l’égalité des salaires, pas très convaincante…
Yannick Jadot ? Peu ou prou la même chose, avec une constitutionnalisation du droit à l’avortement ainsi que la promesse de nommer une femme comme Première ministre. Cela laisse rêveuse…
Fabien Roussel ajoutait une mise à disposition gratuite de protections hygiéniques partout dans l’espace public. Tout comme ceux qui veulent former les policiers aux violences sexistes (la vieille rengaine toujours évoquée, mais jamais appliquée car inapplicable…), Roussel voulait gentiment demander aux médecins d’arrêter de traiter les femmes de façon différente. Il prévoit un salaire minimum pour les « métiers très féminisés du lien » de 1700 €. Pour les autres femmes prolétaires ? Tant pis apparemment. Et surtout, aucune volonté de sortir de ces spécialisations de « métiers féminisés ». La femme est mieux faite pour le lien social et cela restera ainsi ! Voilà le « communisme » sauce Roussel.
Quant à Nathalie Arthaud et Phillipe Poutou, ils se présentent pour porter un message révolutionnaire et non accéder à la présidence de l’impérialisme français. À la Cause du Peuple, nous ne comprenons pas pourquoi leurs énergies ne sont pas mises à disposition de l’organisation combative du prolétariat contre la bourgeoisie pour faire triompher la révolution socialiste en France. Celle-ci n’adviendra pas avec seulement plus de propagande, et encore moins une propagande diluée dans les élections bourgeoises, transformant le communisme en une caricature incarnée par des clowns faisant le cirque tous les 5 ans. La révolution est nécessairement une guerre prolongée qui doit être une perspective guidant toute notre pratique dès maintenant pour venir à bout de la propriété privée des moyens de production. La propriété privée est d’ailleurs la base de l’oppression particulière patriarcale des femmes prolétaires, et de l’ensemble des prolétaires. Assez du blabla, les masses veulent du concret, les masses veulent s’éduquer dans la violence révolutionnaire face à la violence réactionnaire de l’exploitation pour venir à bout de leurs ennemis et enfin se libérer.
La Moitié du Ciel écrit par Claudie Broyelle dans les années 1970 après son voyage avec une dizaine d’autres féministes françaises en Chine socialiste, apporte des éléments de réponse détaillés sur les conditions de l’émancipation des femmes telles que l’ont vécues les Chinoises sous le socialisme, bien loin des promesses sans queue ni tête que les candidats aux élections bourgeoises formulent. C’est une expérience considérable pour tous les révolutionnaires et véritables féministes du monde entier. La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne a constitué la révolution la plus avancée de l’Histoire du prolétariat international jusqu’à ce jour. La lutte des femmes fut sans aucun doute elle-même la plus avancée en Chine socialiste, particulièrement pendant la Révolution culturelle justement.
Comme le préfaçait la grande romancière chinoise Han Suyin : « Mais dans ce domaine comme en de nombreux autres, les Chinois ne procèdent ni à l’aide de schémas tout faits, ni avec opportunisme, ni selon l’idée que la libération des femmes s’obtient du seul fait de leur “donner” l’égalité juridique, économique, sans plus. C’est la profonde transformation de la femme elle-même, du jugement qu’elle porte sur elle-même et sur le groupe, c’est toute une réévaluation des prétendues “valeurs” attribuées aux relations que la femme entretient avec la société, avec la famille, avec les hommes, avec sa fonction de mère et d’épouse aussi bien que de travailleuse, qui est ici examinée en détail et qui sera une révélation pour les nombreuses femmes qui veulent voir changer leur condition, mais qui n’ont pas encore trouvé partout la voie pour y parvenir. »
Encore une fois, nous pouvons très bien comprendre qu’aucun candidat aux élections bourgeoises ne propose cela ni ne s’en donne les moyens. Les femmes ne peuvent compter sur la bourgeoisie pour se libérer, elles doivent compter sur leur classe, celle de la majorité des femmes : le prolétariat, et donc mener la révolution prolétarienne, la révolution socialiste ! L’égalité juridique ou une pseudoégalité économique qui n’arrive jamais ne résoudront pas la question de l’oppression des femmes, car elle est intimement liée à la question de la propriété privée des moyens de production, au rapport de production capitaliste-impérialiste d’exploitation : une majorité travailleuse dépossédée par une minorité bourgeoise parasitaire n’ayant plus aucune utilité pour la société. Claudie Broyelle écrivait en introduction du livre :
