Fin novembre 2022, le pays a connu de très importantes mobilisations de travailleurs. Parmi les revendications, on a vu émerger une ligne anti-révisionniste.
« Nous ne voulons pas du révisionnisme[1] ! Nous voulons le retour de la démocratie, de la liberté et du développement du Parti communiste ! » Ces cris ont retenti fin novembre en Chine, d’après plusieurs vidéos qui ont circulé sur internet. Un mouvement comme on n’en avait pas vu depuis longtemps dans le pays est né, suite à une grande mobilisation d’ouvriers à Zhengzhou. Environ 20 000 travailleurs de l’usine de Foxconn[2] ont manifesté. En cause : des salaires en retard voire impayés, des dortoirs surpeuplés et l’absence de mesures sanitaires face au Covid, qui menace aujourd’hui fortement la Chine. Comme à son habitude, le pouvoir chinois a envoyé la police pour réprimer la mobilisation. Mais les ouvriers ont tenu tête, criant leurs revendications : « S’ils ne répondent pas à nos besoins, nous continuerons à nous battre ! » Le mouvement a également enflammé les universités sur une cinquantaine de campus.
En réalité, de nombreuses mobilisations ont lieu en Chine au niveau local depuis des années. À la mort de Mao, le pays a pris un tournant révisionniste qui s’est notamment traduit par la fin du droit à faire grève dans la Constitution de 1982. Les conditions de travail de centaines de millions de paysans et de prolétaires sont déplorables : retenues de salaire, accidents, cruauté des managers… Se syndiquer est illégal et lorsque les travailleurs se révoltent, ils sont réprimés dans la violence par la police à la botte de la bourgeoisie. Mais, dans le silence des médias bourgeois, la lutte des travailleurs chinois s’accentue depuis le début du siècle : le nombre d’« incidents de masse » augmente chaque année en Chine[3]. En 2009, l’annonce de 30 000 licenciements en 3 jours a conduit à « l’incident du Tonghua Iron Group[4] ». Les ouvriers se sont révoltés et s’en sont pris à un des dirigeants du groupe. Celui-ci, payé 438 000 dollars[5] l’année précédente, avait menacé de licencier tous les travailleurs de l’usine, certains d’entre eux ne gagnant que 29 dollars[6] par mois. Il a alors été battu à mort.
La naissance de telles mobilisations n’est pas un hasard. Le taux de croissance économique chinois connaît aujourd’hui un ralentissement comme on n’en avait pas vu depuis les années 1990, accentuant les contradictions entre la bourgeoisie et le prolétariat. Des employés de supermarchés aux conducteurs de grues, tous les secteurs ont connu un jour où l’autre une mobilisation, locale ou nationale. Mais si Foxconn n’est qu’un exemple parmi d’autres, elle a surtout vu renaître des slogans anti-révisionnistes qu’on n’avait pas vu depuis 1989, à Tian’anmen : « Si nous ne changeons pas, nous suivrons les traces de l’Union soviétique ! » De plus en plus de travailleurs prennent conscience de la nature réactionnaire du régime chinois. Certes, le mouvement a pris fin à Foxconn, les travailleurs ayant reçu une prime. Sans la direction d’une avant-garde, c’était un risque prévisible. Mais les idées justes gagnent du terrain à chaque mobilisation : « Une seule étincelle peut allumer un feu de prairie. » (Mao Zedong)
[1] Le révisionnisme est un courant de pensée bourgeois au sein du mouvement ouvrier international ; c’est une forme d’opportunisme qui brandit le drapeau marxiste pour combattre le marxisme.
[2] Entreprise taïwanaise, principale sous-traitante d’Apple pour l’assemblage des iPhones. Son usine à Zhengzhou est la plus grande.
[3] Ceux impliquant plus de 100 personnes ont pour cause principale les conflits entre travailleurs et entreprises.
[4] Tonghua Iron and Steel Group (TISG) est un groupe de sidérurgie qui était auparavant une entreprise d’état, avant sa privatisation partielle en 2005.
[5] 3 millions yuan.
[6] 200 yuan.