Les correspondants locaux de Nouvelle Epoque ont demandé aux militants propalestiniens de la ville de Toulouse de nous fournir une rétrospective des diverses actions qu’ils ont mené depuis le 7 octobre. Voici le récit de Nathan, militant révolutionnaire toulousain.
Nathan : « Tout d’abord, merci à Nouvelle Epoque de nous donner la parole et d’aider à propager partout la juste lutte du peuple palestinien. Je salue le travail de votre journal et son engagement sans faille pour défendre la liberté de la Palestine et son juste droit à la Résistance.
Pour ma part, je suis militant à la Ligue de la Jeunesse Révolutionnaire (LJR). Nous avons participé à créer, avec d’autres forces, le Comité Gaza Libre (CGL), qui est actif au sein des quartiers prolétaires du Mirail, et le Comité de Soutien à la Palestine (CSP), qui regroupe plutôt les militants et forces démocratiques. Depuis le 7 octobre, nous organisons des activités politiques pour soutenir la Palestine au quartier du Mirail, d’abord avec la Ligue puis avec le CGL et le CSP, mais ce ne sont pas les premières choses que nous faisons pour défendre la lutte en Palestine.
Cet été nous avons été là : en juillet, nous avons organisé un goûter populaire pour la Palestine en plein centre du quartier de la Reynerie, qui a permis de récolter des fonds pour une association sur place, l’association Tanweer. L’événement a été très bien reçu par les habitants, une boulangère de la place Abbal nous a même apporté des pâtisseries gratuitement pour l’événement, et une habitante qui participe à l’assemblée hebdomadaire contre les destructions d’immeubles nous a aidé à financer la nourriture.
Durant la fin de l’été, en septembre, nous avons continué la campagne pour l’association Tanweer, en posant une table hebdomadaire au marché de la Reynerie et quelques fois à la fac du Mirail. On a aussi accroché de nombreuses banderoles pour soutenir le combat de la résistance palestinienne et dénoncer l’enfermement depuis 40 ans de Georges Abdallah, communiste libanais combattant pour la Palestine.
Le 7 octobre, nous avons réalisé l’ampleur de l’offensive de la résistance palestinienne et son importance dans la lutte anti-impérialiste. Très rapidement, des graffitis, affiches et banderoles ont fleuri dans le sud-ouest de la ville, dont le Mirail, célébrant le fait que le peuple palestinien a relevé la tête malgré les 75 ans d’oppression. Nous avons aussi réalisé que la riposte de l’entité sioniste n’allait pas se faire attendre, et qu’elle serait d’une violence inouïe. C’est pourquoi le mardi qui a suivi, nous avons organisé une assemblée générale à la fac du Mirail pour commencer à créer une organisation concrète qui regroupe celles et ceux voulant lutter pour la Palestine.
Un mail a été envoyé à toutes les organisations de Toulouse, appelant à une assemblée générale à la faculté du Mirail, pour construire un cadre unitaire pour défendre la Palestine contre le génocide et pour sa liberté nationale, ce qui est devenu par la suite le Comité Gaza Libre. Le jour J, aucune organisation n’a fait suite à notre appel. Des militants sincères ont accepté de nous prêter une sono, mais sans participer ou même passer à l’AG, et d’autres ont tenté un coup d’éclat en nous accusant de soutien à « l’extrême droite » (en parlant de la Résistance Palestinienne, notamment du Hamas) ; ce à quoi les masses présentes ont répondu que « dans tous les cas ils font partie de la résistance donc on doit les soutenir ». Une trentaine de personnes étaient présentes à cette réunion, où ont été définies des premières actions d’affichages, et un tract pour participer à une deuxième réunion.
Quelques temps après, un rassemblement en soutien à la Palestine devait se tenir en ville le 12 octobre, mais il a été annulé par les organisateurs eux-mêmes, qui se sont couchés devant les interdictions de la préfecture. Le CGL, dont des membres de la LJR venant des quartiers populaires de Toulouse, non seulement y est allé, mais a chanté, hissé le drapeau Palestinien, même si une des personnes présentes a été mis en garde à vue pour une nuit et que nos poumons en ont pris pour leur grade. C’était important, car beaucoup de personnes des masses, principalement des jeunes femmes, y étaient. Nous avons porté la combativité, et montré qu’il y a une organisation politique qui sera toujours du côté des opprimés et de ceux qui osent se révolter malgré les menaces.
