Nouvelle direction de la CGT : lutte des classes ou lutte des places ?

Fin mars, la CGT a organisé son 53ème congrès à Clermont-Ferrand. Au programme : un rejet historique du bilan du mandat de Martinez, de nombreux envahissements de tribune et l’élection de Sophie Binet à la tête du syndicat historique des travailleurs. Les fractures qui existent au sein de la CGT, connues depuis longtemps, sont particulièrement ressorties durant ce congrès. Au-delà d’un « simple » problème de ligne politique, c’est bien un problème de classe qui en ressort.

C’est un constat facile à dresser depuis des années : la direction de la CGT n’est pas à la hauteur, que ce soit à la hauteur de sa tâche, de son histoire, ou même de sa base syndicale. Une partie de celle-ci porte des revendications bien plus combatives que ce qui est écrit sur les tracts nationaux de la CGT depuis des années. C’est même Philippe Martinez, ancien secrétaire général, qui a affirmé (sans mandat !), en marge du congrès, approuver l’idée d’une « médiation » avec le gouvernement. De quoi énerver les 942 délégués réunis, qui se sont empressés de voter une motion plus performative qu’autre chose : « Il n’y aura ni médiation, ni compromis. » Pendant ce même congrès, le texte résumant le bilan de Martinez a été rejeté par 50,32 % des délégués. Chacun d’entre eux représentant des centaines voire des milliers de syndiqués, on estime que cet écart de voix représente 3000 personnes. Trois fois rien à l’échelle des 606 000 adhérents à la CGT (D’après les chiffres de la CGT en 2020). C’est historique : c’est la première fois qu’un tel bilan n’est pas approuvé. Mais il ne faut pas y voir un rejet total de la ligne Martinez et un revirement combatif de la CGT par le haut. Car le texte en question, ce n’était rien d’autre que Martinez qui se lance de fleurs sur son mandat, en particulier sur des questions comme la syndicalisation des jeunes, des femmes… Alors même que les avancées réelles de la CGT sont très moyennes. Les débats autour de ce bilan ont bien montré que ce n’était pas un rejet fondamental du mandat, mais une légère critique.

Pourtant, il y aurait de quoi : la CGT perd des milliers d’adhérents chaque année, des usines et des secteurs entiers n’ont pas entendu parler d’un syndicat depuis 20 ans…

41 % de cadres à la direction

Sans s’affirmer en rupture avec Martinez dans les médias, Sophie Binet dénote, affirmant très vite : « Il n’y aura pas de trêve, pas de médiation. » Élue avec 82 % des voix des 32 fédérations, face à la favorite de Martinez, Marie Buisson, elle n’a pas le choix : c’est ça ou perdre l’entièreté du soutien de la CGT. Mais on attend encore le durcissement des lignes portées par la Confédération, à l’approche du 5ème mois de mobilisation en France. Et on peut l’attendre longtemps. Car à se concentrer sur le problème de la faiblesse des revendications de la direction, on en oublie de chercher son origine. Lors de ce 53ème congrès, la Commission exécutive confédérale (CEC) a été renouvelée : c’est l’organe dirigeant de la CGT entre deux congrès. Elle est composée de 66 membres qui se réunissent en général une fois par mois. La sociologie de sa composition est très intéressante. Car dans la CEC de la CGT, syndicat historique des ouvriers, on retrouve… 41 % de cadres, pour seulement 9 % d’ouvriers. Des chiffres qui ne sont même pas à la hauteur de la proportion dans la population française, alors qu’on pourrait même espérer une sur-représentation ouvrière. C’est pire dans le bureau, composé de 10 membres parmi la CEC, parmi lesquels un seul ouvrier. Or c’est le bureau qui gère le syndicat au quotidien. La question de la classe est donc cruciale pour comprendre aujourd’hui les problèmes de la CGT : comment espérer des lignes prolétaires combatives, alors que la direction offre une sur-représentation à la classe bourgeoise ?

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