Rétrospective 2022 : Critique de Mélenchon et de “l’Avenir en commun”

A l’approche de la fin d’année 2022, le comité de rédaction de Nouvelle Epoque a décidé de republier certains articles importants de l’année écoulée.

Nous présentons ici une critique du programme “l’Avenir en commun” porté par Jean-Luc Mélenchon. La critique sera succincte, car bien que nous pourrions détailler chaque proposition, nous avons décidé de cibler ce qui nous parait principal. La critique de ce programme est très importante, car Mélenchon se présente aujourd’hui à des millions de français, et notamment des prolétaires, comme un espoir. Nous avons vu certaines personnes, dans nos quartiers prolétaires, appeler à rentrer dans le jeu électoral et à voter pour ce candidat, ce qui nous pousse encore plus à fournir une critique de son projet, qui va à l’opposé de nos intérêts. JLM est le seul candidat conséquent de “la gauche” du parti unique de le bourgeoisie gérant le pays ; il est un opposant à tout programme de rupture avec le système.

Son programme est en effet le paradigme de l’opportunisme, c’est-à-dire qu’il s’appuie sur les espérances de progrès social et les difficultés de plus en plus grandes d’une partie de la population pour tenter de conquérir le pouvoir. C’est pour cela que nous nous devons de l’analyser, afin de démontrer la voie sans issue qu’il représente pour les masses. Pire, son programme est clairement une tentative, impossible, de réformer, de contrôler et de sauver le capitalisme français en crise profonde. “L’Avenir en commun” est assurément bien fait : cela fait sérieux, cela a été réfléchi, c’est chiffré, et en cela il est donc un écueil bien plus important pour les masses que les candidatures de Poutou, de Arthaud, et autres électoralistes sommes toutes anecdotiques.

Ce programme, taxé par certains de radical, ferait passer le programme commun de Mitterrand pour du “Bolchevisme”. Ce simple fait montre déjà à quel point JLM n’est pas en rupture avec le système, mais reste profondément ancré en lui. Il n’est ainsi qu’un rejeton de l’appareil.

JLM propose, de fait, une restructuration du capitalisme et de l’impérialisme français afin d’éviter une Révolution sociale. Pour éviter une quelconque explosion révolutionnaire, la solution adoptée est donc l’opportunisme : intégrer les justes revendications des masses dans le programme de restructuration pour les étouffer.

Il est important de souligner que la question “écologique” revient très souvent, alors qu’au contraire la question du pouvoir pour le prolétariat est absente. Ce n’est pas seulement une mode, mais une volonté de se servir de “l’écologie” (qui est, en substance, la crise du capitalisme qui entraîne des profonds dérèglements de la biosphère), pour continuer à faire fonctionner la machine à profits capitaliste. « L’écologie » est une façon pour les capitalistes de continuer à développer et restructurer (adapter aux nouvelles conditions) les forces productives, pour faire fructifier le capital par le biais de la construction massive d’éoliennes, de panneaux solaires, par la restauration énergétique des bâtiments mais aussi la relance du programme nucléaire civil de façon massive. Tout cela nécessite une forte intervention de l’État comme organisateur du chaos capitaliste. JLM propose d’ailleurs de créer des “grands chantiers écologiques, créateurs d’emplois”, tel ce bon vieux “New deal[1], pour relancer l’accumulation capitaliste en panne, avec comme impulsion principale la puissance étatique.

L’Avenir en commun, c’est “l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature”. Harmonie est issue du grec « harmonia », qui signifie « assemblage », « juste proportion », ou encore « unité ». Nous ne dirons pas que nous sommes opposés à l’unité, mais il faut en définir le contenu, pour voir entre qui elle est faite. Pour JLM, le sujet, c’est le “peuple” et il n’est en aucun cas défini. Il devient donc un terme fourre-tout et inter-classiste, portant le vieux rêve bourgeois d’une harmonie du peuple au-delà des classes, d’une unité entre tous.

Pour la bourgeoisie nous avons tous les mêmes intérêts : il n’y aurait pas d’antagonisme irréconciliable entre la bourgeoisie (les patrons) et les prolétaires (les travailleurs). Certes, JLM nous dit que l’harmonie serait aujourd’hui brisée par le fait d’une “caste”, de “privilégiés” qui ne vise qu’à “une super concentration de la richesse produite par le travail”. La solution donnée par Mélenchon à ce problème réel n’est pas la lutte du prolétariat pour le pouvoir, mais la convocation d’une Assemblée Constituante qui abolira la “monarchie présidentielle” afin de “donner au peuple d’amples pouvoirs d’initiative des lois et de révocation des élus”. A aucun moment il n’est question de l’économie, base du système, et de l’expropriation de la richesse collective par les capitalistes. En aucun moment n’est abordé la question de l’expropriation de ces expropriateurs, seule véritable question de notre époque.

