LA FAILLITE DE LA GAUCHE OUVRE LES PERSPECTIVES DU RETOUR DU PROLÉTARIAT EN POLITIQUE
Le comité de rédaction de Nouvelle Epoque a décidé de partager ici un texte proposé par le Noyau d’Etudes Marxistes (NEM), comme contribution au débat actuel autour du jeu électoral.
La participation aux élections n’est pas une question de principe pour un révolutionnaire. Elle doit être traitée comme un problème tactique, abordé en fonction du développement historique de la lutte des classes. Notre but, c’est le changement révolutionnaire de la société, la conquête du pouvoir, toutes nos actions sont guidées par cela. Les élections, la « démocratie », font partie de la superstructure de la société, qui est un ensemble formé par le système politique (l’appareil d’État) et le système idéologique (juridique, scolaire, culturel, religieux) ; superstructure qui repose elle-même sur une base économique, l’infrastructure. Dans une société de classe comme celle que nous connaissons en France, les élections servent à déterminer qui occupera les postes dans le système de gouvernement. Cela sert à dissimuler la réalité de la domination de classe, précisément le système de pouvoir des classes exploiteuses sur le reste de la société. Tout cela donne l’apparence que l’État est un organisme qui se situe au-dessus des classes. Déjà au XIXe siècle, alors que les élections avaient encore une certaine importance, Karl Marx analysait que :
« Les opprimés ont le pouvoir de décider pour une période de plusieurs années quel sera le représentant des classes possédantes qui représentera et opprimera le peuple au Parlement »
Friedrich Engels, le compagnon d’armes de Marx, avait qualifié le suffrage universel d’instrument de domination bourgeoise. Lénine, plus tard, souligna lui aussi le caractère des élections et du Parlement dans le capitalisme :
« La force du capital est tout, la Bourse est tout, tandis que le Parlement et les élections ne sont que des marionnettes, des pantins ».
Le marxisme nous enseigne que dans chaque chose, il y a systématiquement deux aspects. C’est-à-dire que si nous parlons de démocratie, il y a forcément dictature. La démocratie bourgeoise, c’est la dictature d’un petit nombre d’exploiteurs sur la majorité des exploités. Elle vise à faire perdurer le système d’exploitation capitaliste. Le socialisme est aussi une dictature, mais celle de la majorité des exploités sur les exploiteurs, avec comme but l’abolition de toutes les classes.
Il est important de saisir ce qu’est l’État bourgeois pour comprendre la séquence actuelle. L’État bourgeois, comme nous l’avons dit, est constitué du système d’État et du système de gouvernement, qui sont deux parties d’une même unité. Les élections en cours ne changeront pas le système d’État, qui est une République sous la dictature de la bourgeoisie qui opprime le prolétariat et les classes populaires de France et des pays opprimés. Son caractère de classe est bourgeois, c’est le principal.
Ces élections ne remettront donc pas en cause le caractère de l’État. Nous devons prendre cette base de compréhension pour mener toute politique révolutionnaire, sinon nous risquons de nous mettre à la traîne de l’une des fractions de la grande bourgeoisie, sous prétexte de « défendre la démocratie ». C’est ce qu’il se passe clairement avec le vote « barrage » de gauche depuis 2002.
Ces élections ne vont pas, non plus, modifier comment s’organise le pouvoir entre les différentes fractions de la bourgeoisie. Dans l’État bourgeois, le système de gouvernement apparaît sous deux formes :
– La dictature ouvertement fasciste, communément appelée « dictature »
– Le régime de « démocratie représentative ». La démocratie française en est l’exemple typique. L’histoire de la démocratie bourgeoise montre que lorsque la crise du capitalisme atteint un niveau dangereux pour la domination bourgeoise, la bourgeoisie jette à bas tout son « État de droit démocratique » et impose la dictature fasciste la plus féroce et la plus ouverte. L’Histoire nous montre donc que la bourgeoisie n’a que faire de la « démocratie », l’importance pour elle est de se maintenir au pouvoir.
Avec le degré avancé de décomposition qu’a atteint l’ensemble du système impérialiste mondial, les élections, que ce soit dans les pays impérialistes ou dans les pays dominés, ne sont plus que la même mascarade, dont les objectifs sont :
- Dissimuler aux masses l’ensemble du système de pouvoir dominant et son caractère de classe exploiteuse, en tant que véritable dictature d’une minorité sur la majorité. C’est aspect est extrêmement clair, personne ne parle de classe dans ces élections. Les débats tournent autour de « communautés ». Les « arabes » ne sont pas vus principalement comme appartenant aux classes populaires les plus exploitées mais comme « arabes ». Tout cela participe à la division des classes populaires et fait donc le jeu de l’extrême-droite.