Deux jours après, le samedi 14, le CGL organisait un rassemblement à Bellefontaine (NDLR : quartier populaire faisant partie du Grand-Mirail, adjacent au quartier de la Reynerie), devant le métro. Là encore, la préfecture nous a menacé d’envoyer des drones et de tout faire pour que le rassemblement n’ait pas lieu, mais ces menaces n’étaient que de la poudre aux yeux. Ils pensaient sûrement que nous étions de ceux qui capitulent facilement face à la répression. Ce rassemblement s’est tenu et a réuni 30 personnes, ce qui est effectivement peu : mais comme je l’expliquerai ensuite, les bases ont été posées à ce moment là avec les gens présents, pour le futur, pour le Comité Gaza Libre.
Nous avons alors décidé, entre participants, la tenue d’une manifestation le 21 octobre à 18h à la Reynerie. Des personnes se sont aussi proposées, dans le cadre de la manifestation contre l’A69, de distribuer un tract liant la Palestine et ce projet anti écologique et anti démocratique et d’avoir des drapeaux palestiniens.
Un rassemblement a ensuite eu lieu à la fac le 18 octobre : 400 personnes étaient rassemblées, appelée par plusieurs organisations politiques toulousaines. C’était une très bonne chose ; par contre, les organisateurs n’ont pas jugé nécessaire de se lier avec le Comité Gaza Libre existant en amont, et le CGL a même été interdit de parole par les personnes en charge du microphone, car « ce n’était pas prévu » ! Effectivement, difficile de prévoir une prise de parole du seul Comité unitaire créé dès le 7 octobre, s’il n’a pas pu prendre part aux préparatifs ! En réalité, certains avaient peur d’assumer des positions claires, qui consistent pourtant simplement en un soutien inconditionnel à Résistance Palestinienne qui restera toujours plus progressiste que toutes les personnes s’opposant à elle, ou tout simplement plus progressiste que le sionisme car elle porte la rébellion face à une des formes de fascisme les plus sales qui existe. A la suite de ce rassemblement, le Comité de Soutien à la Palestine a été créé, regroupant une bonne partie des militants politiques de la ville sur des bases larges ; évidemment le CGL y a pris part avec ferveur, malgré les problèmes et l’inaction depuis le 7 octobre de certains.
Le 21 octobre, la première manifestation menée par le CGL a eu lieu, et elle a rassemblé une centaine de personnes, surtout des familles et personnes du quartier, ce qui en fait une réussite politique. Nous avons défilé jusqu’à la fac du Mirail, puis jusqu’à la « Place Tel Aviv », que nous avons symboliquement renommé place Yaffa (le nom originel de Tel Aviv), avant de revenir à la Reynerie.
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Avant les prochaines actions, une deuxième manifestation en centre-ville a une nouvelle fois été appelée par des organisations… qui n’y sont pas allé. Nous y sommes allés, avec une banderole sur laquelle était écrit « de Toulouse à Gaza, vive l’unité de la Résistance » et malgré les menaces policières, nous avons défilé et défié l’ordre sioniste que les autorités toulousaines essayaient de mettre en place dans la ville, tentant d’écraser toute contestation.
Dans les jours qui ont suivi, plusieurs actions ont eu lieu en centre-ville : une manifestation où une cinquantaine de personnes a pris des amendes tandis que les organisateurs étaient bien au chaud ; une action contre le McDonald’s de la Place du Capitole a été réalisée ; enfin, des militants ont réalisé une action « happening » où ils se sont couverts de sang au métro Capitole pour dénoncer les crimes envers les enfants et femmes de Palestine.
Le 28 octobre fut une journée chargée, car nous avons participé à organiser la deuxième manifestation à la Reynerie, qui était aussi interdite. Le soir, nous étions 150 à 200 personnes, et nous avons défilé dans les quartiers de Reynerie et Bellefontaine. Nous avons renommé la Place « Tel-Aviv », cette fois-ci avec des plaques officielles. Cette fois, des personnes du « milieu militant », brisant avec l’opportunisme, sont venues et ont participé à la manifestation, ce qui marque une évolution : des militants ont dû venir au sein du quartier et y porter de la politique, ce qui n’est plus le cas depuis bien longtemps. Toutefois, aucune communication officielle n’a été faite sur la manifestation par ces militants présents, alors même que leurs réseaux sociaux couvrent très bien la plupart des luttes.