Nous ne sommes même pas au niveau de la social-démocratie historique qui, elle, proposait d’arriver au socialisme, c’est-à-dire à la collectivisation des moyens de productions et du commerce, par le biais des élections. Avec ce programme nous restons simplement dans le fantasme d’un changement par le haut sans douleur, sans violence révolutionnaire. L’opportunisme réside exactement dans ce rêve mensonger de changer la base de l’édifice via la superstructure, par le haut, en douceur. Depuis 1848, date du suffrage universel pour les hommes, aucun gouvernement rupturiste n’est arrivé au pouvoir par les urnes. Au contraire, les élections, après de grands moments de convulsion, ont toujours sanctifié le retour à l’ordre ancien (1848, 1871, 1945, 1968).

Face au chômage de masse, résultat des contradictions du capitalisme, qui ne peut fournir à tout le monde du travail, JLM ne propose pas une expropriation des moyens de production mais une “planification” par le biais de l’État, pour orienter l’économie, sous-entendue capitaliste. Cela n’a rien d’un programme de “gauche”. La droite comme la gauche du parti unique de la bourgeoisie se sont toujours servis de la puissance étatique afin de restructurer et de réorganiser le capitalisme national. De Gaulle et Mitterrand ont déjà fait cela avant JLM. Les États-Unis ou la Chine, qui investissent massivement dans l’économie pour la restructurer et la moderniser, sont à milles lieux du règne de l’égalité.

Il n’est donc jamais question de supprimer les classes sociales, mais d’en finir avec la division et la fragmentation de la société par un impôt plus ’’juste’’. En somme, il faudrait une société « un peu plus juste », pour que les masses ne choisissent pas le chemin de la Révolution.

Le programme de Mélenchon désire “humaniser la société” pour que les individus soient “uniques maîtres d’eux-mêmes”. Le but affiché est de rendre humain le système capitaliste, c’est-à-dire acceptable, et pour cela il faut que “l’individu” se sente libre, qu’il “ait la maîtrise souveraine de sa propre personne jusque dans le droit de mourir dans la dignité, l’égalité en droits, le libre choix des engagements fondamentaux de son existence et la lutte implacable contre toutes les discriminations racistes, sexistes ou homophobes”. C’est pour JLM et “l’Avenir en commun” la seule façon d’émanciper l’Humain ! Nous sommes, là, dans une marotte totalement libérale, bien loin de tout projet socialiste par essence collectiviste. L’individu, entendu comme individualisme, pilier de la nouvelle société, est exactement ce que propose la bourgeoisie libérale. Nous, au contraire, nous pensons que l’individu ne peut se penser en dehors du collectif, car l’Homme est un animal social qui règle ses besoins de manière collective, et toute autre vision se borne à un idéalisme coupé de la réalité.

Bien entendu, pour chapeauter le tout il faut le projet collectif, qui est la partie la plus idéologique du programme, et la plus anti-populaire. Le présupposé de départ est que “la France est une nation importante dans le monde”. D’un point de vue impérialiste bien sûr, car avec son puissant capitalisme, ses armées et sa bombe H, l’impérialisme français est une puissance, et ce caractère fait qu’elle est un ennemi des peuples et de l’émancipation dans le monde.

Cette volonté de puissance passerait par une “France indépendante” : JLM veut nous faire croire que la France, pays impérialiste aux 1 000 crimes, est en fait un pays dominé. C’est exactement cette posture idéologique réactionnaire qui est affirmée lorsqu’il est dit que “notre pays mérite mieux que d’être ainsi rabaissé quand nous humilient nos soi-disant alliés des États-Unis, de Turquie ou d’Australie”. Tout cela suinte le chauvinisme le plus réactionnaire, et Zemmour ou Le Pen disent la même chose. Nous avons clairement ici la vision d’une France en décadence qui doit retrouver sa place. C’est le discours impérialiste le plus répandu et c’est celui de la réaction la plus noire. C’est le levier idéologique de la grandeur perdue, qui pave la voie au fascisme pour mobiliser les masses non pas pour la Révolution mais pour la Nation. 

