Champigny-sur-Marne : Répression d’un rassemblement contre les violences policières

Le vendredi 30 juin, trois jours après l’assassinat de Nahel par la police, les militants révolutionnaires de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne, banlieue parisienne) ont appelé à travers le Comité de lutte local à un rassemblement devant la mairie de la ville, pour dénoncer la violence exercée par la police depuis des années dans les banlieues, mais aussi pour dénoncer la réactionnarisation de l’État Français visible de jour en jour.

Un correspondant de Nouvelle Époque était présent lors du rassemblement.

Le rassemblement s’est tenu à 20 h devant la mairie. Une heure avant le début de l’évènement, le préfet du Val de Marne a publié un communiqué via Twitter annonçant l’interdiction du rassemblement à cause du « risque de débordements » lié au contexte social. Il ne s’agit ici que d’un prétexte pour empêcher l’exercice du droit de se rassembler, pour empêcher l’expression d’une juste colère. Interdire un rassemblement n’est pas un geste anodin : au quotidien on évoque les banlieues comme des espaces dépolitisés voir « ensauvagés », incapable de produire des revendications politiques. Or, que ce passe-t-il dans la réalité ? C’est l’État qui empêche l’organisation d’événements populaires au cours desquels la jeunesse et l’ensemble de la classe pourraient s’exprimer librement. En effet, l’État et leurs laquais locaux craignent la jeunesse des quartiers populaires car ils connaissent sa capacité à se soulever.

Malgré l’interdiction, les militants décident de maintenir le rassemblement, c’est un acte politique important de montrer que le pouvoir de l’État bourgeois n’est pas tout-puissant, et que ses multiples exactions entraînent une résistance effective. Maintenir le rassemblement, c’est aussi dénoncer les attaques contre les banlieues et le prolétariat, et montrer que notre classe est en mesure de s’organiser et de passer outre ces interdictions comme nous l’avons toujours fait dans l’Histoire.

A 20 h, une trentaine d’habitants se rassemblent alors. Se réunissent militants associatifs, syndicalistes, révolutionnaires et habitants du quartier. Cette trentaine d’habitants font face à une quinzaine de policiers, armés notamment de LBD. Autour de cette troupe de flics gravitent des individus qui essaient alors de prendre en photo les participants du rassemblement et qui pointent du doigts notamment les militants de la Ligue de la Jeunesse Révolutionnaire (LJR). Ces flics infiltrés sont rapidement identifiés, ce qui démontre l’hypocrisie absolue du gouvernement, qui derrière ses grands discours sur la liberté d’association, de manifester et de s’exprimer, fiche ouvertement les militants et habitants qui le gênent.

Le rassemblement n’a même pas débuté que des agents de police s’empressent d’essayer d’intimider les habitants déclarant que le « rassemblement est interdit » que « on a de la chance que le préfet n’aie pas demandé à disperser le rassemblement par la force », un des flics révélant même publiquement l’identité d’une des militantes associatives présente. Toutes ces manœuvres n’ont qu’un but : semer la peur et ainsi empêcher toutes les contestations.


Néanmoins malgré toutes ces menaces, la trentaine d’habitants rassemblés pour exiger la justice pour Nahel ont décidé collectivement de poursuivre le rassemblement 100 mètres plus loin, jouant avec le périmètre limité de l’arrêté préfectoral et le rendant caduque.

Arrêté de la préfecture du Val-de-Marne (94)


Une fois déplacés, les divers participants réalisèrent plusieurs prises de parole dénonçant la violence de la police, chiens de garde de la bourgeoisie et des réactionnaires de tous bords, qui se sont empressés sur les plateaux télés de salir la mémoire d’un jeune de 17 ans lâchement exécuté par la flicaille.

Groupes de flics intimidant les personnes rassemblées, ils discutent sur cette photo avec un indic
Une partie des personnes rassemblées dénonce les intimidations et l’interdiction de se rassembler

Ce changement de lieu n’arrêta pas les forces de police, qui continuèrent de suivre le rassemblement, se rapprochant progressivement et en plus grand nombre. Après que le ton soit monté, les forces de police ont indiqué que tous les rassemblements sont interdits et que leur mandat leur permettait de suivre les manifestants n’importe où : « même si vous allez à l’autre bout du département on sera là pour vous empêcher de gueuler vos conneries ». Cela nous montre bien que le décret très officiel d’un préfet ne représente finalement pas grand-chose, car bien que ce rassemblement échappait aux closes d’interdiction définies par le représentant de l’État, cela n’a pas empêché la police de faire ce qu’ils veulent, illustrant le fameux mythe de la séparation des pouvoirs. En réalité, le marxisme et notre vécu de classe nous montre bien qu’il n’y a pas de séparation réelle des pouvoirs, le gouvernement et donc la bourgeoisie imposant leur domination illégitime sur les vastes masses ; et qu’en temps de crise les lois ne s’appliquent pas.

Toujours déterminés à exercer leurs droits et maintenir avec fermeté ce rassemblement, les habitants rassemblés ont décidé de se rendre à la maison des syndicats afin de s’y rassembler sans être harcelés par la police.

