Le capitalisme signifie l’instabilité du marché agricole

Nous traversons à l’échelle internationale, et ce depuis des années, une crise économique généralisée qui se manifeste notamment par la hausse des prix des matières premières, du gaz et du pétrole en raison de la croissance de la demande et de la soi-disant raréfaction des dits carburants, tout cela alors que la production actuelle de pétrole et de gaz permet largement de couvrir les besoins mondiaux. Le calcul financier qui accompagne la production et l’approvisionnement de ces ressources par l’OPEP (organisation qui organise la rétention et la hausse des prix des dites ressources), encourage la hausse des prix, et se répercute sur les prix à la pompe, des factures de chauffage, ou des courses alimentaires.  Le pétrole est l’énergie de base de notre société, on le retrouve dans les transports mais aussi dans de nombreuses marchandises industrielles et de consommations courantes.

I – Le fonctionnement des marchés financiers agricoles

Pour commencer, nous allons expliquer brièvement le fonctionnement des marchés financiers. Pour cela, nous allons développer l’exemple des marchés financiers du domaine alimentaire.
Tout d’abord, les investisseurs misent sur des produits financiers sous forme de contrats à terme (par exemple une certaine quantité de blé, vendue avant même qu’elle ne soit plantée, pour lequel l’investisseur paye au moment de la «signature» du contrat et reçoit la «livraison» ou le «retour sur investissement» plus tard). Ainsi, ce blé fictif, ou futur, détermine le prix du vrai blé, ou blé réel, car le vendeur (le producteur) peut vendre des contrats à terme en prévision d’une hausse des cours du blé (une hausse du prix de ladite céréale) et ainsi s’assurer un plus grand bénéfice. L’acheteur des contrats (l’investisseur), peut ainsi payer plus cher son contrat que le cours actuel, car celui-ci serait susceptible d’augmenter dans les mois suivant la signature. Ainsi, l’investisseur demanderait dans cette situation un prix de vente de la céréale bien plus élevé à son acheteur que le prix réel afin d’engranger lui aussi un bénéfice plus grand. Cette hausse du prix par l’investisseur se répercute sur les finances de son acheteur (boulangerie, grande distribution, industriel), et par extension sur notre portefeuille car la boulangerie, la grande surface ou l’entreprise de production de pain industrielle vont elles-mêmes augmenter leurs prix afin de compenser le prix d’achat de la matière première qui est le blé.

Ce n’est pas seulement l’alimentaire qui est concerné par ce fonctionnement, mais aussi l’énergie, les métaux et les différentes formes de gaz et de carburants, c’est-à-dire les produits dont les prix sont actuellement en hausse et dont nous sommes les premiers à subir l’augmentation.

Ces produits financiers, sur lesquels les capitalistes parient la hausse ou la baisse du prix sont 20 à 30 fois plus nombreux que la production physique (pour imager : il y a 10 produits financiers pour un plant de blé), et donc réelle, des matières premières (pétrole, gaz, acier, blé, sucre, maïs etc.).

L’obsession des capitalistes pour le profit dicte toute la gestion de l’économie, nuit et menace au droit à l’alimentation de centaines de millions de personnes, majoritairement prolétaires et petits paysans à travers le globe. Néanmoins, bien que le profit dicte leurs agissements, la bourgeoisie est une classe sociale pétrie de contradictions qui s’unit autour de l’objectif de faire un maximum de profits, et qui se désunit par la concurrence féroce qui existe entre ses membres afin de se hisser tout en haut de l’échelle.

En effet, ce fonctionnement spéculatif de bulle ne repose ainsi sur rien d’autre que la volonté toujours accrue de contrôler les prix pour les tirer à son avantage : le producteur veut monter le prix de la matière première, l’investisseur faire baisser les prix du producteur et monter les siens, etc.

II – L’instabilité du marché agricole

Comme tous les marchés sous le capitalisme, le marché agricole est instable. Les prix fluctuent, et bien souvent la fluctuation se fait tout le long de la chaîne de production et se paye sur les extrémités : les petits paysans étouffent, tout comme les consommateurs, notamment les Masses. Cette tendance de la bourgeoisie à trouver une issue à la crise aux dépens de la classe ouvrière, en faisant payer les Masses pour « régler » la crise, est la cause principale de l’inflation dans certains pays capitalistes, comme en Amérique, en Angleterre ou encore au Japon.

