Nous publions ici une traduction non-officielle d’un article de Nuevo Peru, paru le 6 juillet 2024 sur vnd-peru.blogspot.com.
L’objectif de ces quelques notes n’est autre que de fournir une base de discussion aux différentes questions que nous soulevons.
Beaucoup de choses ont été écrites par les journalistes et les analystes politiques des médias réactionnaires sur les élections anticipées à l’Assemblée nationale convoquées par Macron après l’échec de son parti aux élections pour le Parlement européen le 9 juin. Le tout peut être résumé par ce que le Wall Street Journal (États-Unis) a dit après le premier tour le 30 juin :
« Si vous êtes dans un casino avec Emmanuel Macron, n’imitez pas ses paris. (…) Le Président français a fait un pari en convoquant des élections à court terme de l’Assemblée nationale, et dimanche, lui et son parti centriste ont terminé à une faible troisième place lors du premier tour de scrutin. Les grands gagnants sont les partis de droite et de gauche. (…) C’est un résultat embarrassant pour Macron, qui a convoqué des élections inutiles au pied levé après que le Rassemblement National a obtenu de bons résultats lors des récentes élections au Parlement européen », analyse le journal. « Il avait parié sur le fait que les électeurs se dégriseraient lorsque l’Assemblée nationale se présenterait. Au lieu de cela, ils se sont servi une double dose, plus intéressés par l’opportunité d’envoyer un message de mécontentement que par l’espèce de sobriété centriste proposée par Macron. »
Nous sommes d’accord avec les parties que nous avons soulignées dans l’extrait du journal américain, parce qu’elles correspondent aux résultats obtenus par le parti de Macron, puisqu’ils expriment le rejet spontané de sa politique et des institutions qu’il représente. Mais en ce qui concerne l’opportunité de l’appel à des élections anticipées et les objectifs que Macron s’est fixés, nous considérons que le Wall Street Journal ne fait pas mouche. Il ne fait aucun doute que le réactionnaire Macron est un joueur, qui distribue les cartes et garde les as dans sa manche pour gagner la partie électorale, quels que soient les résultats de celle-ci, en chiffres absolus ou relatifs. Un pouvoir dont il est investi par la Constitution de la Vème République de 1958.
Pour ces raisons, nous posons la question suivante :
Y a-t-il une possibilité, dans ces élections législatives anticipées en France, d’un changement de forme de gouvernement, d’un régime bourgeois-démocratique réactionnaire à un régime fasciste, de l’État français, un État de dictature bourgeoise ? Mais, si la réponse à la question est négative, formulons le problème autrement : Le président français a-t-il mis son pouvoir souverain en jeu dans ces élections ?
Avant de tenter de répondre à la question posée ci-dessus, voyons quelques éléments de fond :
QUELQUES ÉLÉMENTS DE FOND
La France, en tant que pays impérialiste du deuxième monde, a une économie centrée sur le monopole de la propriété non-étatique, elle développe politiquement une démocratie bourgeoise qui restreint de plus en plus les droits, c’est un libéralisme réactionnaire. Par conséquent, la contradiction principale en France est la contradiction entre la bourgeoisie et le prolétariat, qui se résout par la révolution socialiste.
La France, comme les autres pays du deuxième monde, est une puissance impérialiste non-superpuissante, c’est-à-dire moins puissante économiquement, politiquement et militairement : comme le Japon, l’Allemagne, la France, l’Italie, etc, qui ont des contradictions avec les superpuissances [Depuis la disparition de l’URSS, les USA sont l’unique superpuissance, ndlr.] parce qu’elles doivent supporter, par exemple, la dévaluation du dollar, les restrictions militaires et les impositions politiques ; ces puissances impérialistes veulent profiter du conflit entre les superpuissances pour émerger comme de nouvelles superpuissances, elles déclenchent aussi des guerres d’agression contre les nations opprimées et entre elles ; en outre, il y a aussi de fortes contradictions (voir Ligne internationale du PCP, 1988).
