La ligne syndicale classiste

Commençons par mettre en avant un principe : les révolutionnaires doivent être présents là où est le prolétariat. Les syndicats, peu importe lesquels, sont les dernières organisations de masse où le prolétariat est organisé. A partir de ce constat il n’y a pas de question à se poser : les révolutionnaires doivent être absolument présents dans les syndicats. Bien entendu, les syndicats sont une contradiction, car d’un côté ils défendent les ouvriers, mais de l’autres ils sont les “partenaires sociaux”, le corps intermédiaire intégré à l’appareil d’Etat, et ça au moins depuis 1968. Nous sentons bien cette contradiction, car toute la propagande anti-syndicale se déchaîne dès qu’elle peut. Les dispositifs rhétoriques des “preneurs d’otage” quand la SNCF fait grève est l’exemple type de la haine viscérale qu’a la réaction face à la classe ouvrière organisée. Mais pour la bourgeoisie, il ne faut pas trop écraser les syndicats, car comme nous l’avons dit plus haut, ils ont comme un de leurs fonctions d’encadrer la lutte des classes. Ils accompagnent la restructuration capitaliste en la rendant acceptable pour les prolétaires. L’Etat leur rend bien et finance les bureaucraties syndicales, mais il est à noter – et c’est, encore une fois, une contradiction – que les mobilisations massives ont fait perdre un temps fou aux capitalistes français face au reste de l’Europe. Nous étions par exemple jusqu’à récemment le 19e pays d’Europe en termes d’années de travail sur une vie.
Les capitalistes avaient jusqu’à ces dernières années intégré que le paradigme français, la “passion égalitariste” et celle de “la révolte” devaient être traités avec des pincettes. Mais tout cela a changé : il leur faut maintenant aller vite, très vite, la seconde
crise générale du capitalisme l’impose.

La seule chose que les syndicats s’interdisent de faire, c’est de la Politique, et c’est exactement ce qu’il s’est passé lors de leur prise de position contre le mouvement des Gilets Jaunes. Le communiqué du 6 décembre 2018, signé collectivement par tous les gros syndicats, à l’appel de Macron pour maintenir l’ordre en refusant de se joindre au mouvement et en appelant au fameux « dialogue », est l’exemple du niveau de soumission des directions syndicales à l’ordre capitaliste. Une intervention des syndicats à ce moment précis, et l’histoire change assurément.

Chez les forces subjectives de la Révolution, il est de bon ton de cracher sa passion contre les syndicats, sans comprendre qu’ils sont le reflet du niveau de la lutte des classes dans le pays. Si ces bureaucraties existent, c’est parce que le niveau de la lutte des classes est bas et que surtout la classe n’est pas organisée politiquement, ce qui est le principal. Les syndicats ne sont pas intrinsèquement révolutionnaires, au contraire, ils sont au mieux dans un économisme radical, malgré la charte d’Amiens par exemple. Quand la social-démocratie
a appuyé la Première guerre mondiale impérialiste, la CGT pourtant « syndicaliste révolutionnaire », s’est lamentablement vautrée dans l’Union sacrée. Lors de la Seconde guerre mondiale, la CGT-Unitaire dirigée par les Communistes a pris le chemin de la Résistance et força à la réunification avec l’autre CGT réformiste dont la direction ne voulait
pas résister. La différence est donc une question de Direction politique. Le syndicat ne peut donc se suffire à lui-même, c’est une évidence prouvée par l’Histoire du mouvement ouvrier.

Tant que le prolétariat ne sera pas organisé subjectivement dans un Parti révolutionnaire, il ne pourra pas mettre le syndicat au service de la Politique, c’est-à-dire de la Révolution. Mais en même temps, dès aujourd’hui nous pouvons agir dans les syndicats. C’est le dernier endroit où il y a une conscience de classe, un reste de culture ouvrière : les syndiqués sont en général plus conscients que la moyenne. Quand nous disons « agir », nous pensons que les révolutionnaires doivent porter une ligne résolument combative, anti-opportuniste et de classe. Car c’est bien là que nous pouvons combattre l’opportunisme des directions syndicales et remontrer aux ouvriers ce qu’est une position combative et de classe. Mais, encore plus important, nous pouvons participer à la politisation de la classe, c’est-à-dire à propager la nécessité d’une Grande Révolution Socialiste pour définitivement changer de paradigme.

Pour finir, dans le long processus révolutionnaire qui ne peut avoir que la forme d’une guerre civile prolongée, la grève à une place particulière. La glorieuse grève patriotique des 100 000 mineurs dirigée et organisée par les Communistes en mai-juin 1941 est l’exemple de ce à quoi doit servir politiquement le syndicat. Nous critiquions récemment la position
de Révolution Permanente au sujet de la stratégie révolutionnaire de la « grève générale politique », particulièrement pour cette raison : le syndicat n’a pas vocation à être le coeur du processus révolutionnaire. Le coeur de la Politique ne peut être que la guerre révolutionnaire, où le syndicat a un rôle très important de résistance, d’organisation et d’appui politique à
celle-ci. Nous le répétons, sans un Parti du prolétariat le syndicat ne peut être révolutionnaire, c’est ainsi.

La classe a besoin du syndicat, le syndicat a besoin de révolutionnaires déterminés, alors n’hésitons pas et militons là où est notre place.

Un commentaire sur « La ligne syndicale classiste »

Les commentaires sont fermés.