Concernant le marché agricole, le premier facteur d’instabilité est la gestion des stocks du marché.
On observe ainsi depuis le milieu des années 1990 une baisse des stocks mondiaux dans tous les secteurs de l’économie. Pour le secteur agricole, c’est particulièrement vrai pour les stocks de céréales. La baisse du niveau des stocks mondiaux est ainsi due non seulement à la baisse de production mais également à certaines politiques adoptées par les Etats-membres depuis les Accords du Cycle de l’Uruguay de l’Organisation mondiale du commerce qui ont visé ou contribué à la réduction du niveau des stocks alimentaires, afin de réduire les exportations mais qui a eu pour effet d’augmenter les prix alimentaires, chose que les pays membres de l’Accord n’ignorait pas.

Cette baisse des stocks, associée aux baisses de production qui ont eu lieu sur la même période, a conduit à une importante hausse des prix partout dans le monde. En effet, depuis la dernière baisse des prix alimentaires en 1995, le niveau des stocks mondiaux a baissé en moyenne de 3,4 % par an. Alors que la production est toujours supérieure à l’offre disponible, alors même qu’un tiers de la production alimentaire mondiale est jetée chaque année malgré le fait qu’un milliard de personnes soit en sous-alimentation et que deux milliards de personnes supplémentaires soient mal nourries, y compris en France, la bourgeoisie garde cette production, la gaspille, afin d’augmenter les prix et pour pouvoir vendre sa marchandise à un prix supérieur. C’est pourquoi la planification économique est la seule solution, car nous nous devons d’évaluer nos besoins et de produire en conséquence, détachés de calculs financiers, afin de répondre aux besoins de chacun ainsi qu’à nos besoins économiques, en maintenant un certain niveau de croissance sans pour autant surproduire et ainsi éviter un gaspillage de ressources et d’heures travaillées.

Les baisses de production dans les principaux pays exportateurs et la réduction des stocks mondiaux a ainsi exacerbé la tension sur les marchés internationaux et a amplifié la hausse ou la baisse inattendue du cours des produits alimentaires et l’importance des variations de prix.

Ensuite, la centralisation et la spécialisation de la production joue aussi un rôle non négligeable dans la hausse des prix des produits alimentaires. Le capitalisme s’est spécialisé, et une crise locale a des conséquences mondiales. Prenons pour exemple le tournesol, qui peut être transformé en huile ou utilisé pour l’alimentation animale. Bien qu’il puisse être produit en France, sa production est majoritairement réalisée en Ukraine : deux tiers des importations françaises de tournesol venaient d’Ukraine avant la guerre impérialiste de février 2022. Le prix de l’huile de tournesol a ainsi augmenté de 25 à 30%, des rationnements ont été mis en place dans certaines régions françaises et cette huile sera presque absente des rayons de magasins au mois de juillet.
De plus, outre l’huile de tournesol, d’autres produits de première nécessité comme les œufs sont aussi concernés. L’Ukraine étant le plus gros producteur mondial d’huile de tournesol et premier fournisseur d’œufs en Europe, mais subissant actuellement l’agression impérialiste de la part de la Russie et des États-Unis, sa production est extrêmement ralentie, tout comme ses exportations, et les manques d’huile et d’œufs se font sentir. Ce même manque d’huile que les journalistes à la botte des bourgeois ont osé attribuer aux français de confession musulmane qui préparerait du « mouton frit » pour célébrer le Ramadan, est dû à la guerre permise par la modernisation de l’armée russe par la France entre 2014 et 2020 par les présidents Hollande et Macron, pour une valeur de 152 millions d’€. De plus, l’Ukraine et la Russie représentent à elles seules 20 % des exportations mondiales de maïs, nécessaire pour nourrir les porcs et les poulets : la pénurie risque de s’étendre au maïs mais aussi à diverses viandes.

Les accidents climatiques dont la fréquence s’accélère sont aussi des facteurs d’instabilité du marché. Les capitalistes ne sachant pas s’adapter, ou ne le voulant pas, à ces catastrophes dont ils sont eux-mêmes responsables, doivent composer avec des productions irrégulières. Nous pouvons prendre comme exemple les crises de pénurie survenues en 2005 et 2006 dans certains grands pays producteurs comme l’Australie, suite à d’importantes sécheresses durant ces deux années consécutives. Ces crises de pénurie ont entraîné des pertes de récoltes et des déficits de production céréalière. Ce déclin de la production de céréales a largement contribué à la hausse des prix du pain, des pâtes et de la viande, le bétail étant majoritairement nourri avec du maïs et du soja.