Lénine, à propos du processus de réaction des États capitalistes, dit que ceux-ci suivent le processus de centralisation du pouvoir, de renforcement du « pouvoir exécutif », de sa machine bureaucratique et militaire au détriment du parlement, comme traits caractéristiques communs, dans un processus qui se répète au XIXe siècle et se poursuit au XXe siècle, bien que, avec le passage du capitalisme pré-monopolistique ou de libre concurrence au capitalisme monopolistique, de manière plus variée, plus lente et plus étendue.
Lénine enseigne que : le monopole dans l’économie correspond à la réaction et à la violence dans tous les domaines de la politique. Dans la phase impérialiste, à un certain moment, l’immense pouvoir de l’État bourgeois fusionne avec le pouvoir des gigantesques monopoles dans l’économie et toutes les autres organisations de la société bourgeoise et de classe suivent cette tendance. Les différentes organisations et partis bourgeois sont incorporés dans l’appareil d’État.
L’HISTOIRE
Après la Première Guerre mondiale, il y a eu une crise de la démocratie bourgeoise et du parlementarisme (Mariátegui) et le phénomène du fascisme est apparu. Après la défaite du fascisme lors de la Seconde Guerre mondiale, dans le processus de l’État bourgeois, il y a eu une nouvelle restructuration de l’État dans les pays impérialistes, sur la voie de la centralisation du pouvoir dans l’exécutif, à des degrés divers, comme un déplacement progressif du parlementarisme par le pouvoir de l’exécutif.
Et, après la Seconde Guerre mondiale, l’État impérialiste français a connu deux restructurations sur sa voie réactionnaire, suivant la tendance à l’absolutisme présidentiel. Il est donc nécessaire d’examiner le développement de la lutte de classe nationale et internationale au cours de cette période.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le peuple, dirigé par le Parti Communiste, a développé la guérilla et s’est soulevé dans des insurrections armées contre l’occupation nazie et contre le régime collaborationniste de Vichy dans une partie de la France, jusqu’en 1944. La guerre civile du prolétariat contre la bourgeoisie « s’insère dans la guerre internationale et, pour eux, guerre civile et guerre internationale ne font qu’un ».
Mais en France, contrairement aux pays d’Europe de l’Est, où « les éléments réactionnaires de ces pays ont été déracinés par la charrue de fer de l’Armée rouge soviétique », c’est le contraire qui s’est produit. Les « éléments réactionnaires » ont obtenu le soutien des armées des « Alliés occidentaux », qui ont détourné leur marche vers l’Allemagne nazie pour entrer dans Paris et aider De Gaulle, afin d’arracher au prolétariat et au peuple les fruits de la victoire dans la guerre contre le fascisme.
De Gaulle, au service du révisionnisme qui a usurpé la direction du PCF, a mis en place le gouvernement de coalition du Front national le 8 mai 1945.
Selon le président Mao, « dire qu’il n’y a pas eu de guerre civile dans ces pays, c’est regarder le problème d’un point de vue formel et refuser de voir la nature réelle de la guerre » (président Mao Zedong, Notes de lecture sur le Manuel d’économie politique de l’Union soviétique, 1960). Et, ajoutons-nous, de ne pas voir la capitulation du révisionnisme.
Sur la trahison du révisionnisme, le Parti Communiste de Chine, sous la direction personnelle du président Mao, a également déclaré :
« Depuis la Seconde Guerre mondiale, le mouvement communiste international, tout en se développant considérablement, a produit son antithèse dans ses propres rangs, à savoir un contre-courant révisionniste opposé au socialisme, au marxisme-léninisme et à la révolution prolétarienne. Ce contre-courant a été représenté en premier lieu par Browder, puis par Tito et maintenant par Khrouchtchev. Le révisionnisme de Khrouchtchev n’est rien d’autre que la continuation et le développement du révisionnisme de Browder et de Tito. » (La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev, Commentaire sur la lettre ouverte du CC du PCUS (VIII) par la Rédaction du Renmin Ribao et la Rédaction de la Revue Hongqi, 31 mars 1964)
Au sein de ce contre-courant révisionniste, « représenté à l’époque par Browder », nous situons les révisionnistes français dirigés par Thorez à ce moment-là, qui se situeront plus tard dans le sillage du révisionnisme de Khrouchtchev. Comme le dit le document du PCC cité plus haut :
« Avec la formation du front uni international et national antifasciste pendant la Seconde Guerre mondiale, il est devenu obsédé par la « démocratie », le « progrès » et le « bon sens » de la bourgeoisie, il s’est totalement incliné devant la bourgeoisie et a dégénéré en capitulationniste de la tête aux pieds. »
Agissant comme Browder, ces misérables révisionnistes, Thorez en tête, ont trahi le prolétariat et le peuple français qui avaient donné leur sang dans la guerre de résistance contre le fascisme et pour le développement de la révolution prolétarienne en France, la révolution socialiste.