 Sa vision du renouveau de l’impérialisme français passe par une “France qui consacre sa puissance au service du bien commun mondial”. C’est-à-dire qu’il promeut un impérialisme soft, ne pouvant pas conquérir des places uniquement par la force, au vu des limites matérielles de la puissance militaire française. Il veut une France qui fasse cavalier seul et ne soit plus “embarquée dans des conflits menés au profit des seuls États-Unis en déclin”. Si nous résumons : les États-Unis sont en déclin, ils sont égoïstes, alors nous devons faire cavalier seul mais de manière fine car on ne peut se permettre d’envahir tous les pays du globe comme les États-Unis.

Il est à noter que Jean-Luc Mélenchon s’est intéressé de près ces dernières années aux océans. Il a compris que la ZEE[2] française, seconde mondiale, était le dernier territoire à conquérir et développer pour le capitalisme national et que pour cela il fallait entre autres une Marine de guerre puissante. La mer est pour JLM l’endroit où le capitalisme français trouvera son salut : pour en être convaincu, il suffit de voir la myriade de conférences qu’il a donné à ce sujet. Il a aussi participé à une commission des affaires étrangères sur le thème “Mers et océans : quelle stratégie pour la France ?”[3]. Le rapport vaut le détour, tout est écrit noir sur blanc. Il maquille même la Marine de guerre en défenseuse de l’écologie ! L’art de travestir le loup en agneau atteint ici son apogée. Avant, l’armée construisait des écoles dans l’Algérie coloniale, maintenant elle est érigée en protectrice de la nature. Pourquoi pas.

JLM est un des artisans assidus d’une nouvelle stratégie au secours de l’impérialisme français, résolument tournée vers la mer, notamment le Pacifique où se dessine le prochain affrontement inter-impérialiste. Continentalement, la France ne peut peser face à l’Allemagne, qui va massivement se réarmer, mais les confettis de l’Empire colonial permettent une possible voie de salut. Nous comprenons donc que son rapport à la Russie soit aussi guidé par cela. L’Allemagne se tourne vers l’Est, son continuum impérial historique, et elle va, tôt ou tard, se confronter à la Russie : alors, la France doit bien s’entendre avec Moscou pour contrebalancer le retour du “Reich”. C’est une des voies que l’impérialisme français a comme porte de sortie. L’océan, chez JLM, n’est pas une lubie, mais a une base matérielle concrète, celle de la défense et du renforcement de  l’impérialisme français.

En tant que marxistes, nous savons que “la force du capital est tout, la Bourse est tout ; le Parlement, les élections ne sont que des marionnettes, des fantoches[4], c’est-à-dire que pour parler de changement sérieux il faut de manière centrale aborder la base économique. Il est impossible de transformer le monde et le pays sans parler de cette “force du capital”, car tant qu’elle existe il ne peut rien se passer de sérieux. Dans le programme de “l’Avenir en commun” cette question n’est abordée à aucun moment, nous pouvons donc déjà dire qu’il n’y aucune volonté de bouleverser le monde tel qu’il est.

Au lieu de porter l’expropriation des monopoles et des grandes banques et le contrôle du commerce par l’Etat, ce qui serait le minimum pour un programme de rupture, “l’Avenir en commun” parle de “balayer l’oligarchie, abolir les privilèges de la caste”. Les intérêts privés se seraient emparés de “nos institutions” comme si l’État actuel n’était pas l’État du capital. Selon le programme, “une caste de privilégiés, vouée aux plus riches, gangrène l’État”, c’est la vision fausse de l’État neutre dans son essence.

C’est abandonner toute analyse de classe, et donc toute compréhension du monde réel, car l’État est un instrument politico-militaire au service de la classe qui dirige la société. La société étant dirigée par la bourgeoisie, c’est elle qui a la mainmise sur l’État, et cela depuis toujours, peu importent les gouvernements. C’est pour cela que Karl Marx a tiré comme enseignement central de la Commune de Paris la nécessité de démanteler pierre par pierre la machine étatique bourgeoise et de la remplacer par un État d’un type nouveau. Sans cela, aucune politique révolutionnaire n’est possible : l’État est bien plus qu’un gouvernement, c’est une immense machine constituée d’une quantité astronomique de rouages humains et organisationnels qui assurent la bonne marche de l’expropriation capitaliste. L’exigence absolu du Prince (le gouvernement), pour reprendre Machiavel, est de maintenir l’État par tous les moyens. L’État est utilisé comme instrument qui organise le cadre dans lequel les capitalistes continuent de faire leurs affaires dans les meilleurs conditions possibles, et donc en premier lieu canalise, jugule, organise la lutte des classes.

