Suite à l’exécution de Nahel la jeunesse des quartiers s’est embrasée. Depuis une semaine des affrontements contre la police ont éclaté de manière intense, le niveau de combativité de la jeunesse est à la hauteur du niveau d’ignominie des crimes de l’Etat français: destruction des quartiers, réduction des services publiques, abandon des programmes culturels, harcèlement policier allant jusqu’aux meurtres, insultes permanentes dans les médias des monopoles.
À Toulouse les quartiers du grand Mirail ont connu une réponse rapide suite à ce meurtre, le lendemain mercredi 28 juin en fin d’après midi plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans le but de défendre le quartier contre un déploiement policier. En sous-effectif la police a mis plusieurs heures à disperser la foule malgré l’utilisation de gaz lacrymogène et de LBD. Des barricades enflammées ont été déployées à Bagatelle, à Reynerie, des voitures enflammées ont été utilisées pour ralentir la progression de la police.
Lors des émeutes nous avons vu la jeunesse des masses les plus profondes partir à l’affrontement, des jeunes de 12-13 ans parfois. Leur quotidien c’est de vivre dans des quartiers continuellement détruits où toute vie associative culturelle et sportive est tenue à bout de bras par quelques habitants. D’être scolarisé dans des établissements où les professeurs et le personnel les considèrent comme des délinquants en puissance et cherchent à les pousser vers la sortie, où ils subissent parfois des remarques racistes. De savoir que leurs parents triment et ne gagnent pas grand chose. Lorsqu’ils allument la télé c’est pour entendre des gens les insulter et leur dire qu’ils n’ont pas leur place dans la société. Et dans les faits avec le chômage, les difficultés pour trouver un travail ou une formation, ce discours devient une réalité. De l’autre côté ils savent que la France est un pays riche qui mène des opérations militaires dans les pays d’origine d’une partie de leurs ancêtres.
L’assassinat de Nahel c’est leur assassinat à eux, et la rage accumulée et le dégoût d’une société aussi injuste, aussi cynique et corrompue a vu toutes les digues sauter. Ce qui a animé cette révolte est ce qui anime les opprimés depuis l’aube des temps contre leurs oppresseurs, et si c’est la jeunesse qui est montée en première ligne c’est parce qu’elle réalise l’avenir qui l’attend et refuse de l’accepter. Il faut énormement de bravoure pour se placer face à une formation de flics qui tire au LBD et utilise des armes chimiques, des armes de guerre.
Jusque tard dans la nuit les jeunes du Mirail ont résisté aux assauts policiers, s’organisant pour les harceler, les prendre à revers, leur tendre des embuscades dans les parcs. Les jeunes ont la plupart du temps décidé de ne pas cibler les pompiers et de les laisser passer. Le chantier situé à Reynerie a été dépouillé et les engins incendiés, y compris la grue. Au delà du décompte des destructions de voitures ou de magasins, il faut voir l’aspect politique.
Ces émeutes contrairement à 2005 ont été plus intenses et ce dès le début, et beaucoup plus courtes dans le temps. Les quartiers ne sont pas restés isolés, dès le premier jour les activistes politiques ont été appelé par les jeunes du Mirail via Instagram, qui leur ont dit clairement une fois sur place: « si vous êtes là c’est pour vous battre, sinon barrez vous ». Malgré une participation importante mercredi, le deuxième jour leur nombre a fondu comme neige au soleil, le niveau était trop élevé et les affrontements n’étaient pas ceux d’une manifestation où la foule protège. La société civile a organisé des rassemblements contre les violences policières dans les centre ville, d’anciens Gilets Jaunes sont venus dans les quartiers, même en faible nombre, cela montre que la rupture organisée par l’Etat entre les masses les plus opprimées et les « couches moyennes » de la population tend à disparaitre et non à se renforcer. Le besoin exprimé par les masses pour la justice, pour la dignité est partout le même.
Le plus notable est la participation de révolutionnaires organisés qui ont lutté coude à coude avec la jeunesse des quartiers, qui sont restés pour se battre plusieurs soirs de suite, apportant leur expérience des dispositifs policiers et particpant à galvaniser les révoltés. Les plus jeunes, impressionnés par les pluies de gaz et les déploiement de CRS, ont souvent eu tendance à s’affoler. Mais les moins jeunes ayant l’expérience des émeutes de 2018 et les révolutionnaires ont contribué à tenir les rangs, à organiser la surveillance des rues adjacentes, à donner des consignes pour avancer ou reculer. La logistique a été organisée pour fournir les premières lignes en mortiers (feux d’artifices) avec des personnes dédiées à cette tâche. Depuis le haut des immeubles des guetteurs, jeunes hommes et aussi jeunes femmes, indiquaient le déplacement des forces de police permettant aux révoltés de ne pas être pris à revers. Plusieurs fois des groupes de CRS se sont retrouvés isolés et pris en embuscade la nuit depuis les parcs qui se trouvent dans les grands espaces entre les immeubles, les obligeant à se replier pour ne pas être débordés. Les batailles pour défendre le quartier ont contribué à forger une jeunesse combative qui a éprouvé sa bravoure dans l’affrontement sous les tirs de lacrimo et de grenades de désencerclement. Dans ces affrontements où les révoltés ont obligé la police à s’enfoncer dans les quartiers, des techniques de guérilla même très sommaires ont été employées, tirant profit de la connaissance du terrain et des passages dans les bâtiments pour se disperser et se regrouper, attirer la police dans une situation défavorable où la supériorité de l’équipement et de sa formation ne lui ont servi à rien. Durant toutes les nuits d’émeutes les forces de répression ont été dépassées, usées, désordonnées par des garçons d’une quinzaine d’années, c’est une véritable humiliation pour les forces de police.
Cette situation est celle de la crise de fin de vie du capitalisme. Les illusions pseudo-démocratiques se dissipent et la colère est montée d’un cran, la crise politique qui se dessine n’est pas une crise au sein des masses, mais une crise entre les masses et ceux qui sont au pouvoir. En France comme l’expliquait Marx il y a plus de 150 ans, il y a deux nations, celle de la bourgeoisie qui est au pouvoir, et celle des masses, dans le fond la situation n’a pas tellement changé depuis 1848 et la crise violente que nous allons traverser sera résolue par l’organisation des opprimés contre les oppresseurs pour la conquête du pouvoir.