Ce déplacement a permis de transformer le rassemblement en manifestation, au cours de laquelle des slogans tels que « justice pour Nahel » « police nationale, milice du capitale », ou encore « tout le monde déteste la police », ont été clamés. Un autre slogan notable a résonné : celui de « PCF traîtres », lancé par des manifestants combatifs lors du passage de la petite manifestation devant le local de cette organisation.

Le Parti  »Communiste » Français (P »C »F) de Champigny a en effet une histoire riche. Champigny, c’était un des cœurs du glorieux Parti Communiste, un des bastions historiques de la banlieue rouge. Mais avec la trahison, c’est devenu la ville de Georges Marchais (célèbre révisionniste et grand réactionnaire, à la tête du P«C»F dans les années 70-80). Il y a 20 ans, cette section « historique » comptait environ 1 500 adhérents et était dotée d’immenses ressources financières, dont un local de 600 m² et plusieurs permanents. Depuis, à force de clientélisme, d’opportunisme généralisé, voire, selon certaines rumeurs, de corruption, le P«C»F a perdu la ville en 2020. Il tente aujourd’hui de la récupérer à travers des actions sporadiques de charité, montrant son électoralisme crasse.


Alors que l’assassinat de Nahel a déchaîné la haine de classe des masses prolétaires révoltées, le secrétaire de la section de Champigny du P«C»F, Julien Léger, a appelé à ne pas participer à ce rassemblement. Aucune raison n’est réellement donnée, mais il est clair que le P »C »F – à travers son dirigeant réactionnaire Fabien Roussel, qui se démarque par son profond opportunisme dénoncé même par la bourgeoisie « de gauche » -, a tout fait pour ne pas « se salir » pendant ce mouvement en dénonçant du bout des lèvres le meurtre de Nahel. « Se salir » aux yeux de ses amis bourgeois, bien sûr. Cela démontre à nouveau leur profonde servitude à la bourgeoisie qui a très bien compris que le P »C »F ne représentait plus aucune menace pour leurs intérêts, et ce depuis bien longtemps.

Ainsi, l’absence du P«C»F à ce rassemblement, comme à de nombreux autres à travers la France, s’inscrit comme une énième trahison envers le peuple, un parti dirigé aussi bien localement que nationalement par les pires escrocs de la politique.

C’est à moins de cinquante mètres de la maison des syndicats que la police finit par arrêter la manifestation. Certains agents essayent d’interpeller des militants révolutionnaires sur le bord de la marche, ces derniers réussissant d’extrême justesse à rentrer dans le cortège pour leur échapper. Au total, ce n’est pas moins de 6 fourgons de polices, 6 motos de la BRAV-M et plusieurs équipes à pied totalisant environ 50 policiers qui ont encerclé le rassemblement, composé essentiellement de mères de familles et de retraités.

Cette vaste troupe a été accueillie par les rires et moqueries des habitants présents, stupéfaits mais déterminés à tenir tête face à ce déploiement en apparence largement disproportionné et inutile.

Les menaces et intimidations ont repris avec des contrôles d’identités, des menaces d’interpellations et évidemment des menaces d’ordre économique, comprenant des amendes démesurées. C’est encore plus parlant que le cortège a été arrêté aux portes de la maison des syndicats ! Si le dispositif n’était pas intervenu, le rassemblement, qui n’avait rien d’une menace, se serait dispersé de lui-même vraisemblablement rapidement.

Cette manœuvre a attiré l’attention sur le rassemblement, poussant des jeunes des quartiers voisins à se regrouper et à s’interroger sur les ressorts justifiants le déploiement d’un tel dispositif.

Après quelques minutes d’échanges tendus, les manifestants ont décidé de se disperser comme prévu initialement.

Ce rassemblement est une immense réussite et une victoire pour les militants présents. En effet, il fut l’occasion de dénoncer l’exécution de Nahel avec force, mais aussi de résister et d’affronter la répression politique exercée par les bien-nommées « forces de l’ordre » (bourgeois), et de dénoncer l’opportunisme de partis comme le P«C»F !

Dans sa volonté aveugle de réprimer toutes contestations, le préfet du Val-de-Marne, au lieu d’autoriser un rassemblement, l’a fait gonfler et a permis son développement en une manifestation spontanée en l’interdisant, ce qui lui a permis de prendre en visibilité. Le préfet est très largement perdant, encore plus finalement que s’il avait autorisé le rassemblement.

La célèbre maxime du Président Mao, « Partout où il y a oppression, il y a résistance », a pris tout son sens et révélé toute sa justesse au cours de ce mouvement. Nous avons en effet assisté à des milliers d’actes de résistances face à la violence de la classe bourgeoise au cours de ce mouvement de révolte, à des degrés différents, et posant la question de la violence, le seul moyen de transformer en profondeur et de façon pérenne la société.

Ce rassemblement à Champigny s’inscrit en cela, malgré sa petite taille, dans ce vaste mouvement de révolte qui a secoué le pays.