« Les femmes ont accompli un cycle historique, c’est-à-dire un cercle. Elles se retrouvent pratiquement à leur point de départ : toujours opprimées ! Nous en avons fait l’expérience, le droit au travail, de voter, de divorcer, de faire des études, d’utiliser la contraception, ainsi que le moulin à café électrique, ne nous ont pas libérées de l’esclavage domestique, ni de la maternité forcée, ni de notre dépendance économique à l’égard du mari, pas plus que nos droits politiques ne nous ont permis de changer en quoi que ce soit la société. C’est donc que notre oppression n’avait pas pour origine l’absence de ces droits. Non seulement ces réformes ne nous ont pas libérées, mais elles nous font ressentir plus cruellement encore notre oppression. “Mais que veulent donc les femmes ? s’écrit le législateur bourgeois affolé, nous leur avons tout donné !” Justement vous nous avez tout donné (ou presque) c’est-à-dire tout ce que le capitalisme pouvait nous donner, et c’est si peu ! Première évidence : nous n’avons rien à attendre de cette société. Il fallait que fût achevé ce cycle, et qu’avec lui toutes les illusions juridiques qui ont marqué les anciens mouvements féminins fussent fortement ébranlées, pour que puisse apparaître un mouvement féminin. Même si celui-ci n’en est pas toujours conscient, c’est en fonction de ce bilan qu’il se détermine. Pourtant à partir de là tout reste à faire. Car si notre oppression n’avait pas pour cause l’absence de droits, quelle est son origine ? […] Dans son enfance, la classe ouvrière opprimée tourna sa colère contre les machines ; plus tard, elle fit la Commune. Entre ces deux étapes, il y a la même distance que celle qui reste à parcourir entre la révolte contre “le mâle” et la libération des femmes. »
L’infériorité des femmes dans ce mécanisme et la cellule familiale allant avec constitue un des rouages nécessaires au bon fonctionnement de ce système d’exploitation. Les femmes prolétaires ont alors intérêt à renverser cela et ne peuvent compter sur les illusions de la bourgeoisie. « Ces institutions sont des machines, des appareils indispensables pour que les travailleurs puissent retourner travailler le lendemain, pour que leurs enfants apprennent jour après jour le rôle que la société leur réserve. »
Claudie Broyelle en synthétisant l’expérience révolutionnaire chinoise, met bien en avant la contradiction existante entre travail social et travail domestique dans la société patriarcale et capitaliste. L’enjeu pour les femmes est alors de se libérer des chaînes du travail domestique pour qu’il soit incorporé au travail social, et que le travail social soit enrichi et rationalisé pour toute la société avec l’incorporation totale des femmes au même titre que les hommes qui doivent d’ailleurs intégrer les tâches considérées par le patriarcat comme « féminines » telles que la garde d’enfants, le ménage, les métiers dits sociaux, etc. « Le mari n’aurait pas l’idée de demander à sa femme de lui laver les dents ou de l’habiller, mais il trouve naturel qu’elle fasse son lit, cire ses chaussures ou range le désordre qu’il a mis dans la maison. […]Faire son lit, brosser ses habits, mettre un point à un vêtement, ranger ses affaires, c’est en Chine comme se laver les dents : chacun le fait pour soi-même le plus naturellement du monde. Et si justement c’est devenu culturellement une chose naturelle, alors qu’il y a vingt ans ce ne l’était pas, c’est parce que les hommes aussi se sont rééduqués dans le travail domestique. Ils ont appris à le mesurer réellement, à ne pas le mépriser. Il n’est plus féminin. ».
Mais alors, comment faire entrer autant les femmes dans la production sociale ? En France aujourd’hui, même si les temps partiels sont largement occupés par des femmes, même si elles sont plus précaires au niveau de l’emploi que les hommes en général, même si subsistent tous ces métiers dits « féminins » (auxiliaire de vie, secrétaire, aide soignante, infirmière, caissière, agent d’entretien…) nous ne sommes pas dans les mêmes conditions que la Chine d’antan, coloniale et féodale. Malgré tout, quel a été l’atout majeur pour permettre l’incorporation de ces millions et millions de femmes chinoises confinées « depuis toujours » dans des tâches domestiques étroites ? La réponse est « la victoire de la révolution, couronnant vingt ans de guerres nationale et civile », « transform[ant] l’ancienne société, détrui[sant] des pans entiers de la vieille idéologie de l’infériorité des femmes. Celles-ci avaient par millions participé activement à la guerre antijaponaise, elles avaient dans les régions libérées exercé directement, et souvent de façon prépondérante, le pouvoir ». Voilà également notre réponse pour nous en France : la révolution, la guerre révolutionnaire contre les exploiteurs du prolétariat pour le nouveau pouvoir. C’est de cet esprit que sont animé.e.s les véritables révolutionnaires d’aujourd’hui menant la guerre populaire dans leurs pays tels qu’en Inde ou aux Philippines, détruisant les normes féodales (droits sexuels des propriétaires terriens, pratiques rétrogrades sur les jeunes filles), conquérant le droit au mariage choisi, l’égalité de droits, la participation à la vie économique et politique à titre égal dans les bases libérées, jugeant les crimes sexistes et sexuels, créant des organisations féminines révolutionnaires.
Conquérons le pouvoir au service du prolétariat afin qu’il puisse libérer l’humanité entière, que « les femmes [qui] portent sur leurs épaules la moitié du ciel » conquièrent cette moitié ! La bourgeoisie impérialiste française, l’impérialisme français est décidément l’ennemi principal et l’exploiteur des femmes prolétaires et du prolétariat en France en général, tout comme dans les semi-colonies en Afrique de l’Ouest dominées par la France et toutes les colonies « d’outre-mer », et ce peu importe que le représentant de l’impérialisme français soit Macron ou Le Pen !! Commençons à nous organiser dès maintenant pour renverser cet ennemi impitoyable.