- Assurer le renouvellement du système de gouvernement (communément appelé « pouvoir ») par les autorités responsables du maintien de l’ordre.
Déjà à l’époque, au début de la formation du capitalisme monopolistique, parlant des possibilités proclamées par les démocrates bourgeois et petits-bourgeois d’une transformation radicale de la société capitaliste par l’obtention d’une majorité au parlement, Lénine déclarait :
« Seuls des scélérats et des imbéciles peuvent croire que le prolétariat doit d’abord gagner la majorité des votes détenus sous le joug de la bourgeoisie, sous le joug de l’esclavage salarié, et qu’ensuite seulement il doit gagner le Pouvoir. C’est le comble de la bêtise ou de l’hypocrisie, c’est remplacer la lutte des classes et la révolution par le vote sous l’ancien régime, sous l’ancien Pouvoir. »1
« C’est déjà l’opportunisme le plus vil, c’est déjà renoncer à la révolution en fait en la prenant au mot. »2
Maintenant que les bases théoriques sont là, nous devons penser en termes de tactique et de stratégie.
L’approfondissement de la crise générale de l’ensemble du système impérialiste (situation de décomposition) s’exprime par une croissante instabilité au niveau mondial. Cette situation conduit à une militarisation et une violence croissantes de l’État. Dans les pays impérialistes, cela signifie la guerre de rapine contre les peuples et les nations opprimées, une augmentation de la violence contre les peuples de leurs propres pays, et une tendance générale que nous nommons réactionnarisation. Les communistes chinois l’expliquaient déjà en 1963 :
« À l’heure actuelle, il est évident pour tout le monde que les pays capitalistes renforcent leur appareil d’État, et en particulier leur appareil militaire, qui a pour but avant tout de réprimer les peuples de leurs propres pays.
Ce processus de pourrissement de l’impérialisme et la lutte pour le repartage du monde frappe de plein fouet l’impérialisme français, un impérialisme moyen qui perd de plus en plus de poids partout dans le monde, principalement en Afrique et en Europe (face aux USA, à la Chine, à l’Allemagne, etc.). En vingt ans, la France a perdu près de la moitié de ses parts de marché en Afrique par rapport à la concurrence, passant de 12 % à 7 %. « Les exportations françaises ont doublé sur un marché qui a quadruplé, d’où une division par deux de nos parts de marché”, affirme l’ancien ministre Hervé Gaymard. Elle est aujourd’hui talonnée par l’Allemagne.
Comme une bête en danger, l’impérialisme français doit être de plus en plus offensif pour maintenir sa position et tenter, sans aucune chance, de se constituer comme nouvelle grande puissance mondiale. Cette situation de crise économique et sociale accentue la déstabilisation et accroît la crise politique du Régime.
Nous devons replacer cette crise générale dans le cadre français et comprendre les spécificités nationales dans lesquelles nous luttons. L’idéologie est universelle, mais son application doit être adaptée à chaque pays comme cadre d’expression de la lutte des classes, c’est-à-dire la contradiction antagonique entre prolétariat et bourgeoisie. L’avancée de la révolution prolétarienne, liée à la situation économique mondiale (décomposition), détermine l’évolution interne du pays, mais cette évolution se fait dans le cadre national français, elle a ses propres réalités différentes d’autres pays. Même si la tendance générale est la même, nous devons comprendre de manière fine les formes françaises de la révolution et de son corollaire la réactionnarisation. Ce processus – la réactionnarisation – a comme volonté de nier, dans le sens d’annuler, la lutte des classes pour restructurer l’économie, et préparer le pays à la guerre impérialiste.
La bourgeoisie française, bien que possédant plusieurs branches économiques et idéologiques, est un bloc qui tente et va tenter de se sauver de sa chute par tous les moyens à sa disposition. C’est la bourgeoisie monopolistique, et dans celle-ci l’oligarchie financière la plus réactionnaire, qui contrôle et soumet toute la machine étatique. Rappelons ce que disait Lénine, l’impérialisme trouve toujours une porte de sortie à ses crises.
