Ce 8 mars 2023 aura été une journée internationale des droits de la femme travailleuse particulière, un moment aux accents historiques, qui restera gravé dans les annales du mouvement d’émancipation des femmes et de la classe. Bien entendu, c’est le temps qui révèlera toujours plus le côté historique de ce 8 mars 2023. Il est donc important de comprendre l’époque pour comprendre la signification du Meeting des luttes organisé à Lyon le lundi 6 mars, où a été présenté officiellement le Comité Féminin Populaire, mais aussi les activités populaires réalisées dans la même semaine.
C’est au milieu d’un mouvement massif contre la destruction d’un de nos acquis de civilisation le plus symbolique, la retraite, qu’a été organisé un meeting dont le cœur était l’émancipation des femmes et plus largement du prolétariat. Environ soixante-dix personnes, dont une majorité de femmes, se sont réunies à la Bourse du Travail de Lyon autour d’une seule nécessité : “les femmes du peuple s’organisent face aux attaques de la bourgeoisie”. Organiser un tel évènement dans la salle de congrès d’une Bourse du travail était aussi le moyen de marquer la volonté que la classe ouvrière reprenne sa place et son rôle stratégique dans le mouvement de l’histoire, c’est-à-dire de la lutte des classes.
A rebours du discours féministe bourgeois qui tend à détacher “la question féminine” du problème d’émancipation des exploitées, le meeting a eu cette particularité de la mettre au centre de l’émancipation du genre humain. Pour les femmes révolutionnaires, il ne pouvait y avoir une présentation du Comité Féminin Populaire (CFP) détachée de la lutte pour l’organisation générale de la classe. C’est pour cela que des camarades femmes de la CGT cheminots et de la CGT étudiante sont venus parler de la lutte en cours contre la réforme des retraites, et que les Comités Populaires d’Entraide et de Solidarité (CPES) ont eu la part belle dans l’évènement. Le CFP est une émanation des luttes dans les quartiers populaires, c’est la lutte concrète qui a fait prendre conscience aux activistes du peuple de la nécessité que les femmes aient une organisation qui porte leurs problématiques, dont la nécessité historique est la révolution prolétarienne pour émanciper totalement les femmes.
Il y avait beaucoup d’émotions chez les camarades femmes comme chez les camarades hommes organisant l’évènement car, au-delà de ce moment historique, c’était la concrétisation de leur travail passionné pour la défense de la classe. Un travail quotidien avec celles et ceux qui n’ont pas la parole et qui ont pourtant tant de choses à dire. Tout le monde a vécu dans sa chair ce moment où un petit contingent de femmes a relevé le drapeau rouge de l’émancipation humaine, qui était à terre depuis des décennies. Quand les femmes s’organisent politiquement, cela signifie que le monde est en train de changer et que de grandes avancées révolutionnaires sont à prévoir.
Nouvelle Époque appuie de toutes ses forces le retour des femmes organisées comme force et centre de gravité de la Révolution dans le pays. Nous vous partageons la restranscription du discours de présentation du Comité Féminin Populaire du 6 mars, qui ouvre un nouveau moment de l’histoire du mouvement ouvrier dans notre pays :
« Merci de votre présence dans ce meeting dont le cœur est, et il faut que cela soit clair, l’émancipation des femmes, mais plus largement l’émancipation du genre humain. Il était important pour nous, femmes organisées, femmes révolutionnaires, femmes révoltées contre le vieux monde, de redonner au 8 mars sa véritable signification historique mais surtout politique, et à vrai dire idéologique. Le 8 mars ce n’est pas la journée de la femme, ni la journée contre les violences faites aux femmes, ni la journée contre le patriarcat, mais la journée internationale – et cette affirmation est très importante – des femmes prolétaires en lutte !
Quelle est donc la signification profonde de cette affirmation ? Que la question des violences faites contre les femmes et plus largement le patriarcat, oppression séculaire qui pèse sur nos épaules, est le résultat de la division en classes de la société. Un système où une minorité de nantis s’accaparent, ou plutôt volent, la richesse créée collectivement par le plus grand nombre. Plus simplement, la division entre bourgeoisie et prolétariat, entre riche et pauvre. Voilà aujourd’hui le principal problème de toutes les femmes du peuple à travers le monde.
Avant toute chose, il nous faut replacer le 8 mars 2023 dans son époque, pour bien comprendre les enjeux du moment. Avec la pandémie du Covid et la guerre en Ukraine, nous sommes entrés de plein pied dans la seconde crise générale du capitalisme, sa crise de décomposition. Le monde que nous avons connu ne sera plus jamais comme avant. Les puissances impérialistes sont en lutte pour se repartager le monde afin de se maintenir et de tenter de conjurer l’immense crise économique qui les frappe. L’aspect principal est que partout dans le monde les masses populaires ne restent pas sur le côté, elles redeviennent pleinement actrices de l’histoire, elles se jettent dans la bataille pour défendre leurs droits. C’est le grand retour sur scène de la lutte des classes, celle dont on a tenté de nous faire croire qu’elle avait disparu, dont le cœur est la politique, la question du pouvoir. Le pays n’échappe pas à cela, la Révolte des banlieues en 2005, les Gilets Jaunes en 2018, les divers mouvements sociaux marquent ce grand retour sur le devant de la scène ! La France est plongée dans une crise économique rampante, qui se transforme en crise sociale et qui de plus en plus prends la forme d’une crise politique, une crise de régime. Le spectacle de la mascarade parlementaire montre le niveau de décomposition du vieil ordre politique de la Ve République.
