De possibles ressemblances avec la situation actuelle seraient purement fortuites…
Les évènements de mai-juin 1968 ne sont pas le fruit d’une lutte étudiante spontanée, pour une soi-disant libération des moeurs. C’est le fruit de la maturation d’une intense lutte des classes, d’une intense lutte qui prend son essor au niveau mondial et qui politise, en France, la jeunesse ouvrière et étudiante. En paticulier, c’est le prisme de l’anti-impérialisme qui politise la jeunesse, avec la guerre d’Algérie puis la guerre du Vietnam, mais aussi la résistance en Palestine, qui mène à la création de l’OLP, à l’époque révolutionnaire, le 28 mai 1968, dans la foulée des évènements en France.
Tout le milieu révolutionnaire s’est construit dans la lutte contre la colonisation et pour la victoire de l’Algérie. En effet, les masses algériennes, les militants révolutionnaires, voyaient dans l’impérialisme et la lutte des peuples opprimées la contradiction principale de leur époque. C’est une chose capitale, car la lutte pour l’Algérie indépendante forge la conscience de la génération de militants pro-Vietnam. En 1965, trois ans après la fin de la guerre d’indépendance Algérienne, avec son mot d’ordre : « un seul héros : le peuple », les USA interviennent au Vietnam contre le gouvernement du Nord Vietnam, pour maintenir le régime colonial du Sud-Viet Nâm.
Rapidement, les images des atrocités font le tour du monde. De nombreuses manifestations éclatent, partout dans le monde. L’une des plus grandes, aux Etats Unis, est un tournant dans la politisation de nombreux groupes de gauche, et participe à l’essor de groupes comme le Black Panther Party, le Red Power (groupe amérindien), et bien d’autres. En France, les Comités Vietnam National sont crées par la Jeunesse Communiste Révolutionnaire, un groupe trotskyste. Son mot d’ordre est « paix au vietnam ». Peu de temps après sont constitués les « Comités Vietnam de Base », actifs dans les quartiers populaires, en particulier ceux politisés par la guerre d’Algérie et par la situation en Palestine. Ces comités ont un autre mot d’ordre : « Victoire pour le Vietnam » ! Voilà ce qu’écrivent les responsables du CVB au congrès de mars 1968 :
« En dépit du développement victorieux de la guerre du peuple vietnamien, personne ne popularisait cette guerre du peuple. Personne ne diffusait les positions politiques qui fondent le combat du peuple vietnamien.
Personne n’expliquait les raisons profondes de ces victoires, ni les conséquences de ces victoires pour tous les peuples du monde. »
Car le 30 janvier 1968 à lieu l’offensive du Têt. L’occident dénonce les barbares asiatiques, communistes, assoifés de sang, déversant les pires torrents de boue contre le Viet-Minh (la Résistance pour l’indépendance du Vietnam). Cette offensive brise l’image des Etats Unis et de leur régime fantôche invincible. Au contraire : de simples ouvriers et paysans font trembler la première puissance mondiale, la mettent en déroute et marchent sur la capitale du régime colonial, Hanoï ! En France, seul le CVB comprend l’immense importance de ces victoires du Front de Libération du Vietnam. Le CVB dénonce ceux qui vont :
« De défilés en cortèges, de cortèges en promenades de pétitions en signatures, d’appels à verser quelques larmes et quelques pull-overs en pleurnicheries honteuses tendant à fairte passer le peuple vietnamien héroïque et combattant pour un peuple martyr, un « pauvre » peuple ne survivant aux coups furieux de l’invincible machine de guerre U.S que par le « miracle » d’on ne sait quel stoïcisme asiatique et de l’aide matérielle de pays amis ; de protestations chevrotantes contre l’agression en bêlements apeurés en faveur de la paix, de n’importe quelle paix, de la paix à tout prix : américaine, divine ou négociée, pourvu que ce soit une paix, bref : de mal en pis, la lutte anti-impérialiste, le soutien politique au peuple vietnamien, avant-garde des peuples en lutte pour leur libération, sombrait dans un marais de confusion, de falsification et de démobilisation où tous ceux qui, spontanément, voulaient apporter leurs forces dans un combat véritablement anti-impérialiste, pour le soutien réel aux peuples opprimés ne trouvaient qu’écoeurement et lassitude. »
Au contraire, les jeunes de l’Union des Jeunesses Communistes (Marxiste-Léniniste), engagés dans le CVB, prônent :
« La solidarité totale, le soutien absolu aux principes politiques, aux objectifs et aux méthodes de lutte du peuple vietnamien, tels qu’ils sont exprimés en particulier dans les Cinq Points du Front National de Libération du Sud Vietnam, dans les Quatre Points de la République Démocratique du Vietnam, dans le Programme Politique du Front National de Libération. […]
Nous avons toujours placé au premier plan notre confiance en la victoire finale du peuple vietnamien, notre mot d’ordre fondamental : FNL VAINCRA l’exprime clairement. »
Finalement, c’est l’affrontement entre fascistes pro-USA et militants combatifs des CVB qui déclenche mai 68. Suite à une opération « coup de poing » contre une exposition pro américaine, la répression frappe certains étudiants. Ces derniers se réfugient à la Sorbonne, qui est assiégée. Plusieurs centaines d’étudiants sont alors arrêtés… l’émeute éclate. Nous sommes le premier mai 1968.
Tout cela rappelle clairement que les révolutionnaires ne peuvent se contenter de mots d’ordre vides par peur d’assumer les faits. Aujourd’hui, infiniment plus qu’en 1968, les masses sont en attente de révolutionnaires combatifs qui matérialisent leurs espérances les plus profondes ; la lutte actuelle qui a lieu en France pour défendre la Palestine éclaircit tout sur son passage. Les manifestations organisées au Grand-Mirail à Toulouse ou à Lyon 8e dès le début du mois d’octobre, malgré la répression, sont des exemples concrets d’initiative rompant avec la mascarade. Tandis que les opportunistes se vautrent toujours plus dans la manipulation à des fins électoralistes ou boutiquières, plusieurs groupes sincères défendent la lutte du peuple palestinien avec le coeur et les actes, au coeur des quartiers populaires de notre pays, et sans ambiguité. Là est le chemin, comme il se trouvait dans la Comité Vietnam de Base en 1968…