Le 2 novembre a eu lieu le premier rassemblement autorisé pour la Palestine, en centre-ville. Celui-ci était organisé par les syndicats, sous le mot d’ordre « pour une paix juste et égale » ! Une espèce de « ni-ni », une prise de position pleine de mollesse et complaisante avec les sionistes, allant même contre la base syndicale qui pour une partie est très claire sur cette question ! Ce qu’il faut voir, c’est que les directions syndicales ont été forcées de se positionner d’une manière ou d’une autre, et l’ont fait sans se mouiller. Les masses présentes, spontanément, ne sont pas allé dans le cortège syndical composé de quelques personnes, et ont crié tout le long des chants honorant le peuple palestinien et sa résistance. Parmi nous, nous avons des camarades travailleurs, syndicalistes dans la CGT, pour certains depuis longtemps, et qui ont été très déçus de ce genre de prise de position. Il existe une distinction qui ne devrait pas être entre le syndicat et le quartier, et notre rôle est de la faire disparaître comme cela était le cas dans le passé ; notre classe est unique malgré ses diverses facettes apparentes.
Samedi 4 novembre a eu lieu, sur la base du rassemblement précédent, une manifestation autorisée en centre-ville, et l’écart constaté le jeudi fut encore plus grand, et se creusera encore plus au fil et à mesure du temps. En effet, le cortège syndical était composé d’une fine bande de 50 personnes, pendant que le cortège du Comité de Soutien à la Palestine, qui s’est créé suite au rassemblement à la fac du 18 octobre, à rassemblé 2 000 personnes. Dans ce cortège, lorsque les temps de battements entre les « TAHIA TAHIA FALASTIN » ou les « Vive la lutte du peuple palestinien » laissaient entendre les autres bruits de la rue, on pouvait entendre des slogans du type « Ni Likoud ni Hamas », totalement déconnectés de la réalité.
La manifestation du 8 novembre à la Reynerie rassembla entre 200 et 250 personnes, avec une présence là encore de beaucoup de gens du quartier, mais aussi, fait nouveau, de personnes du Comité de Soutien à la Palestine, d’étudiants et de groupes antifascistes comme l’Offensive Révolutionnaire Antifasciste (ORA) ou le Collectif populaire contre l’extrême droite (CPCED), ces derniers ont ramené leur drapeau en plus de celui d’une militante de Boycott Désinvestissement Sanction (BDS) qui elle vit dans le quartier. En quelque sorte, les autres groupes militants ont été « forcés » par les faits d’amener de la politique dans le quartier, ce qui est une bonne chose.
Le vendredi suivant s’est tenue une action de boycott contre Carrefour, campagne que le CSP porte : en effet l’entreprise impérialiste a distribué des colis alimentaires aux colons israéliens et aide à l’installation des colonies en Cisjordanie. L’action s’est déroulée dans un grand magasin Carrefour de l’ouest de Toulouse : nous avons distribué des tracts aux personnes présentes, déployé une banderole et crié fort pour dénoncer l’entreprise. Nous sommes restés une trentaine de minutes avant de partir suite à l’action des forces de police.
Le samedi 11 novembre, une manifestation de centre-ville s’est déroulée de la même façon que la semaine d’avant, et l’écart fut encore plus grand entre le cortège syndical mou et le cortège des masses avec la Palestine.
Le 17 novembre, deux actions ont eu lieu dans le quartier des Izards, un quartier populaire du nord de la ville. Une nouvelle action de boycott de Carrefour, où des habitants ont commencé à manifester avec nous, ce qui démontre l’importance de l’implication des masses dans les actions de boycott pour la Palestine. Ensuite, nous sommes partis à une veillée pour les victimes de Gaza, où nous avons pu voir des personnes militant à BDS et habitant le quartier du Mirail, qui se réjouissaient de l’organisation d’une nouvelle manifestation à la Reynerie par le CGL.
La manifestation du samedi 18 au matin, en centre-ville, s’est déroulée sur le même schéma que les autres manifestations du samedi matin, avec encore moins de personnes au sein du cortège syndical…
Durant cette semaine, le CGL était mobilisé à fond pour diffuser et afficher, car nous organisions une nouvelle manifestation le samedi 25, au cœur du Mirail. Le Comité Vérité et Justice 31, qui a organisé la solidarité avec les réprimés des Grands Soulèvements de Juin, a communiqué sur la manifestation, ce qui était extrêmement important pour nous.
La manif en centre-ville du jeudi 23 au soir fut le point d’orgue de la contradiction entre les syndicats actuels et les masses dans le moment actuel. En effet, le cortège syndical était minuscule : 10 personnes ! Certains se demandaient même ce qu’ils faisaient ici, alors que le cortège de derrière était déterminé et combatif. Au lieu de renforcer le syndicat, cela ne fait que le détacher toujours plus du peuple, et le détruit à petit feu. A la fin de la manifestation, un classique rappel des prochains rendez-vous a eu lieu, fait par des organisations politiques. Malencontreusement, ceux-ci ont « oublié » de mentionner la manifestation organisée à la Reynerie dans 2 jours, utilisant la juste manifestation contre les violences sexistes et sexuelles pour noyer le poisson. Il a fallu qu’un des membres du CGL vienne le rappeler pour que cela soit dit. Dans la foule, des gens se sont posé la question de pourquoi ils ne l’ont pas dit alors qu’un tract a circulé dans toute la manifestation pour l’annoncer. Une manifestante des masses qui se trouvait devant un camarade a dit à son ami : « Ah ouais, ils voulaient pas parler du quartier (rires) ».
