Myanmar : un point chaud de lutte contre l’impérialisme dans le monde

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Nous publions ici un article du n°75 de la Cause du Peuple, du mois de février 2024.

En 2021, un nouveau coup d’État militaire a lieu au Myanmar (Birmanie), entraînant une guerre civile encore en cours. Divers groupes armés sont impliqués dans le conflit, soutenus par différentes forces impérialistes qui s’affrontent pour le contrôle du pays, tandis que des forces armées de résistance se renforcent, faisant du Myanmar un point chaud de la lutte entre impérialistes et contre ceux-ci.

Depuis son indépendance officielle en 1948, le Myanmar, ancienne colonie britannique, a connu plusieurs coups d’État et insurrections, qui ont abouti à de nombreux régimes militaires pour réprimer le peuple avec l’aide des impérialistes étrangers. Le Myanmar est en effet composé à 68 % d’une ethnie majoritaire, les Birmans, mais les minorités nationales luttent pour leur indépendance. La situation politique du pays s’est brièvement stabilisée en une pseudo-démocratie bourgeoise à partir de 2010, mais en 2021, le gouvernement birman dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), est démis par un coup d’État militaire de Tatmadaw (l’armée nationale). La LND se recompose rapidement sous le nom de Gouvernement d’unité nationale (NUG). Certains de ses membres s’exilent à l’étranger et le NUG, qui se réclame légitime gouvernement birman, cherche la reconnaissance internationale auprès d’alliés impérialistes. Il l’obtient rapidement : le 5 octobre 2021, le Sénat français adopte à l’unanimité une résolution visant à reconnaître officiellement le NUG comme le gouvernement officiel du Myanmar. L’ONU continue à reconnaître Win Myint, le Président démis, comme Président du Myanmar. De nombreuses entreprises se retirent du pays, comme Total et Chevron (la deuxième compagnie pétrolière des États-Unis), qui y exploitent le champ de Yadana pour son gaz naturel. Pendant ce temps, la junte militaire au pouvoir déclare le NUG illégal et organisation terroriste, accusation que le NUG renvoie à la junte.

Le NUG est largement soutenu par les impérialistes occidentaux, notamment les États-Unis, où il a des bureaux1. La politique de l’impérialisme américain à l’égard de la guerre civile au Myanmar est définie dans le BURMA Act et vise principalement à ne pas céder le terrain à l’impérialisme chinois. Le BURMA Act appelle à soutenir ceux qui s’opposent à la junte militaire, en particulier le NUG, et débloque des fonds spéciaux pour soutenir l’opposition jusqu’en 2027. Ces fonds comprennent entre autres une « assistance non létale »2 aux groupes armés qui luttent contre la junte. La loi demande également que la Chine et la Russie rendent des comptes pour leur soutien présumé à la junte militaire. L’État chinois aurait en effet vendu pour plus de 250 millions de dollars d’armes à la junte, y compris des avions de chasse ; et au niveau diplomatique, la Chine a fréquemment empêché le Conseil de sécurité de l’ONU de publier des résolutions condamnant la junte birmane. L’État chinois cherche avant tout à stabiliser le pays, car il est lancé depuis plusieurs années dans un vaste projet impérialiste (35 milliards de dollars) de construction d’un réseau de routes, de chemins de fer, de pipelines et de ports à travers le pays pour accéder à l’océan Indien.

Mais depuis quelques mois, les intérêts impérialistes chinois se voient menacés par un large réseau d’escroquerie qui s’est développé le long de la frontière : 120 000 travailleurs, dont des dizaines de milliers de Chinois, ont été victimes de la traite des êtres humains vers le Myanmar. Organisé par des gangs chinois, en collaboration avec la junte birmane, ce réseau contraint ses victimes à travailler dans des centres d’escroquerie en ligne, rapportant des milliards de dollars. La Chine a exhorté la junte militaire à prendre des mesures contre les escrocs, mais celle-ci, corrompue, n’est pas en mesure de gérer la situation. Le 3 janvier dernier, au cours de combats le long de la frontière, un obus d’artillerie aurait explosé du côté chinois de la frontière, faisant des victimes chinoises. Un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères a condamné les affrontements et a déclaré que « la Chine prendra toutes les mesures nécessaires pour préserver la sécurité des vies et des biens de ses citoyens ».

La junte, dont la légitimité est contestée par le NUG à l’international et dont le soutien chinois s’affaiblit toujours plus, est aussi mise à mal en interne du pays. Des forces armées de résistance se développent, notamment dans les territoires des minorités nationales3. Si une partie est organisée par le NUG, soutenu par l’impérialisme yankee, une autre est constituée de groupes armés ethniques luttant pour leur libération nationale. En octobre et novembre dernier, une offensive majeure toujours en cours, connue sous le nom d’Opération 1027, a été lancée par les forces de résistance, capturant des territoires clés dans le commerce avec la Chine. Face à la résistance populaire croissante, le régime militaire fait régner la terreur et commet des massacres contre les civils : bombardements d’artillerie, frappes aériennes et attaques de drones. Les attaques contre la population ne font que renforcer la résistance, qui intensifie son combat en bénéficiant d’un plus grand soutien de la part de l’opinion publique. Selon certains chiffres4, les forces du régime militaire seraient passées de 300 ou 400 000 à 150 000, dont seulement 70 000 sont des soldats formés au combat, tout cela à cause des décès et des désertions. Le régime militaire ne cesse de perdre des territoires et il n’est pas en mesure d’en regagner. Il ne contrôlerait plus qu’environ 20 % des communes du pays et aurait déjà perdu plus de 300 bases militaires depuis le début de l’Opération 1027.

La lutte au Myanmar continue de montrer que, bien que les classes dirigeantes et l’impérialisme disposent de bien plus de moyens militaires et mènent une politique terroriste contre le peuple, le peuple persiste encore et encore dans sa lutte, infligeant de graves revers et des pertes considérables à ses oppresseurs.

1 Le NUG a également des bureaux de représentation au Royaume-Uni, en Norvège, en France, en République tchèque, en Australie et en Corée du Sud.

2 En Syrie et en Ukraine, cette « assistance » a notamment consisté à fournir des uniformes, des armures, des véhicules militaires blindés, des radars ainsi que des fournitures médicales.

3 Ces territoires sont Kachi, Chin, Sagaing, Kayah, Kayin, Mon et Tanintharyi.

4 Ye Myo Hein, Myanmar’s Military Is Smaller Than Commonly Thought — and Shrinking Fast (2023). USIP.

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