Nous l’affirmons : notre époque est celle de l’ouverture d’une nouvelle vague de révolutions prolétariennes dans le monde. Tout cela partira dudit tiers-monde et viendra déchainer la passion révolutionnaire dans le vieux monde. Le nouveau est déjà là, personne ne pourra l’arrêter. C’est le sens de notre internationalisme. Les femmes sont la moitié des masses du monde, nous faisons partie de la même classe. Alors nous, femmes du peuple, avançons main dans la main avec toutes les femmes en lutte sur la planète.
Les femmes sont au cœur de la crise, ce sont elles avec leurs enfants qui souffrent le plus de la crise économique et sociale. Il suffit de regarder les statistiques : les métiers les moins bien payés sont le fait des femmes, ce sont les mères célibataires qui sont le plus touchées par la pauvreté, et les violences contre les femmes et les enfants ne diminuent pas.
Tout cela est le résultat de la crise qui plonge les personnes les plus opprimées dans la précarité et la pauvreté. Ce phénomène est mondial.
Le patriarcat est intimement lié à la maternité, nous ne pouvons séparer la question des femmes de ce sujet. Donc, quand nous disons que les femmes du peuple souffrent de plus en plus, il faut prendre conscience que c’est la même chose pour leurs progénitures.
Le patriarcat est intimement lié au capitalisme. Historiquement, le fait que les femmes soient aussi des mères et puissent donner la vie a conduit les sociétés à les reléguer au travail de reproduction, dans le sens de la maternité, du foyer, au travail domestique. C’est cette relégation qui a exclu les femmes des moyens de productions et de la propriété de ces derniers. Ainsi, et nous le voyons chaque jour dans nos quartiers, quand nous luttons pour de meilleures conditions de vie contre les voleurs et assassin de notre classe : aujourd’hui encore, lorsqu’on attaque les femmes, c’est aussi leur famille qui prend les balles.
C’est sur cette base du travail reproductif, domestique et maternel, relégué au second plan car il ne rapporte pas de profit direct alors qu’il fait tourner le monde, que s’appuie l’oppression que nous subissons ! Être une femme ce n’est pas un concept, c’est une réalité matérielle, que nous subissons chaque jour. Lorsque notamment nous protégeons, soignons, éduquons et travaillons au profit de la bourgeoisie.
Nous voulons le réaffirmer : l’origine du patriarcat vient directement de la société de classe, c’est le Marxisme qui l’a défini en s’appuyant sur la recherche scientifique. Nous nous revendiquons marxistes car c’est la seule idéologie qui permet de comprendre dans sa totalité l’oppression de la femme, mais surtout le chemin pour son émancipation.
Quand nous étudions la société nous voyons que le patriarcat dépasse la question du genre, comme les autres formes d’oppressions c’est une question de qui possède et qui est exploité, qui travaille et qui en profite, qui participe au pouvoir et qui en est exclu. Ce n’est pas une division naturelle entre homme et femmes. Si le problème était seulement les hommes car ils sont hommes, alors ce serait l’ordre des choses. Ce n’est pas l’ordre des choses ! Les femmes, comme les hommes, sont réactionnaires, ou révolutionnaires, oppresseur ou opprimées, bourgeoises ou prolétaires. Personne n’est en dehors de la société, et notre société est patriarcale. Nous l’affirmons donc : le problème n’est pas individuel, il est social. C’est la société que nous devons changer.
Si le principal problème des femmes est le système de classe, alors le chemin des femmes conscientisées et révolutionnaires est d’aller vers celles qui sont les plus exploitées, celles qui n’ont que leurs chaines à perdre. Le Comité Féminin Populaire a surgi exactement de cette nécessité. Il est le résultat du travail politique dans les quartiers populaires d’activistes femmes auprès du prolétariat. Les leçons des luttes menées dans les Comités Populaires d’Entraide et de Solidarité ont montré que nous étions les principales engagées dans les luttes mais aussi dans les activités sociales dans les quartiers. De même, si nous regardons aujourd’hui dans les facs en lutte, nous retrouvons aussi une très grande implication des femmes. Plus largement, dans le mouvement des Gilets Jaunes, la présence des femmes était centrale et l’est encore en ce moment dans le mouvement de grève. C’est le résultat de la lutte des classes, du fait comme nous l’avons dit plus haut que ce soit nous qui sommes le plus touchées par la crise, que ce soit nous qui nous occupions des enfants, mais aussi que les luttes féminines des cinquante dernières années ont réveillé les consciences.