En 2011, une sécheresse aux USA et en Russie, deux gros pays exportateurs se servant de leur force impérialiste pour «négocier» des contrats agricoles à travers le globe et en particulier en Afrique, ont ainsi entraîné une flambée des prix des céréales dans le Monde afin que les entreprises agro-alimentaires puissent offrir une énième prime à leurs actionnaires.

De plus, la hausse de production des agrocarburants poussent les capitalistes à transformer des terres cultivables en des terres de production des biocarburants, ce qui fait encore augmenter les prix. En clair, les investisseurs et entreprises de la bourgeoisie ont préféré transformer des terres agricoles qui auraient pu nourrir des populations entières et réduire les prix de l’agroalimentaire en champs destinés aux agrocarburants afin d’engranger un plus grand bénéfice et faire grossir l’épaisseur de leur portefeuille. Entre baisse des stocks disponibles pour la consommation, et diversification de la demande, le marché répond évidemment par une hausse des prix au bénéfice des grands capitalistes. Le prix du maïs a ainsi augmenté de 70% ; celui du blé de 13% ; celui des graines de Colza de 90% ou encore celui de l’huile de soja de 47%.

Il ne faut pas oublier qu’à ce prix producteur s’ajoute la marge des investisseurs, car rappelons que de nombreux acteurs privés de l’économie comme les banques (parmi elles nous pouvons citer en exemples BNP Paribas ou encore la Société Générale) et autres entreprises en tout genre spéculent sur les prix des matières premières et des produits agricoles.

Citons encore comme facteur d’instabilité la réduction de la taille des réserves appartenant aux institutions publiques ; l’élévation des coûts de stockage des denrées périssables ; le développement et la promotion de moyens alternatifs moins onéreux de gestion du risque ; l’augmentation du nombre de pays ayant la capacité d’exporter ; et, enfin, les progrès des technologies de l’information et la meilleure performance des transports. Tous ces éléments ont contribué à la hausse des prix alimentaires, à la baisse de production et à l’intensification de la sous-nutrition dans des pays comme le Brésil où de nombreuses terres agricoles n’appartiennent qu’a un seul exploiteur qui focalise sa production sur des céréales dédiées à l’alimentation animale, alors même que cette terre pourrait subvenir aux besoins des paysans pauvres de la région.

Comme nous pouvons le voir, les facteurs d’instabilité de ce marché sont multiples. Cette instabilité cumulée à une recherche toujours plus grande du profit ne peut avoir qu’une conséquence : l’inflation.

III – Inflation et crises

Nous avons développé ce sujet dans un précédent article, consacré à l’inflation et à la baisse du salaire réel.

Dans le cas du marché agricole, celle-ci s’explique par l’instabilité du marché qui pousse les capitalistes à échanger de manière précipitée leur production contre une marchandise à la valeur normalement garantie (la monnaie) au prix le plus élevé possible, pour tenter de devancer la crise. Cependant, cette tendance générale crée une instabilité de la monnaie, qui accentue encore l’instabilité des prix du marché agricole. Comme dit dans l’article sur le salaire réel, c’est le serpent qui se mord la queue.

Ainsi, dans tous les pays capitalistes la bourgeoisie essaie de trouver une solution à la crise à nos dépens, la classe ouvrière, en baissant fortement notre niveau de vie. La bourgeoisie répercute sur les masses ses propres décisions, après avoir orienté la production de chaque pays, tertiarisé les économies et exporté nos productions vers d’autres pays afin d’augmenter leur marge, les exploiteurs profitent de la crise économique et de l’inflation pour augmenter les prix et maintenir une marge toujours en hausse alors que leur portefeuilles sont déjà remplis et profitent de la crise sociale pour reporter l’attention des masses vers des boucs-émissaires afin de ne pas être menacé par la gronde comme ce fût le cas lors des Gilets Jaunes.

Selon les délégués de la Fédération du commerce et de la distribution, l’inflation avoisinera entre les 7 et 10% à la rentrée de septembre 2022 d’après les dernières prévisions. Cette hausse historique des prix pousse ainsi toujours plus le prolétariat international et français à se rabattre sur les produits de premiers prix, et ce alors même que ces produits subissent eux-aussi la hausse de prix la plus importante de ces 40 dernières années, en plus d’être néfastes pour la santé.
Les prix des pâtes a augmenté de 44% depuis Mai 2021, celui de la semoule et des céréales de 32%, celui du café moulu de 31%, celui des huiles de 25%, celui des farines a augmenté de 18% et pour les plats cuisinés, majoritairement consommés par des familles pauvres, l’inflation est de 17%. La liste est longue comme le bras, mais ce n’est pas la première fois que des hausses aussi impressionnantes arrivent. Ces hausses ont un effet boule de neige car les hausses précédentes se s’annulent pas, elles se cumulent les unes les autres, et à nouveau, le serpent se mordant la queue, la seule solution pour les capitalistes pour préserver leurs profits est de continuer l’escalade vertigineuse des prix.