Aujourd’hui, la tendance mondiale se retrouve en France avec la tendance à la réactionnarisation. Nous définissons la réactionnarisation comme le renforcement de l’État bourgeois, l’État de la dictature des monopoles, c’est-à-dire de la classe bourgeoisie monopoliste principalement, en période de crise, c’est-à-dire de lutte des classes, au service de la restructuration du capitalisme monopoliste et de leurs intérêts qui sont la lutte pour le repartage colonial du monde. Tout ce processus pave la voie au fascisme mais n’est pas le fascisme.
Comme trait essentiel de cette réactionnarisation, nous pouvons observer :
- Un renforcement du pouvoir exécutif, dans la figure du président, niant le rôle du Parlement (législatif) et tentant de soumettre la justice (pouvoir judiciaire). A noter que les politiques et la police, ne cessent d’attaquer la justice. Le pouvoir présidentiel de la Ve république sied à merveille à cette tendance. Les réactionnaires appellent cela « redonner de l’autorité » afin de tenter de nier la lutte des classes par la contre-révolution conservatrice. C’est une nécessité pour restructurer l’appareil économique et réimpulser l’impérialisme français.
- L’accentuation du rôle de l’État dans l’économie, comme soutien des monopoles. Nous l’avons vu avec le COVID : l’Etat français a particulièrement soutenu l’économie (et en particulier les monopoles) à bout de bras pour éviter que la France ne perde trop de place dans le monde. Le plan d’investissement France 2030 d’Emmanuel Macron est un autre exemple du retour de la puissance étatique dans l’économie, comme soutien actif aux monopoles pour leur restructuration. Tout comme le Parti Socialiste dans les années 1980, qui avec la nationalisation puis les privatisations a aidé à la création des monopoles que nous connaissons, ce type de plan sert à faire des monopoles français des géants à même de pouvoir espérer rivaliser sur le marché mondial.
- Il y a aussi une tendance à la corporatisation, avec les aides à tel ou tel secteur de la société. Les aides directes aux entreprises, mais aussi les aides dites « sociales » sont l’expression de cette corporatisation. Elles visent à absorber la crise et servent à diviser la classe en sortant de nombreuses personnes de la production, leur permettant de survivre sans produire. De plus, la réaction se sert du « trop d’aides » pour mobiliser contre les classes populaires.
- Mobilisation des masses par la manipulation de l’opinion afin de créer un climat favorable à la réaction et à la guerre, et donc en premier lieu au réarmement massif pour tenter de tirer les marrons du feu du repartage du monde et du futur affrontement inter-impérialiste qui se dessine. Cette militarisation se passe aussi dans la société, par un renforcement politique de la police avec son autonomisation et un contrôle de plus en plus accru de la population. Les monopoles contrôlent aujourd’hui directement les médias, comme instrument de manipulation pour tenter de contenir la lutte des classes.
Qui dirige vraiment le pays ?
Les « politiques » ou les monopoles dominés par l’oligarchie financière ?
Les monopoles sont les immenses entreprises qui détiennent une partie ou la totalité d’une branche de la production de marchandise. Elles sont souvent appelées « multinationales », ce qui est un abus de langage car chaque maison-mère de ces gigantesques trusts est rattaché à un État et à la bourgeoisie d’un pays (cependant, le terme peut être juste s’il signifie que leur emprise économique s’étend sur de très nombreux pays de différents continents).
Le monopole est le passage du capitalisme à un régime supérieur
Les monopoles sont apparus avec la concentration du capitalisme, qui est une situation inhérente à lui-même. Dans la première phase du capitalisme, il y avait un régime de libre concurrence entre les capitalistes. Des milliers de petits capitalistes s’affrontaient dans chaque branche productive. Par exemple, il y avait de nombreux fabricants de chaussures. Mais peu à peu, les plus efficaces et offensifs vont racheter les plus petits. Lénine nous dit :
« Le monopole est exactement le contraire de la libre concurrence, mais nous avons vu cette dernière se convertir sous nos yeux en monopole, en créant la grande production, en éliminant la petite, en remplaçant la grande par une plus grande encore, en poussant la concentration de la production et du capital à un point tel qu’elle a fait et qu’elle fait surgir le monopole ».
Cette situation crée des trusts, des syndicats patronaux, des associations plus ou moins déclarées pour se mettre d’accord sur les prix, sur les orientations politiques des États en matière de politique extérieure et intérieure, etc.