Le Parti communiste français a changé de couleur, passant d’un parti du prolétariat à un parti ouvrier bourgeois. Capitulant devant la bourgeoisie, au lieu de poursuivre « la lutte armée, de briser la vieille machine d’État et d’établir la dictature du prolétariat » qui était implicite dans la guerre internationale (président Mao), ils ont fait partie du gouvernement d’« union nationale » de la bourgeoisie impérialiste française, dirigé par De Gaulle, soutenu par les forces armées des « alliés occidentaux ». Comme l’écrivent les camarades français dans leur appel au boycott des élections réactionnaires du 29 juin et du 7 juillet :
« Notre classe, la classe ouvrière, est aujourd’hui certes combative, mais désorganisée et sans direction. Elle a perdu sa capacité à émettre une expression politique cohérente, autonome par rapport à la bourgeoisie, lorsque le Parti « communiste » français est lui-même devenu un parti de la bourgeoisie. »
Dans sa lutte contre le révisionnisme, le Parti Communiste de Chine dirigé par le président Mao Zedong a déclaré :
« Les événements qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale démontrent une fois de plus que la principale composante de la machine d’État bourgeoise est constituée par les forces armées et non par le parlement. Le parlement n’est qu’une décoration, un écran pour la domination bourgeoise. Adopter ou abolir le système parlementaire, accorder plus ou moins de pouvoir au parlement, adopter tel ou tel type de loi électorale, tout cela est toujours déterminé par la bourgeoisie en fonction des besoins et des intérêts de sa domination. (…) Par exemple, après la Seconde Guerre mondiale, la bourgeoisie monopoliste française a révisé la loi électorale à deux reprises, provoquant à chaque fois une diminution considérable des sièges parlementaires du Parti communiste français. Lors des élections législatives de 1946, le PCF a obtenu 182 sièges. Cependant, en 1951, à la suite de la révision de la loi électorale par la bourgeoisie monopoliste, le nombre de sièges du PCF a été drastiquement réduit à 103, c’est-à-dire qu’il a perdu 79 sièges. Lors des élections législatives de 1956, le PCF a remporté 150 sièges. Mais pour les élections de 1958, la bourgeoisie monopoliste a de nouveau révisé la loi électorale et, en conséquence, le nombre de sièges du PCF a été soudainement réduit à 10, c’est-à-dire que 140 sièges ont été perdus. » (La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev, 1964)
De même, en ce qui concerne le PCF révisionniste de Thorez et de ses partisans, il déclare dans le même document :
« Les événements qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale montrent également que si les dirigeants communistes s’en tiennent à la « voie parlementaire » et sont victimes de la maladie incurable du « crétinisme parlementaire », ils ne seront pas seulement déçus mais sombreront inévitablement dans le marécage du révisionnisme, enterrant la cause révolutionnaire du prolétariat. »
LA RESTRUCTURATION DE L’ÉTAT FRANÇAIS
Poursuivant la restructuration de l’État français, nous disons :
Le processus de centralisation de l’État bourgeois a été étudié par des auteurs non marxistes du point de vue du droit constitutionnel et de la théorie de l’État, comme Susanne Benöhr dans sa recherche « Das faschistische Verfassungsrecht Italiens aus der Sicht von Gerhard Leibholz, Zu den Ursprüngen der Parteienstaatslehre » (Le droit constitutionnel fasciste de l’Italie du point de vue de Gerhard Leibholz, Sur l’origine de la doctrine des partis, 2001). Cet auteur est le père de la théorie des partis en vigueur en Allemagne. Sur ordre de la Cour constitutionnelle fédérale, où, suite à ses recherches, on peut lire ce qui suit :
« En d’autres termes : La théorie de Leibholz sur l’État-parti était basée sur l’analyse du droit constitutionnel fasciste, en particulier de la position constitutionnelle du PNF [Parti national fasciste, ndlr], et n’aurait pas les éléments du droit constitutionnel fasciste. L’idée d’intégrer les partis dans la constitution de manière médiatrice et intégrative était basée sur l’exemple du parti fasciste. La barrière immanente que le rédacteur de la Loi fondamentale avait imposée à Leibholz, d’une part, et le rôle exemplaire joué par le PNF, d’autre part, peuvent être clarifiés par la citation suivante : La différence entre un État totalitaire et une démocratie de type occidental est la seule vérité qu’avec l’État totalitaire nous avons affaire à un État à parti unique, et avec une démocratie de type occidental à un État à deux, trois ou plusieurs partis (Leibholz, Le peuple et l’État). » dans le droit constitutionnel allemand, in : Ill. (note 96), pp. 7-76.
