Il aura fallu 9 mois pour que le gouvernement planifie sa contre-attaque éducative suite aux grandes révoltes de juin 2024.
Déjà, depuis le premier quinquennat de Macron le SNU (service national universel) plane au-dessus de la tête des lycéens. Il n’est pas rare, aujourd’hui, de croiser des jeunes avec le polo SNU, donné par l’armée lors d’une opération dans un établissement scolaire ou obtenu au cours d’un stage SNU. Depuis 2021, près de 100 000 jeunes l’auraient déjà fait dans 322 centres. Nous avons déjà expliqué dans la Cause du Peuple cette question en 2022 : « Bien qu’on y apprenne rien de proprement militaire (au début), l’objectif est de « créer le déclic d’un engagement durable », en fixant bien les préoccupations des jeunes auprès des intérêts de l’armée. Et pourquoi pas un recrutement, qui sait ? Voilà une manière d’enrégimenter les jeunes, particulièrement les jeunes prolétaires. Pourquoi iraient-ils mourir sur un champ de bataille étranger, défendre une patrie qui ne leur a rien donné, sous les ordres de grands bourgeois avec lesquels ils ne partagent qu’un passeport ? La bourgeoisie française a trouvé sa réponse : ils le feront, car on leur apprendra que c’est leur devoir de français. »
Désormais, le gouvernement d’Attal sort les dents sur le volet éducatif pour punir les « parents indignes » et mater la jeunesse qui s’est révoltée. Pour les collégiens de zone REP (c’est-à-dire en général des quartiers prolétaires, 1,7 millions de jeunes), l’école sera de 8h à 18h. Pas avec des programmes d’activités pédagogiques, culturelles ou sportives, non, mais bien pour s’assurer qu’ils ne traîneront pas dans les rues. C’est simplement l’une des mesures annoncées par Attal, mais elle est symptomatique du projet en général.
On parle désormais dans plusieurs villes dirigées par la droite (comme Nice) de couvre-feu pour les mineurs, d’interdire la rue aux jeunes non-accompagnés… Si l’on rajoute à cela l’extension de l’apprentissage et des stages professionnels à peine payés (c’est-à-dire du salariat qui ne dit pas son nom) aux jeunes dés 14 ans, on ne peut conclure qu’une seule chose. La vie d’un jeune prolétaire en France en 2024, c’est bus-boulot-dodo, ou bien chômage, et pour les vacances, passage par le camp du SNU. Tout ça en étant criminalisé quand on ose passer du temps hors de chez soi.
Voilà ce qu’on peut appeler une militarisation de la jeunesse. Mais attention, pas une militarisation qui vise à armer les jeunes ! La bourgeoisie française n’est pas stupide, elle sait très bien qu’en l’état actuel, une génération écrasée à qui elle donnerait directement une éducation militaire n’aurait pas d’autre volonté que de se révolter et de se retourner contre ses chefs. Au contraire, elle veut militariser en désarmant les jeunes idéologiquement, en les empêchant de se mobiliser politiquement, de lutter, en les convainquant par la propagande impérialiste qu’il faut vivre sa petite vie rangée, jusqu’au jour de l’appel à mobilisation où il faudra aller mourir sous les drapeaux.
Peuvent-ils gagner à ce petit jeu ? En 1914, la génération des jeunes nés dans les années 1890 avaient été biberonnées au chauvinisme revanchard, ils avaient un niveau d’éducation et de communication bien plus bas que la jeunesse prolétaire de France aujourd’hui. On peut dire qu’ils étaient bien plus asservis par la bourgeoisie française que les jeunes d’aujourd’hui. Et pourtant, ce sont eux qui ont fait les mutineries de 1917, et qui ont fini par fonder en 1921 la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC). Il n’y a pas de doutes qu’en 2024, 110 ans plus tard, le plan de la bourgeoisie court à nouveau tout droit vers l’échec.