Brésil : le « Carnaval rouge » et la lutte pour la terre

Au Brésil, le Carnaval est une grande tradition populaire où les écoles de danse et artistes défilent dans toutes les villes du pays : une fête populaire connue dans le monde entier. Tous les ans, en parallèle des festivités, courant février et début mars, un autre type de célébration fait couler beaucoup d’encre : le « Carnaval rouge ». Ce dernier est organisé à l’appel du Front national de lutte, abrégé FNL, organisation paysanne du Brésil, qui lutte pour la redistribution des terres au même titre que la LCP (Ligue des paysans pauvres). Partout, des actions de saisies populaires des terres sont organisées par les paysans, luttant pour la redistribution de celles-ci dans une réforme agraire.

En mars 2022, le FNL avait organisé ces actions dans trois États du sud du Brésil (São Paulo, Mato Grosso do Sul, Paraná) ainsi qu’à la pointe est (Alagoas). 1400 familles (environ 5600 paysans) y ont pris part. C’est dans ce contexte que trois dirigeants du FNL, José Rainha, Luciano Lima et Cláudio Ribeiro Passos, avaient été arrêtés par les autorités. Depuis l’été 2022, le FNL lutte aussi contre la loi sur la régulation foncière adoptée sous le mandat de Jair Bolsonaro. Elle légalise les exploitations jusqu’alors illicites menées sur des « fronts pionniers[1] » par les grands propriétaires et bandits armés. La loi permet aussi à de nouveaux grands propriétaires d’accaparer des terres et de les privatiser légalement. Les communautés autochtones se voient donc privées de leur droit à gérer les terres communautaires. Ces conflits pour la souveraineté de la terre sont à l’origine de centaines de morts chaque année au Brésil, les grands propriétaires payant des bandits pour intimider ou liquider les paysans et autochtones s’opposant à l’accaparement.

Entre février et mars, le FNL a à nouveau organisé le Carnaval rouge. Lors d’une action près de São Paulo, le 18 février, des paysans sans terre participant au mouvement ont lâchement été attaqués par balle. En plus de tirer avec des armes à feu, les bandits s’en sont pris aux voitures des paysans, le tout main dans la main avec un fort dispositif policier (présence d’hélicoptères). La veille, le Parquet fédéral avait annoncé soutenir une suspension conservatoire de la loi sur la régulation foncière, à cause du « risque imminent de dommages sur l’environnement » et à la « possibilité de légaliser les propriétés acquises par des pratiques illégales ». Le FNL a aussi enregistré des attaques contre les occupations dans l’État du Paraná, où des policiers ont envahi un camp en tirant des balles en caoutchouc et en expulsant les familles du site. En essayant de négocier la situation, un avocat du mouvement a été arrêté et placé en détention.

Dans toute l’Amérique Latine, du Brésil au Mexique, la lutte pour la terre est une préoccupation centrale des masses opprimées. Les grands propriétaires rapaces se battent pour l’accès aux terres au sein d’un marché toujours plus féroce que se partagent les grandes entreprises impérialistes. Les grandes entreprises françaises n’y sont pas étrangères, étant au gré des saisons les 4ème ou 5ème investisseurs au Brésil.


[1] Politique de colonisation intérieure du Brésil via l’exploitation de vastes zones forestières.

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