Le capitalisme financier, c’est la fusion qui s’est opérée au XIXe siècle lors de l’apparition des monopoles et de l’impérialisme, entre le capitalisme industriel (producteur de marchandise) et le capitalisme bancaire (gestionnaire des capitaux). Le second a effectivement pris le pas sur le premier avec le développement de l’impérialisme. Il y a bien une oligarchie financière toute-puissante, mais la richesse reste basée sur la production de marchandise (« l’argent » ne sert qu’à quantifier une valeur qu’il faut bien produire, qui ne vient pas de nulle part si ce n’est de la production !)
C’est ce que nous dit le grand Lénine dans sa magistrale œuvre : L’impérialisme, stade suprême du capitalisme :
« Il nous faut montrer maintenant comment la « gestion » exercée par les monopoles capitalistes devient inévitablement, sous le régime général de la production marchande et de la propriété privée, la domination d’une oligarchie financière. »
Cette oligarchie financière porte en elle le fascisme en temps de crise et comme contre-révolution lorsque le prolétariat entre en action, quand la lutte des classes nationale devient mature, c’est-à-dire quand il dispute le pouvoir d’État. Georgi Dimitrov, grand dirigeant communiste qui a analysé le fascisme, le définit comme cela :
« Dans les conditions de la crise économique extrêmement profonde, de l’aggravation marquée de la crise générale du capitalisme, du développement de l’esprit révolutionnaire dans les masses travailleuses, le fascisme est passé à une vaste offensive.
La bourgeoisie dominante cherche de plus en plus le salut dans le fascisme, afin de prendre contre les travailleurs des mesures extraordinaires de spoliation, de préparer une guerre de brigandage impérialiste, une agression contre l’Union Soviétique, l’asservissement et le partage de la Chine et sur la base de tout cela de conjurer la révolution.
Les milieux impérialistes tentent de faire retomber tout le poids de la crise sur les épaules des travailleurs. C’est pour cela qu’ils ont besoin du fascisme.
Ils s’efforcent de résoudre le problème des marchés par l’asservissement des peuples faibles, par l’aggravation du joug colonial et par un nouveau partage du monde au moyen de la guerre. Ils s’efforcent de devancer la montée des forces de la révolution en écrasant le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans et en lançant une agression militaire contre l’Union Soviétique, rempart du prolétariat mondial.
C’est pour cela qu’ils ont besoin du fascisme. »
« Le fascisme, ce n’est pas une forme du pouvoir d’État qui, prétendument, « se place au-dessus des deux classes, du prolétariat et de la bourgeoisie », ainsi que l’affirmait, par exemple, Otto Bauer.
Ce n’est pas « la petite bourgeoisie en révolte qui s’est emparée de la machine d’État », comme le déclarait le socialiste anglais Brailsford.
Non. Le fascisme, ce n’est pas un pouvoir au-dessus des classes, ni le pouvoir de la petite bourgeoisie ou des éléments déclassées du prolétariat sur le capital financier.
Le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier lui-même. C’est l’organisation de la répression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. »
En France, l’oligarchie financière est très puissante. Le système bancaire français est un des plus puissants du monde : les 8e et 10e banques les plus puissantes sont françaises (la BNP Paribas et le Crédit agricole, à elles deux, détiennent environ 6 000 milliards d’actifs). Axa est le premier assureur mondial, et son activité dépasse largement les assurances.
La bourgeoisie impérialiste, bien qu’étant unie quand elle est en danger, connaît des luttes sur le chemin à suivre pour assurer sa reproduction. La bourgeoisie impérialiste française n’a comme choix que de tenter de mener une politique néo-gaulliste d’équilibriste. Emmanuel Macron nous disait « La ligne que je veux avoir pour la France est celle que je qualifierais de gaullo-mitterrandienne : c’est l’indépendance de la France, c’est-à-dire une France forte, qui fasse ses réformes, qui soit crédible et qui soit forte en Europe ». Macron, à tout point de vue, est l’héritier du gaullisme. C’est par suite du coup d’État militaire du 13 mai 1958 en Algérie et des événements qui ont immédiatement suivi que De Gaulle a été rappelé à la tête de l’impérialisme français. C’est l’aboutissement d’un long processus dirigé par la bourgeoisie impérialiste française pour reprendre en main les rênes de l’État. Le but était, d’un côté, de moderniser et restructurer l’économie française, de réorganiser l’État et de l’autre de garder la mainmise sur l’espace colonial d’une façon ou d’une autre. Le gaullisme est une idéologie profondément anti-communiste et réactionnaire, c’est une forme adaptée du bonapartisme (la préservation des acquis positifs de la Révolution française, la légitimité populaire du chef de l’État sanctionnée par le vote, la prééminence de l’exécutif gouvernemental sur les assemblées parlementaires, la volonté de réconciliation nationale par-delà les partis diviseurs, la grandeur de la Patrie). Tout cela a pu être possible car le Parti Communiste ne représentait plus un danger pour la bourgeoisie, étant devenu totalement révisionniste.
