Macron réélu, sans suspens, et on aurait pu croire que le matraquage médiatique et politique sur les élections s’arrêterait. Mais non ! Depuis 20 ans maintenant, la réforme du quinquennat (le président est élu pour 5 ans) entraîne une nouvelle élection dans la foulée des présidentielles : les législatives. Celles-ci auront lieu au mois de juin et sont le sujet unique des médias bourgeois en ce moment.
Ce que nous préparent Macron et ses sbires
Dans le régime politique bourgeois actuel en France depuis 2002, les législatives font office de confirmation : au printemps le président est élu, il gagne une majorité de l’Assemblée Nationale en été et il commence les réformes en automne. En 2017, Macron n’avait même pas respecté ce calendrier, en lançant sa « Loi Travail XXL » dés juin, afin d’empêcher toute contestation.
5 ans plus tard, il va sans dire que Macron souhaite une large majorité pour asseoir son gouvernement encore plus fort. Élu avec une forte abstention aux présidentielles, Macron avait déjà pavé la voie pour les législatives depuis 6 mois. Dés novembre 2021, les sbires macronistes (Bayrou, Ferrand, Philippe et Castex) annoncent la création du mouvement « Ensemble Citoyens » comme étiquette pour les candidats macronistes aux législatives. Ce mouvement permet à Macron d’avoir un certain ancrage local et surtout de contrôler l’ensemble des petits partis qui tournent autour de sa majorité, notamment « Horizons », le parti d’Edouard Philippe fondé 1 mois plus tôt.
Forte d’une majorité de 348 députés en 2017, cette « majorité présidentielle » va tenter d’être un bulldozer et de rester majoritaire en 2022. On voit déjà les magouilles politiciennes pointer le bout de leur nez, avec par exemple les tractations pour la nomination du clown Manuel Valls dans une circonscription. En 2017, cet ancien Premier Ministre « de gauche » avait été élu sous l’étiquette de Macron avant d’aller vivre une aventure catalane à Barcelone, d’où il est parti détesté et moqué.
Pendant 5 ans, les députés macronistes ont servi loyalement à faire passer les pires réformes anti-populaires : réformes du code du travail, lois liberticides et sécuritaires… Et on ne parle pas de l’absentéisme, des polémiques honteuses (les patrons et cadres sup’ nouvellement députés qui se plaignaient d’avoir un salaire net de « seulement » 5 700€ par mois!) et des scandales. L’exemple le plus récent est Coralie Dubost, affichée par Médiapart pour avoir dépensé des milliers d’euros dans des vêtements et des restaurants en les faisant passer pour des frais de gestion. Le président du groupe LREM actuel est le gangster Christophe Castaner (lié au milieu mafieux provençal), ça en dit long sur la fine fleur des députés de la majorité !
Cette année, ils n’ont pas de raison de changer de fonctionnement. La « majorité présidentielle » ne sera qu’une machine à tamponner les décisions prises par Macron, qui continue sa gestion de la crise de l’impérialisme français en faisant peser sur le dos des masses tout son programme.
La « Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale » : un leurre opportuniste pour le peuple
On ne parlerait pas autant de ces législatives sans la « gauche » ! Mélenchon, le n°3 de la farce présidentielle, avait annoncé dés le soir du second tour qu’il souhaitait un « troisième tour social » et qu’il voulait être « élu Premier Ministre ». Il faut comprendre : « retournez voter aux législatives, et cette fois-ci, votez mieux ! »
Pour mettre toutes les chances de leur côté, les opportunistes mélenchonistes ont élaboré un appel à une grande « alliance de la gauche » avec tous les partis qui ont participé à la présidentielle. Cette « alliance », « Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale », on voudrait nous faire croire qu’elle sort de la volonté pure et bienveillante d’éviter 5 ans de plus avec Macron. Toute la gauche parle de l’urgence écologique, s’émeut sur les possibilités qu’aurait un gouvernement de « gauche » sociale-démocrate au pouvoir. Europe Écologie Les Verts ont été les premiers à marcher, suivis du Parti Communiste Français et avec pertes et fracas du Parti Socialiste. Même le NPA (si révolutionnaire soi-disant!) se laisse entraîner dans la danse de la grande « union ».