Le processus de l’État bourgeois impérialiste en France suit l’une des deux formes possibles, celle de l’absolutisme exécutif concrétisé par l’absolutisme présidentiel. L’autre forme est celle du fascisme, dont nous ne traiterons pas ici. En France, cette forme d’État bourgeois réactionnaire avec centralisation du pouvoir dans l’exécutif, au détriment du parlement, prend une forme classique sous la forme de l’absolutisme présidentiel.
La première reconstruction de la dictature bourgeoise après la Seconde Guerre mondiale a eu lieu avec la Constitution de la Quatrième République
La Constitution de 1946, semblable à celle de 1875, qui avait conduit à une crise du parlementarisme dans l’entre-deux-guerres, prévoyait un chef d’État et un cabinet de ministres responsables devant le parlement. La IVe République s’est développée dans le cadre de « petites crises gouvernementales », comme lors de la validité de la précédente Constitution de 1875. La guerre d’Algérie et le blocus de l’île de Corse surviennent en 1958 et le président de la République, René Coty, rappelle le général de Gaulle pour résoudre la crise. C’est ainsi qu’eut lieu la deuxième restructuration de l’État bourgeois impérialiste français après la Seconde Guerre mondiale, la nouvelle Constitution de la Cinquième République, qui est toujours en vigueur aujourd’hui.
La deuxième restructuration de l’État bourgeois impérialiste français après la Seconde Guerre mondiale
La Constitution de la Cinquième République de 1958, modifiée en 1962, en ce qui concerne l’élection indirecte par collège électoral du Président de la République, afin d’établir son élection directe, conduit à la deuxième restructuration de l’État bourgeois impérialiste français, avec laquelle la nature réactionnaire de l’État bourgeois se concrétise par la centralisation du pouvoir dans le Président, à la manière d’un souverain orléaniste (Chartre de 1830, avec le roi Louis-Philippe – dynastie orléaniste).
Avec la nouvelle constitution, une « république bâtarde » est établie, avec un président qui a le pouvoir d’arbitrer l’exécutif et le Parlement, qui est donc au-dessus des partis politiques et qui peut faire adopter des lois par sa propre décision, au moyen d’un plébiscite, et qui a le pouvoir de dissoudre le Parlement, de déclarer un « état d’exception », ce qui, comme l’a dit le fasciste Carl Schmitt, signifie que quiconque a le pouvoir de déclarer un état d’exception exerce la souveraineté. Dans cette situation, il est nécessaire de souligner que la faction bourgeoise impérialiste au pouvoir s’est assuré le contrôle de cette institution présidentielle, transformant le président en « monarque républicain » et la république bourgeoise en « monarchie républicaine » (« république bâtarde »).