Ces hausses de prix ne sont pas sans conséquences. Les masses étouffent, prises à la gorge par le prix démesuré de la survie, et se révoltent.

De fait, les années 2007 et 2008 ont déjà connu une flambée des prix des produits alimentaires. Cette flambée avait déclenché des émeutes de la faim dans 25 pays.  La hausse avait démarré en 2006, enregistrée à + 8 % pour l’indice FAO des prix alimentaires (l’indice FAO des prix alimentaire est un indice des prix utilisé par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et qui a pour but de suivre l’évolution internationale d’un panier de produits alimentaires et donc de suivre la hausse ou baisse des produits agricoles sur les marchés mondiaux.) avant de s’accélérer en 2007 en atteignant + 24%. Elle a touché principalement les huiles végétales (+ 97% entre 2007) suivies par les céréales (87 %), les produits laitiers (58 %) et le riz (46 %). Les prix du sucre et de la viande ont également augmenté.

Ainsi, plus de 100 millions de personnes ont été touché par la faim et ont basculé dans ’’l’extrême pauvreté’’ suite à cette crise alimentaire couplée à la crise des subprimes de 2008. Cette misère alimentaire, renforcée par ces aspects économiques, ont été des facteurs majeurs de l’explosion du mouvement du Printemps arabe. Dans cette région du monde où 90% des chômeurs ont entre 15 et 29 ans, où, entre l’année 2010 et 2011, le prix des céréales, du sucre et autres produits alimentaires avaient atteint leur plus haut taux et impacté tout le reste de la vie des prolétaires arabes, que ce soit concernant le logement ou le prix des énergies que les populations ne pouvaient plus payer, la révolte est arrivée. Là est la contradiction du système capitaliste : le système économique repose sur la misère et crée les bases même du déclenchement inévitable des révolutions et des révoltes.

On comprend facilement que cette hausse, qui touche l’ensemble de la population mondiale, est beaucoup plus difficile à supporter pour ceux qui consacrent la majorité de leur revenu à l’alimentation. Ils sont ceux qui ont contesté par de nombreuses émeutes de la faim à travers le monde ce système injuste qui les exploite et les condamne à mourir de faim.

Pour résumer, l’inflation en France, tout produit confondu, a atteint 5.2% en seulement un an. Pour détailler cette situation au cas par cas, le coût de l’énergie a augmenté de 28%, l’alimentation de 4.2%, les services de 3.2% et les produits manufacturés de 2.9%. Ces hausses effarantes relèvent du jamais vu sur les 37 dernières années. Alors que les augmentations de salaires ont pour la majorité seulement augmenté de 2.3%, les prix grimpent plus de 2 fois plus vite. Cela influe ainsi grandement sur le pouvoir d’achat des masses, comme le montre la perte de salaire réel des employés de 2%, 2,2% pour les ouvriers et ce malgré les timides augmentations de l’année dernière.

Cette inflation, clé de voûte du système capitaliste, augmentera encore dès la fin de l’année 2022, lorsque le bouclier tarifaire sur l’électricité prendra fin. Le gouvernement Macron qui avait promis que la facture d’électricité n’augmentera pas en 2023 ne manquera sûrement finalement pas de demander un rattrapage pour la facture électricité de 2023 pour combler les pertes relatives des capitalistes, ce qui ferait augmentait de 150euros la facture sur l’année, sans compter la nouvelle hausse des tarifs qui frôle les 8%.

En résumé le marché agricole, complètement déréglé (si tant est qu’un marché capitaliste ait déjà été réglé) s’entretient dans la création d’une bulle, n’ayant pas d’autres solutions pour ne pas exploser qu’entraîner les Masses toujours plus vers le point de rupture.
Ce système économique n’a de viable que le nom, car il comporte en lui tous les éléments qui provoquent le développement et l’explosion de bulles du genre, comme l’ont prouvé les multiples crises boursières, pétrolières, immobilières, alimentaires, qui surviennent depuis moins d’un siècle.

Alors que tout augmente sauf nos salaires, il devient urgent de nous dresser contre les tenants de ce système injuste qui jouent avec nos vies pour leurs profits.