Les opportunistes sont les premiers à se rendre compte du danger que crée le chaos capitaliste pour l’ordre social. Mélenchon le sait, et propose donc de “séparer l’État de la finance” (sic !) en mettant en place un plan qui ne propose que des mesurettes d’ordre législatif pour donner le change (p. 25). Nous voyons que le but est de séparer l’État de sa base économique… A quoi servirait l’État du capital (l’État bourgeois) s’il ne sert plus les intérêts du capital ? Comment peut-il séparer la “finance de l’État” sans s’attaquer à la bourse, aux Banques, au système financier ? Mystère.

Comprenons que le cœur du programme économique se retrouve dans le paragraphe sur le “partage des richesses”. Cette partie du programme est éloquente, car nous avons sa vision de l’État pour tenter d’atténuer, de gérer les contradictions du capitalisme. JLM défend un capitalisme national qui doit être protégé et soutenu par la puissance étatique.

Il veut préserver les monopoles français, avec différentes mesures, de la concurrence féroce que se livrent les impérialismes au niveau mondial. Pour cela il propose “le droit de réquisition des usines et entreprises d’intérêt général par l’État” sans aucune précision sur ce que sont ces entreprises. Il veut condamner les abus des privatisations qui ont démantelé une partie des “fleurons” (des monopoles) français et “poursuivre les atteintes au patrimoine industriel français”.

Bien entendu, il propose cette vieille mesure que la gauche radote depuis des décennies qu’est l’interdiction des licenciements boursiers…

Des mesures qui vont donc dans le sens d’un sauvetage de l’impérialisme français, sous supervision de l’État, malmené par ses propres contradictions et cela même par les nationalisations, afin de sauvegarder l’appareil productif. Nationalisations qui en système capitaliste servent d’une façon ou d’une autre les monopoles. Par exemple, l’Etat ne se séparera pas de la gestion des centrales nucléaires car elles ne sont pas rentables à entretenir pour le privé. Par contre, les constructeurs (cimentiers, metallurgistes, etc.), la myriade de sous-traitants, le transport de l’énergie et tout « l’écosystème » autour de la centrale est quasiment entièrement privé. Les nationalisations servent aussi à restructurer le capitalisme, en participant à la concentration d’entreprises afin de créer des monopoles puissants à même d’être concurrentiels sur le marché mondial. Les nationalisations mitterrandiennes rentrent dans ce schéma où l’Etat rachète au prix fort des entreprises moyennes, les concentre, afin de créer des puissants monopoles qui furent après privatisé. Le capitaliste gagne deux fois et cela évite le chaos de la concentration par le marché.   

Le capitalisme est un serpent qui se mord la queue et qui va se dévorer, et JLM veut tenter de stopper l’inexorable. Il veut, bien évidemment, “mettre au pas la finance”, car elle a « mis à terre l’économie réelle en 2008 ». Comme si les banques relevaient de l’économie irréelle, et que le système financier n’était pas le cœur dudit système ! Pour cela, il propose principalement de contrôler “les mouvements de capitaux”, “les finances toxiques” et de “séparer les banques d’affaires et de détail”. L’oligarchie financière doit trembler devant tant de mesures vexatoires. Il n’est à aucun moment question d’expropriation de ces monstres tentaculaires que sont les banques qui étouffent le prolétariat et les forces productives.

A la place, il propose un “audit du coût économique, social et écologique des banques sur la société”, on peut légitimement se demander si tout cela est bien sérieux. Si JLM avait pris le temps de travailler dans sa vie dans la fameuse “économie réelle”, il connaîtrait le coût exorbitant des banques.