Le vendredi 24 a eu lieu une nouvelle action de boycott contre Carrefour, cette fois-ci dans le faubourg de Saint-Michel, quartier assez cosmopolite. Elle n’a pas duré bien longtemps, car la direction a pris peur immédiatement et a directement fermé les grilles, enfermant les clients à l’intérieur. Cela ne nous a pas empêché de taper fort sur la grille en criant, avant que les flics ne viennent intervenir.
Samedi 25, lors de la manifestation contre les violences sexistes et sexuelles à 14h en ville, un cortège pour la Palestine a défilé, avec deux mots d’ordres : « Soutien à la Résistance des Femmes Palestiniennes » et « Féministes et LGBTI+ contre le massacre à Gaza« , décidés par le CSP, qui illustrent la lutte de conceptions politiques qui a lieu dans le Comité de Soutien.
Au quartier, le soir à 17h, nous étions plus nombreux que les autres fois, environ 350 personnes. Le « Collectif Palestine Vaincra » et le « Comité Vérité et Justice » ont pris la parole, le premier pour rappeler le fait qu’on se mobilise pour manifester notre joie quant à la victoire que fut la libération de prisonniers palestiniens, et l’autre pour rappeler que notre lutte s’inscrit dans les luttes anti coloniales et anti impérialistes, et dans celle que les quartiers mènent contre la bourgeoisie et ses idéologies réactionnaires : racisme et colonialisme, soulèvements de juin, etc. Au-delà de ces deux organisations, le « Nouveau Parti Anticapitaliste » (organisation sous le joug d’une enquête pour apologie du terrorisme), le « Collectif Toulouse Anti CRA » ou encore « Toulouse contre Darmanin » étaient présents, ce qui démontre le lien entre la Palestine et toutes les luttes anti impérialistes et de défense des masses populaires. Sur l’anti-impérialisme, un point a été fait sur la situation au Congo par des membres du CGL, situation causée par l’impérialisme US qui monte des groupes armés dans la région contrôlés depuis le Rwanda, pour profiter des ressources naturelles de la région, utiles pour produire des smartphones et autres éléments électroniques. Deux choses sont à noter : premièrement, de nombreuses forces démocratiques, des militants politiques de la ville se sont rendus à cette manifestation, brisant avec les semaines précédentes et leurs refus de venir dans le quartier. Un lien a été fait entre ce « milieu » et les masses, et c’est une très bonne chose qu’il faut célébrer malgré tout. Deuxièmement, et c’est le plus important, les masses étaient toujours plus nombreuses et combatives, l’émotion était grande notamment à la fin la manifestation où des discours ont été faits par les masses et les membres du CGL. Entre habitants du quartier, nous avons fait résonner les slogans entre les tours d’immeubles et les véhicules de police.
Pendant que nous défilions fièrement avec les masses du Mirail au sein des barres de Reynerie et de Bellefontaine, des milices fascistes se faisaient casser la gueule par les masses populaires de Romans-sur-Isère, en tentant une attaque militaire contre un quartier prolétaire, prouvant encore notre adage : la société de demain viendra de nos quartiers. D’ailleurs, lors de la manifestation à la Reynerie, quand un militant politique vient au mégaphone pour avertir les gens de la présence de fascistes en centre-ville, une femme du quartier répond immédiatement : « Alors on reste dans notre Mirail ! », signifiant avec profondeur le rôle stratégique des quartiers pour la Révolution, en quelques mots simples.
Nous continuons à nous investir dans le Comité de Soutien à la Palestine, et nous allons continuer à participer à la Campagne de Boycott de Carrefour, à organiser la solidarité avec la Palestine, tout en luttant contre l’opportunisme, c’est seulement comme cela que nous sommes des réels appuis à la Résistance là-bas.
Merci encore à Nouvelle Epoque pour cette tribune. Je souhaite un grand développement au journalisme révolutionnaire et à tous ceux qui effectuent ce travail de longue haleine. La lutte pour la Palestine ne mourra jamais, et ne fera que s’intensifier, par vagues, jusqu’à la victoire totale ! Palestine résiste, Palestine triomphera !«
Ces propos n’engagent que leurs auteurs.