De Gaulle a d’ailleurs dit que la Ve République fermait la période de troubles ouverte 150 ans auparavant (c’est à dire en 1789). Il a aussi exprimé le fait qu’il donnait à la France le premier gouvernement stable depuis Mac-Mahon, le militaire qui a dirigé la République après l’extermination de la Commune. Le propre du gaullisme, c’est de prétendre être au-dessus des classes sociales et des contradictions de la société capitaliste – par définition, le gaullisme prétend n’être « ni de gauche ni de droite », mais passer par-dessus les querelles entre partis politiques. Il prétend incarner une « troisième voie » et entend organiser une association entre le Capital et le Travail. Le régime gaulliste veut surtout incarner le corps national. Selon De Gaulle, il faut un chef d’État fort qui incarne totalement la Nation. C’est pour cela que sa Constitution prévoit un rôle prépondérant pour le président, qui doit être une sorte de monarque républicain. En effet, avec l’article 16 de la Constitution, le président de la République peut endosser des pouvoirs exceptionnels temporaires de 6 mois en cas de situation considérée comme dramatique. Il n’aura pu instaurer l’élection du président au suffrage direct qu’en 1962 (stratégie lui permettant d’asseoir son pouvoir par l’approbation des masses), mais le plus important c’est que le Parlement est devenu soumis et secondaire par rapport au pouvoir exécutif qui encadre toutes les institutions bourgeoises. La Constitution de 1958 instaurant la Vème République a donc permis de mettre en place un cadre stable pour garantir la domination de la bourgeoisie impérialiste, c’est-à-dire du capital financier et des groupes monopolistes sur les institutions étatiques. Le propre du régime de la Ve République c’est la toute-puissance du président de la République, c’est une véritable monarchie élective. Cette tendance s’est encore accrue récemment avec Emmanuel Macron.
Ceci-dit, la bourgeoisie impérialiste française ne peut plus faire cavalier seul, elle doit constituer un bloc européen pour contrebalancer les USA, tout en étant en contradiction avec la volonté de l’Allemagne de se reconstituer en super-puissance. Elle pousse à la restructuration de l’économie sur les bases d’une industrie de pointe. La bourgeoisie financière soutient pour l’instant majoritairement Macron, mais cela changera avec le développement de la révolution prolétarienne. Elle n’en reste pas moins agressive et suit le vent guerrier qui souffle sur le monde. L’armée n’a jamais été aussi bien traitée que sous l’actuel président.
Il y a un troisième acteur, qui est aujourd’hui secondaire : l’armée, qui dans chaque crise de régime depuis le coup d’État contre le Comité de Salut Public, est intervenue pour appuyer le camp le plus réactionnaire. Le Général Pierre de Villiers est la voix de cette armée traditionnelle et profondément réactionnaire. Sur certains aspects, il est proche de Zemmour, mais là où le polémiste est un incendiaire, le Général en retraite se veut être un pompier. Il est de loin la figure la plus proche de De Gaulle, et il fait partie de ceux qui voudront le pouvoir quand le fruit sera mûr. Réactionnaire, il est libéral en économie mais sera dirigiste quand il le faudra. Car, tôt ou tard, l’armée jouera un rôle politique de premier plan dans l’histoire de la nation. Les lettres ouvertes dans la presse de militaires, actifs ou retraités, ont montré que l’armée compte bien participer à la politique du pays.
Il ne faut pas voir ces chemins comme antagoniques, ils vont tous vers la guerre inter-impérialiste. Certains voudraient l’éviter, d’autres sont ardemment convaincus de sa nécessité pour que la France redevienne une grande puissance. La bourgeoisie française sait que seul son armée lui permettra au minimum de maintenir sa place, et tôt ou tard elle se blottira contre elle pour se maintenir et accélérer la préparation à la guerre.
