Voilà plusieurs semaines que la même chanson est reprise en cœur sur tous les plateaux télés : le dépenses de l’État français sont trop grandes par rapport à ses recettes, et il manque donc beaucoup d’argent dans les caisses. Il faut donc « dégraisser le mammouth », couper dans les budgets pour récupérer ce précieux argent. Voilà ce qui disait le ministre Bruno Le Maire. La première mesure prise a été d’aller chercher 10 milliards d’euros dans les budgets liés à l’environnement, à l’enseignement supérieur et à la culture. Mais ce n’est qu’une goutte d’eau quand on sait que le déficit total serait proche de 165 milliards d’euros.
Derrière ces gros chiffres, il y a une réalité et plusieurs tours de passe passe pour la masquer.
Premièrement, la France est un des pays dont le gouvernement a le plus gros déficit public, comme l’Italie ou l’Espagne. Cela signifie que dans ces pays, le poids de la dette pour financer l’État est très important. Et voilà le problème : plus de la moitié de la dette française est détenue à l’étranger, notamment dans d’autres pays impérialistes d’Europe ou d’Amérique du Nord. Ainsi, l’État impérialiste français, pour maintenir son train de vie, doit s’endetter auprès de monopoles étrangers, et donc leur donner des garanties en supprimant des dépenses, réformant ses lois… C’est en partie comme cela qu’on peut expliquer les réformes successives et très brutales que l’on subit pour s’aligner sur les « autres marchés » (c’est-à-dire le marché allemand, britannique, US…).
Deuxièmement, depuis les 15 dernières années, la situation budgétaire de l’État français s’enlise. Si l’on prend 2009, la pire année en déficit public car juste après la crise de 2008, on a 143 milliards de déficit. Aujourd’hui, on est à 165 milliards et en 2020 (COVID) on était monté à 211 milliards. Bien sûr, les recettes (impôts) augmentent aussi relativement sur les 15 dernières années, mais cela veut dire que le trou n’est pas comblé. On est bien loin de l’équilibre ! Du coup, le remboursement de la dette progresse année après année et devient cette année le premier poste de dépense de l’État. Cela veut dire que les impôts n’ont jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui, et qu’en même temps l’État est absolument dans le rouge.
Alors troisièmement, on peut se demander pourquoi la bourgeoisie française sous Macron a accepté ce plan budgétaire qui paraît effarant. En réalité, il y a bien une logique : en maintenant un déficit public relativement haut (souvenez-vous du « quoi qu’il en coûte » pendant le COVID), le gouvernement réactionnaire de Macron a pu combiner depuis 2017 des réformes anti-populaires successives et féroces avec une augmentation rapide de budgets « clés ». Citons le budget de l’armée, qui recevra 413 milliards d’euros sur 7 ans jusqu’en 2030, la plus grande hausse depuis les années 60. Cela a pour but de conjurer la crise du capitalisme français dans le cadre de la crise générale de l’impérialisme. Mais les représentants de la bourgeoisie française dans l’État se sont vus trop beaux ! Ils pensaient pouvoir maîtriser la crise, alors qu’ils ne font que s’adapter à ses contours. Voilà qu’en 2024, 20 milliards de déficit apparaissent sans qu’ils les aient prévus. Et donc, voilà la crise.
La bourgeoisie française perd pied sur la question du déficit et de la dette. Son État est comme un ballon de baudruche trop gonflé, prêt à exploser au moindre problème. Il n’y a pas de doute du plan de la bourgeoisie pour préparer ce cas-là. Ils mettent à terre tous les « services publics » qu’ils nous ont vendu comme des missions de l’État pour préserver ce qui est le plus important pour eux : l’armée, la police, et tout ce qui maintient leur pouvoir.