Nous sommes loin de l’image de la femme désengagée, de la ménagère apolitique. Le capitalisme nous a fait entrer dans la production et dans la lutte des classes. Comme nous l’avons dit, la question de l’émancipation des femmes tient en la question du pouvoir : qui l’a et qui en est privé. L’émancipation des femmes, elle n’est pas dans des lois que tout le monde ignore, elle n’est pas dans des discours, elle est dans la participation à la production, à la politique, à la vie ! Comme le disait Lénine, “la révolution c’est quand la cuisinière gérera les affaires de l’État”. C’est pour cela que nous nous battons chaque jour et de toutes nos forces aux côtés de notre classe pour la révolution et le socialisme. Nous voulons une société où la femme est indépendante économiquement, où elle participe à la lutte pour la production et aux affaires publiques. Une société où les relations entre homme et femmes ne sont que des relations d’égal à égal.
Les Comités Féminins Populaires vont donc lutter principalement avec les femmes du peuple, car il est urgent de nous organiser, entre nous, épaulées de nos camarades hommes. Nous le répétons : la crise touche principalement les femmes, la décomposition du système économique et social a comme résultat une augmentation des violences contre les femmes et les enfants. Les capitalistes veulent faire payer la crise aux prolétaires, et comme les femmes sont dans les situations les plus difficiles, alors nous payerons encore plus la crise que les hommes. A cela, nous ne nous y resignons pas. Les femmes sont la moitié du ciel, la moitié de la classe, elles doivent donc conquérir aux côtés des hommes la nouvelle société. Concrètement, cela passe par une lutte commune pour reconstituer l’instrument politique de notre émancipation, l’organisation révolutionnaire qui seule pourra guider le plus grand nombre vers la conquête du pouvoir.
Nous, militantes des Comités, nous ne sommes pas des victimes – nous sommes des combattantes ! Nous savons qu’en tant que femmes, nous avons une montagne de plus à abattre que les hommes pour arriver à notre totale et pleine émancipation. Nous abordons cette nouvelle phase historique avec un immense entrain, un immense optimisme, car objectivement tout est prêt pour les grands changements.
Pour cela nous nous développerons avec toutes les femmes déterminées à abattre le patriarcat, fruit du capitalisme, avec un mot d’ordre : prenons nos affaires en main. Nos problèmes concrets ne pourront être réglés que par nous, et nous allons les régler. Pour cela nous avons commencé à développer des cercles de paroles ou chacune peut parler de ses problèmes concrets et où nous pourrons commencer à les régler ensemble. Le patriarcat souhaite nous réduire au silence, et bien commençons à parler et à nous organiser pour le renverser.
Notre programme complet et détaillé n’est pas encore terminé, mais nos grands axes de luttes si. Notre stratégie s’oriente vers la lutte concrète pour améliorer les conditions de vie immédiates des femmes. Notamment la lutte pour l’augmentation du SMIC, car ce sont les femmes qui ont les plus bas salaires. La lutte pour que l’école et l’éducation soient totalement gratuites, pour la prise en charge par la société des frais autour de la scolarité, mais aussi de la maternité car nous pensons que c’est une fonction sociale et qu’elle doit être socialement reconnue.
Nous ne voulons pas vivre plus mal sous prétexte que nous sommes mères et nous voulons que nos enfants aient des conditions dignes. Dans ce sens, nous luttons pour que tout le monde ait accès à des crèche, afin que chaque mère puisse participer à la production en travaillant mais aussi étudier. Nous pouvons aussi imaginer des groupes de production pour améliorer le quotidien des mères au foyer. Mais il n’y a pas que cela, car nous pensons que les femmes, comme tout le monde, ont le droit au bien-être. Aujourd’hui 20 millions de français ne partent pas en vacances, il faudra donc lutter pour que cela aussi soit pris en charge par l’Etat. Bien entendu, ce ne sont que des axes de luttes, des campagnes à venir ; le principal aujourd’hui c’est de comprendre la nécessité absolue de nous organiser politiquement pour nous défendre, parce que sans organisation il ne peut y avoir d’émancipation collective.
Nous sommes prêtes à assumer l’époque et à relever tous les défis. Nous le sentons toutes en nous, cette société nous réprime, nous conditionne à être ce qu’elle désire. Nous savons que les femmes organisées sont la plus grande peur des bourgeois. Nous sommes les filles des pétroleuses de 1871, des femmes de Germinal, des grandes luttes antifascistes, des femmes en armes durant la Résistance, nous sommes celles qui refusons d’être la caution de telle ou telle politique opportuniste.
Nous sentons en nous la furie millénaire des femmes opprimées, notre but est de réveiller cette furie et de la mettre au service de la plus grande épopée de l’humanité : celle de la Révolution Prolétarienne, seule à même d’émanciper les femmes !
Vive le Comité Féminin Populaire !
Vive la grande révolution prolétarienne !
Libérons la furie millénaire des femmes !