Le révisionnisme et la trahison de la classe ouvrière comme base de la situation actuelle
Nous le voyons aujourd’hui, la situation actuelle ne vient pas de nous « exploser au visage », comme certains l’affirment, elle est le résultat d’un long processus historique que nous nommons le révisionnisme. Le révisionnisme, c’est le phénomène historique où le Parti Communiste s’est transformé en son contraire. D’épée au service du prolétariat pour la conquête du pouvoir, il devient un lubrifiant pour faire accepter toutes les reculades, les contorsions et les défaites, c’est-à-dire la soumission à l’ordre capitaliste. Le point de transformation en son contraire est toujours le renoncement à la conquête du pouvoir au moyen de la violence, par la guerre révolutionnaire. En France, cette longue séquence s’est ouverte en 1947, quand Maurice Thorez (Secrétaire Général du PCF) a proclamé dans le « Times » qu’il existait une « voie française au socialisme », c’est-à-dire un moyen différent des Bolcheviques pour arriver au pouvoir. C’est la négation de la violence au profit du crétinisme parlementaire. A partir de là, le long processus de dégénérescence allait commencer. Un processus marqué par des renoncements sans fin à toute l’essence et l’âme du marxisme, pour en arriver au réactionnaire Fabien Roussel. Il est à noter que tous les renoncements se basent sur la lutte contre le « stalinisme ». Cette lutte contre le « culte de la personnalité » et les « excès du stalinisme » a signifié historiquement, sur le temps long, l’abandon de la violence comme mode de conquête du pouvoir pour ne garder que le spectre de la mascarade électorale ; l’abandon du concept de dictature du prolétariat, c’est-à-dire de l’expérience française la plus lumineuse, la Commune de Paris, de la Révolution Socialiste et d’Octobre 1917 ; l’abandon du matérialisme dialectique au profit de l’idéalisme, et au final, l’abandon du Communisme et donc la trahison des intérêts du prolétariat comme classe pour soi. La CGT a elle aussi connu ce processus de dégénérescence, car dirigée par des « communistes » qui ne l’étaient plus. Là aussi, le prolétariat a déserté un outil qui ne servait plus à son émancipation. Car tout ce processus de renoncement c’est accompagné d’un placement de l’ancien personnel révolutionnaire dans les appareils de l’État : Sénateurs, députés, conseillers municipaux, délégués du personnel inutiles, etc. Le Parti Communiste avec la CGT était intégré à l’État bourgeois et à l’ordre capitaliste. Par chance, la CGT, par sa place dans la production, est une contradiction et ne peut pas être totalement intégrée.
La situation actuelle est le résultat de la trahison du prolétariat qui a déserté un parti qui n’était plus le sien. Sur cette base, la gauche parlementaire, légale, propre sur elle, c’est-à-dire la gauche du parti unique de la bourgeoisie, est venue faire sa tambouille, amplifiant le sentiment d’abandon des classes populaires et de la classe ouvrière. Il ne faut vraiment pas être des classes populaires pour ne pas voir le gouffre civilisationnel entre les bourgeois de gauche de l’ouest parisien et les prolétaires des zones périphériques. Cette déconnexion s’est accentuée radicalement après les élections de 2002 et l’appel à faire barrage à l’extrême-droite. A partir de là, le vote de gauche allait devenir un vote légitimant, objectivement, les politiques anti-peuple du pouvoir censé barrer l’extrême-droite. Le vote sert à légitimer le système en place, rien d’autre. La gauche a donc légitimé, par soumission au système, ces mêmes politiques anti-peuple qui poussent les masses dans les bras de l’extrême-droite. Situation au combien cocasse, dont la finalité est la détestation de la « gauche » par les classes populaires, qui ont compris qu’elle faisait partie du parti unique de la bourgeoisie. Les sondages font état de cette farce au sujet du Macronisme, soi-disant rempart à l’extrême-droite : 50 % du vote « centriste » fera barrage… au Nouveau Front Populaire.
Les classes populaires et la classe ouvrière sont bien décidées à faire payer ces trahisons sans fin. Elle n’ont aujourd’hui que deux possibilités : l’abstention passive, qui n’a aucune importance concrète dans le système, ou le vote pour ce qu’elle pense être une rupture, quitte à ce que cela soit antinomique avec ses propres intérêts immédiat et sur le long terme. Le message est clair, il faut que cela change et fissa !