Mais cette « union » est-elle si bienveillante pour le peuple et ses préoccupations ? Rien n’est moins sûr ! Plusieurs preuves viennent attester que c’est avant tout un accord électoraliste d’appareils bourgeois. Premièrement, chaque Parti s’assure 50 circonscriptions, qui est le seuil pour recevoir les financements publics. Chaque voix reçue rapporte 1,42€ au parti qui présente le candidat. Il n’est donc pas étonnant de voir que chaque parti vouloir le plus de circonscriptions possibles. Dans ce genre de parti, ce n’est pas la ligne politique qui décide de l’orientation du parti, mais le groupe des élus et leurs intérêts de corps. Il y a quelques semaines, toutes ces organisations s’insultaient de tous les noms et disaient être profondément incompatibles (qui aurait sérieusement cru à une alliance Mélenchon-Roussel-Hidalgo-Jadot-Poutou?). Aujourd’hui, ils se mangent dans la main car ils savent que leur survie (PS, PCF, EELV) ou hégémonie (LFI) est en jeu ! Et à la clé de ce tour de passe-passe, il y a beaucoup d’argent et des élus.
Comme le « Programme Commun » des années 1970, comme la « Gauche Plurielle » de la fin des années 90, les sociaux-démocrates opportunistes sont en train de nous enfumer avec une nouvelle chimère. Pour être majoritaires, cette « union » devrait multiplier ses élus par 5, un doux rêve vendu comme une réalité par Mélenchon et ses acolytes. Mais derrière les bons sentiments se cachent de nouvelles magouilles pour prendre la tête de la « gauche » et augmenter le nombre de députés. On ne parle plus de politique, on ne parle pas des différences de chacun. D’ailleurs, tous les programmes ont été gommés pour accommoder l’impérialisme français : le NPA est par exemple prêt à taire ses différences sur la police ou les interventions françaises à l’étranger, tout ça au profit de l’électoralisme. Mais n’oublions pas que ceux qui nous vendent cette potion magique ont été ministres ou au pouvoir les 40 dernières années, qu’ils ont soutenu l’occupation du Mali par l’armée française, les réformes du code du travail, l’augmentation du budget de la police, les privatisations et bien d’autres positions semblables. Ce leurre pour les masses ne peut pas tromper longtemps, et sa « solidité » sera testée au premier coup de vent de la dynamique électorale.
L’État réactionnaire pourrit sur pied
N’oublions pas la position de Marine Le Pen qui, avec ses 13 millions de voix au deuxième tour (toujours en dessous de l’abstention) veut elle aussi se tailler sa part du gâteau. Pas de chance, les législatives réussissent en général mal au RN, la faute au mode de scrutin. L’union avec Zemmour ne se faisant pas actuellement, ni le rapprochement avec Les Républicains, il y a peu de chance de voir une déferlante du RN à l’Assemblée. D’ailleurs, ni Zemmour ni Le Pen n’en auraient particulièrement envie. Le RN peut se contenter d’augmenter son nombre d’élus pour avoir un groupe et de l’argent, en préparant les élections prochaines. Marine Le Pen avait annoncé dans l’entre-deux tours qu’une fois élue, elle voudrait réformer les élections législatives pour une « proportionnelle limitée ». En réalité, son système avantageait sans aucun doute le RN, qui aurait pu bénéficier d’une majorité systématique.
Mais avec Macron réélu, les fascistes n’ont pas d’intérêt à porter à fond ces élections législatives. Dans la démocratie bourgeoise française actuelle, le parlement perd son rôle historique et ne devient qu’une comédie pour celles et ceux qui veulent encore lui prêter de l’importance. Dans son rôle oppositionnel, Le Pen place son camp dans une position rêvée pour le prochain changement de dirigeant, en 2027. Et l’approfondissement de la crise sera porté sur le dos d’un Macron qui ne pourra pas se représenter. Marine Le Pen elle-même, si elle devait être remplacée (nous avons vu que Zemmour tâtait le terrain pour un tournant fasciste annoncé cette année), aurait rempli son rôle historique pour la bourgeoisie : incarner sa faction la plus réactionnaire et la plus ouverte à l’abandon de la démocratie bourgeoise.
En proie à la crise, l’État bourgeois français continue sa frénésie réactionnaire : la politique bourgeoise crée des Zemmour, porte Le Pen très haut et médiatise toutes les idées des fascistes (comme par exemple le grand remplacement, devenu un sujet au même titre que l’inflation ces derniers mois). Ses bases, ses principes libéraux et démocratiques bourgeois, sont mis de côté petit à petit. L’État français pourrit sur pied, il est un colosse aux pieds d’argile. Les masses grandissantes qui rejettent la politique bourgeoise, qui boycottent les élections, qui vomissent Macron et Le Pen et qui font face tous les jours aux sirènes opportunistes de Mélenchon, ont pour responsabilité de l’abattre.