Son rêve est d’avoir une “gentille finance” au service du bien-être de tous, une finance qui peut continuer à boursicoter mais, quand même, de manière ’’propre’’. Nous ne voyons donc pas quel intérêt aurait ladite “finance” d’accepter d’une quelconque manière de telles mesures, sachant qu’elle gardera tout son pouvoir sous le gouvernement de JLM. De la même manière, il voudrait régler le problème de la “dette publique” qui est “instrumentalisée” et “l’annuler”, ou du moins une partie et tout cela sans toucher à la base économique, en restant dans le système capitaliste ! Comme les privés détiennent la dette publique, en fait constituée d’actifs financiers[5], il propose donc d’exproprier ces actifs pour diminuer la dette. Annuler une partie de la dette publique sans qu’il y ait toute une politique révolutionnaire d’expropriation généralisée pour contrôler l’économie revient à risquer l’effondrement de la monnaie et une crise économique gigantesque. JLM nous fait penser que l’économie est magique mais rien n’est simple, rien ne se règle dans le cadre de l’État bourgeois et de ses lois : c’est dans la lutte des classes dirigée par le prolétariat qu’est la seule solution.

Il est vrai que si un gouvernement était élu sur la base d’un quelconque programme qui va contre les forces du capital, il se trouverait de suite (et même avant son élection) exposé aux foudres de la finance. Nous vous partageons un extrait d’un texte écrit par Fréderic Lordon, qui explique le schéma post-électoral d’un gouvernement de type mélenchoniste (c’est-à-dire vaguement réformiste), qui plongerait le pays dans une catastrophe économique du niveau d’une guerre :

“En réalité la guerre serait déclarée avant même l'arrivée effective dans les lieux par la finance. Tu te souviens peut-être qu'en avril 2017, lorsque le carré de tête au premier tour de la présidentielle s'est resserré, et que l'hypothèse Mélenchon au second tour, donc probable vainqueur contre Le Pen, a commencé à prendre consistance, on a vu les spreads des taux de la dette publique français s'ouvrir. Je ne veux pas verser dans une discussion macro-économique financière plus que de raison, mais il faut comprendre que le taux d’intérêt souverain, comme son nom ne l'indique pas, est entièrement dans la main du marché obligataire, donc des investisseurs financiers internationaux. Or il est une variable névralgique : c'est par là que bon nombre de pays européens à partir de 2009 ont été mis à genoux et réduits à des formes d'austérités dont certaines, je pense au cas de la Grèce, pourraient être qualifiées de criminelles. En deux mots: la moindre crainte des marchés de capitaux, crainte formée d'après leur représentation de ce en quoi consiste une “bonne politique économique” (elle est “bonne” quand elle est au plus près des intérêts de la finance) la moindre crainte, donc, de voir un État s'éloigner de cette norme suscite des mouvements qui peuvent être massifs d'abandon des titres de la dette publique, d'où résultent en séquence: le relèvement des taux d’intérêt, la hausse du service de la dette, le choix subséquent soit de se tenir à l'objectif de déficit ante mais au prix de réduire les autres dépenses publiques (austérité), soit de consentir à un creusement du déficit, puis de la dette elle-même, mais alors avec la certitude d'une nouvelle réaction adverse des marchés obligataires, et c'est reparti pour un tour de hausse supplémentaire des taux...jusqu'à ce que l’État attaqué finisse par mettre les pousses. Je n'en dis pas davantage, mais ce qu'il faut comprendre c'est que les marchés de capitaux sont le lieu depuis lequel le capital financier peut mettre échec et mat, ni plus ni moins, toutes politiques économiques qui lui disconviennent”.

C’est pour cela et seulement pour cela qu’il ne peut y avoir une quelconque politique émancipatrice qui ne soit pas d’ordre révolutionnaire, et donc guidée par le prolétariat. La puissance de la bourgeoisie réside là, dans sa possession des forces productives ; elle pourrait faire comme au Chili en 1973 : fermer les usines, faire exploser le chômage, etc. Le changement par les élections est un mirage que nous, peuple assoiffé de changement, devons comprendre tel quel.

Pour conclure, nous pouvons donc voir que derrière le masque du progrès se cache un programme qui n’est en aucun cas émancipateur. L’enjeu est énorme et passe par “aller au fond des choses”, voir à travers le camouflage sophiste du beau verbe, pour laisser apparaître le cœur du sujet. Le programme de “l’Avenir en commun” n’est pas celui de l’avenir, mais du passé. Il tente de conjurer les contradictions du capitalisme et de régénérer l’impérialisme français pour que tout continue comme avant mais de manière vivable pour les masses. Le “commun” du programme n’est qu’un commun avec la vieille bourgeoisie monopoliste qui domine et écrase le pays de tout son pouvoir. La crise, loin de réduire ce poids, l’asseoit de plus en plus. JLM le voit bien et propose donc que l’État, par différents moyens, encadre et contrôle le chaos capitaliste pour l’orienter et relancer l’impérialisme français en crise et menacé de tous côtés.