L’important maintenant, c’est de rebâtir patiemment l’autre seule vraie option : le chemin révolutionnaire, celui de la Révolution Socialiste.
Ses moments historiques sont les grands clarificateurs, ils nous permettent d’aller au fond des choses. La séquence historique dévoile à nos yeux la fausse démocratie mais la vraie dictature bourgeoise. La crise a poussé les vrais tenants du pouvoir à accélérer le processus de restructuration de l’appareil productif et donc du vieil État. Le Parlement se transforme en chambre d’enregistrement des réformes désirées par les monopoles impérialistes français en crise et par les nécessités de gestion de la société en crise.
Quelle est la nature des « trois blocs » actuels ?
Nous affirmons que les trois principaux blocs (Nouveau Front Populaire, Renaissance et Rassemblement National) sont un seul et unique parti, celui de la bourgeoisie. Ces trois forces sont totalement intégrées au système d’État, elles acceptent toutes la société de classe, l’injustice, la dictature de la bourgeoisie.
Si nous regardons, aucun des programmes ne parle des monopoles, des grandes entreprises et des banques, aucun ne dénonce la dictature violente des monopolistes sur la société. Aucun ne mets en lumière le fait que toute la société est écrasée et dominée par les banques et les grands groupes impérialistes. Il n’est pas anodin que tout discours sur ce sujet, même minime ou symbolique, ait disparu des radars, tant la crise accentue toujours plus le pouvoir des monopoles sur la société.
L’autre point central réside dans le fait qu’aucune de ces forces ne dénonce l’impérialisme, c’est-à-dire les alliances impérialistes auxquelles le pays appartient, en premier lieu l’OTAN et l’UE. Aucune ne dénonce la marche la guerre, tous appuient « l’aide à l’Ukraine », c’est-à-dire la guerre de procuration de l’OTAN contre la Russie. Tous sont pour le réarmement car, au fond, personne ne parle du danger de la guerre inter-impérialiste.
Il est clair qu’aucun programme ne peut se dire de gauche si ces aspects ne sont pas franchement abordés. La gauche n’a qu’une peur, c’est de se couper de la petite-bourgeoisie, car les classes populaires l’ont déserté depuis longtemps.
Le « débat » entre Bardella, Attal et Bompard, était le symbole de cette époque où il n’y a plus de « politique », car même les propres politiciens ne croient plus à ce qu’ils disent. Tout n’est que mensonges, vide et faussetés. Nous avons assisté à une pseudo bataille de nuances : « une police un peu plus raciste, une police qui ne change pas, et une police de proximité ». La retraite à 66, 64 ou 60 ans et, bien sûr, ce qui intéresse tous les bien-pensants du pays, les impôts : on taxe un peu les riches ? un peu moins ? moyennement ? L’uniformité des costards bleus n’a fait qu’appuyer ce sentiment d’un parti unique au service des pires exploiteurs que l’humanité ait connu. Bien entendu, il y a des nuances dans ce bloc, la bourgeoisie a clairement isolé la « gauche » et c’est bien pour cela qu’il faut encore plus couper court politiquement avec ce simulacre de démocratie.
Ces élections ne font que choisir qui va gérer la machine, qui, en fin de compte, pourrait très bien demain se passer de toute cette mascarade parlementaire. Ces élections plus que toutes montrent que le pouvoir est entre les mains de la classe bourgeoise. Que c’est elle qui choisit qui va être élu, qui détermine le pouvoir du parlement, ce qui est légal et illégal, acceptable ou pas, et qui, surtout, est aux commandes de l’État et pourquoi.
Que faire maintenant et sur quelles bases ?
La nécessité actuelle est simple, c’est la construction d’une organisation politique de résistance de masse du prolétariat. Nous disons « de résistance » car, aujourd’hui, le prolétariat est sur la défensive. Le but est de créer les conditions subjectives pour passer à l’offensive, pour cela nous ne devons plus reculer, « plus un pas en arrière » doit être le mot d’ordre.
Cette organisation doit porter une politique de classe, autonome, en rupture absolue avec la bourgeoisie et ses appareils. Une politique de rupture franche et sincère, anti-opportuniste et combative sera le reflet de la ligne juste, prolétarienne.
Son programme doit être anti-impérialiste, car le prolétariat est une classe unique dans le monde. Cela signifie mener une politique claire de sortie de tous les traités d’alliance impérialiste, principalement l’OTAN et l’Union Européenne. Son programme doit être antimonopoliste, c’est-à-dire porter une politique visant à l’expropriation des monopoles impérialistes qui seront placés sous la direction du prolétariat. Notamment, la saisie de toutes les banques et la fermeture de la bourse.
Le but stratégique de cette organisation ne peut-être que sa participation à la reconstitution du Parti Communiste de France, le seul instrument pouvant guider les masses dans le chemin sinueux de la révolution socialiste. La tâche politico-idéologique de cette future organisation a été réaffirmée par Lénine : « …la nécessité d’éduquer systématiquement les masses et précisément dans cette idée de révolution violente, se trouve à la base de toute la doctrine de Marx et Engels »4. Car dans toute l’histoire de la société de classe, il n’y a pas eu de transformation sociale majeure qui n’ait pas eu lieu par la violence révolutionnaire. Sur le principe de la violence révolutionnaire comme seul moyen de transformer le monde, Lénine soulignait :
La vraie ligne de rupture entre le parti unique de la bourgeoisie et l’opposition se trouve exactement dans ce que nous dit Lénine. Le leader communiste chinois, Mao Zedong, réaffirma que la seule politique révolutionnaire vise à la destruction de la machine d’État et principalement de sa colonne vertébrale, les forces armées :
La finalité politique est dans ce cas la réédition de la Commune de Paris et l’instauration de la seconde République Ouvrière de France qui ouvrira la marche vers le Communisme toujours aussi lumineux.
La première tâche à toute réelle politique émancipatrice est de conquérir le prolétariat à la nécessité de la révolution socialiste.
La première ligne politique immédiate est la reconquête des instruments de la classe et en premier lieu la Confédération Générale du Travail, dernier outil d’organisation de la classe. Le syndicat, dans un pays impérialiste, revêt une importance capitale, car le prolétariat est le guide et le moteur de la Révolution Socialiste. Nous voyons que sans direction politique prolétarienne, c’est-à-dire sans le Parti Communiste, le syndicat ne peut mener qu’une politique de conciliation « trade-unioniste ». La future organisation aura comme tâche d’unir les syndicalistes avancés et d’impulser la lutte politique prolétarienne dans la CGT.
La seconde ligne politique immédiate est de se lier avec les classes populaires les plus profondes, celles des quartiers populaires, où l’affrontement avec l’État bourgeois est le plus clair et le plus net. C’est là que nous trouvons ceux et celles « qui n’ont que leurs chaînes à perdre ». Les vagues d’émeutes insurrectionnelles que le pays a connu ces dernières décennies devraient suffire, en elles-mêmes, à clarifier l’importance stratégique de cette partie du prolétariat.
L’alliance des usines avec les quartiers populaires signifiera la fin de l’atomisation de notre classe et marquera le passage à l’offensive de la révolution. En mobilisant, politisant et organisant les masses populaires nous créeront les conditions pour un courant d’opinion en faveur de la révolution socialiste.
Nous ne pouvons conquérir le nombre que par l’action qualitative dès maintenant. Le marxisme nous apprend que tout commence petit et suit un développement sinueux vers la quantité. Le prolétariat a en lui 180 ans de lutte révolutionnaire, il a un savoir immense et avec le marxisme, il peut régler tous les problèmes politiques tactiques et stratégiques. Qu’on se le dise, il est l’acteur de la plus grande épopée de l’Humanité. Il connaît tout et sait, déjà, tout faire, que cela soit s’organiser, lutter, s’affronter avec les forces de répression. Il connaît la lutte armée, la clandestinité, la lutte secrète, la lutte violente, l’organisation de grèves de masse, le blocage de l’économie et le pouvoir. Il connaît les morts, la torture, la prison et les déportations. Il connaît les défaites, les détours violents et les immenses victoires.
Le Communisme, le désir d’égalité absolue et de justice, n’a jamais disparu. Il sommeille en lui comme une bombe endormie. Il n’attend, aujourd’hui, que la flamme pour la faire détonner dans ce vieux monde en putréfaction et c’est notre tâche sacrée.
De défaites en défaites jusqu’au socialisme !
Plus un pas arrière ! vers le Front Révolutionnaire !
NOYAU D’ETUDES MARXISTES, juin 2024
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