L’État “stratège”, soutenant les monopoles français à bout de bras, devenant un acteur central de l’économie, dessinant les orientations stratégiques soutenu activement par l’armée, est un marqueur de la réactionnarisation profonde. Macron pense et fait de même, à la différence que sa vision est plus agressive, les monopoles ne voulant pas partager les richesses. JLM, lui, voudrait qu’ils soient plus coopératifs. Nous ne voyons pas pourquoi les monopoles et l’oligarchie financière accepteraient en cette période de crise une quelconque atténuation de leur puissance et donc de leurs profits. Ils ne le peuvent tout simplement pas, ça serait antagoniste avec le capital lui-même.

La restructuration (c’est à dire la réorganisation économique), vue comme nécessité pour l’impérialisme pour continuer à être compétitif, est aussi l’un des buts de JLM, notamment via la voie “écologique”. C’est le capitalisme vert au service non pas des masses mais des monopoles, et qui à la fin continuera à détruire la planète.

JLM, comme penseur d’une voie autonome pour l’impérialisme français  en lutte contre l’Allemagne et passant par les océans pour réimpulser le capitalisme français, participe à l’affrontement inter-impérialiste et à la réactionnarisation.

Pour au moins ces deux raisons, nous pensons que Jean-Luc Mélenchon est un opportuniste et un danger pour le prolétariat et les masses populaires, car il participe à la réactionnarisation et pave la voie au fascisme. Il faut comprendre que l’impérialisme trouve toujours une sortie à la crise : quand toutes les contradictions deviennent trop violentes (quand le serpent s’est presque totalement mangé), il n’y a plus que la voie de la guerre comme solution.

JLM nous fait penser qu’il y a des solutions faciles et surtout pacifistes pour conjurer “les forces du capital”, que nous pourrions cohabiter, nous “humains”, avec “la Bourse”, et c’est bien entendu un conte pour enfant. Nous devons lutter contre ces visions simplistes d’un monstre qu’on pourrait contrôler à coup de lois en changeant seulement de République.

Le plus grave, c’est que Mélenchon est un penseur de l’impérialisme français, lui cherchant une voie autonome, comme nous l’avons expliqué. Ce seul fait devrait ouvrir les yeux à tout le monde, et prouver qu’il n’y a aucun espoir à avoir en un homme et un programme qui véhiculent une mouture 2.0 du système qui nous exploite. De plus, dans le cadre de la crise qui aiguise les tensions entre les puissances impérialistes, vouloir “conquérir notre océan”, principalement localisé en Asie, nous confronte automatiquement aux autres puissances. Qui dit mise en valeur de notre ZEE, dit contrôle par la Marine de guerre, ce qui signifie participation à la tendance à la guerre impérialiste.

Nous ne portons bien sûr pas ces arguments dans le vide. Depuis le début de la course à la présidentielle, Nouvelle Époque porte le boycott actif des élections et ne ménage personne. Nous savons que ce n’est que la lutte des classes consciente qui fera comprendre à de larges masses de ce que nous portons dans ce type de texte.

Nous voulons aussi être très clairs sur le fait que JLM est une chose, que les militants LFI en sont une autre, et que ses électeurs en sont encore une autre. Dans cette période de grands changements, tout parait sombre, et pour beaucoup JLM semble un espoir. Nous en appelons à tous ces gens sincères pour aller au fond des choses et comprendre que nous ne parlons pas “d’élections” mais d’une Époque, de tendances historiques qu’il faut saisir. Nous n’avons rien personnellement contre JLM, mais nous luttons contre ceux qui utilise les espoirs de millions de personne pour servir des intérêts profondément anti-peuple.


[1]nom donné par le président des États-Unis Franklin Delano Roosevelt à la politique mise en place pour lutter contre les effets de la Grande Dépression aux États-Unis entre 1934 et 1938

[2]La Zone Économique Exclusive (ZEE) est une bande de mer ou d’océan située entre les eaux territoriales et les eaux internationales, sur laquelle un État riverain (parfois plusieurs États dans le cas d’accords de gestion partagée) dispose de l’exclusivité d’exploitation des ressources

[3]https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b2042_rapport-information

[4]https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/07/19190711.htm

[5]Un actif financier est un titre ou un contrat , généralement négociable sur un marché financier