SUR LA QUESTION POSÉE AU DÉBUT
Après la longue digression ci-dessus, nous continuons à aborder ce qui est lié à la question d’introduction :
On a beaucoup parlé de la dissolution de l’Assemblée législative et de la convocation de nouvelles élections par le Président français Macron, le soir même des élections européennes du 9 juin. Comme on le sait, le parti de Macron a été battu et le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen, dirigé par Bardella, a remporté la victoire avec plus de 32 % des voix, s’imposant ainsi face à tous les autres partis de l’échiquier politique français participant aux élections.
La mesure de Macron a été qualifiée par certains d’inutile, de gaffe politique, d’acte irresponsable déclenchant une crise politique inutile, mettant en danger la démocratie française et l’Union européenne. Tout cela ne peut s’expliquer que par l’immense pouvoir dont dispose le Président en vertu de la Constitution française de 1958 et par son narcissisme. L’immense pouvoir du Président est vrai, selon la Constitution, comme nous continuerons à le discuter plus tard, le Président a pratiquement les pouvoirs d’un souverain comme Louis Philippe d’Orléans.
Il est pertinent de poser cette question introductive pour savoir ce que le Président Macron poursuit avec le renvoi de l’Exécutif – le Premier ministre et tous ses ministres – et de l’Assemblée législative, pour démasquer les révisionnistes et les opportunistes de toutes couleurs tels que ceux regroupés au sein du soi-disant « Nouveau Front Populaire » ou ceux qui n’y sont pas regroupés, et pour l’utiliser dans l’agitation-propagande parmi les masses.
Nous pensons que Macron est face à deux alternatives : a) gagner les élections actuelles au second tour, qui est celui qui compte, avec un front républicain, qui est en place après le premier tour du 30 juin, ou b) céder à un gouvernement de cohabitation avec le RN afin de le « désenchanter » en l’intégrant comme un gouvernement sous sa tutelle. Ceci, afin que le RN – continuation du FN du vieux Le Pen, fondé par des ex-collaborateurs du régime de Vichy et des ex-Français membres de la SS nazie – perde l’« enchantement » qu’il a auprès des électeurs, puisqu’il n’a pas été au gouvernement jusqu’à présent et ne subit donc pas le rejet populaire, expression de la contradiction prolétariat-bourgeoisie, en tant que gouvernement des masses. En outre, dans les trois ans dont Macron dispose encore comme président, afin d’achever l’intégration ou l’adaptation du RN au régime constitutionnel actuel afin de maintenir la « stabilité » politique de la dictature bourgeoise. Il faut ajouter que le pouvoir souverain de Macron ne porte pas seulement sur les partis et l’assemblée, mais qu’il se réserve également les ministères de la Défense et des Affaires étrangères. Cela signifie qu’il n’y a aucun danger pour les engagements actuels de Macron concernant la guerre ou la politique de l’alliance impérialiste de l’UE, l’« européanisme ».
Selon les commentaires des médias bourgeois, en avançant les élections législatives, Macron entend « unir toute la nation française contre l’extrême droite », représentée par le RN, le parti rebaptisé de Le Pen, le Front national, qui est présenté comme le plus grand danger pour la démocratie, l’Europe, etc. Suivant leurs modèles dans la grande bourgeoisie, les opportunistes et révisionnistes les plus divers se sont regroupés dans le « Nouveau Front Populaire », en souvenir du « Front Populaire » d’avant la Seconde Guerre Mondiale, de la lutte contre le fascisme, pour défendre la forme de gouvernement démocratique bourgeoise de la dictature bourgeoise.
EN RÉALITÉ, LA QUESTION QUE NOUS AVONS POSÉE LORSQUE NOUS AVONS COMMENCÉ À RÉDIGER CES NOTES A DÉJÀ TROUVÉ UNE RÉPONSE DANS UNE LARGE MESURE
Après le premier tour des élections du dimanche 7 juillet, le journal belge De Tijd commentait lundi : « En fin de compte, ces résultats ne disent pas grand-chose sur la répartition finale des sièges au Parlement. Le deuxième tour arrive, et c’est alors que les considérations tactiques entrent en ligne de compte dans le choix. » Jeu électoral. Si un candidat RN arrive au second tour – ce qui n’est pas un problème étant donné les résultats du premier tour – les autres partis s’unissent généralement pour le battre.
La seule question qui se pose désormais est de savoir quel camp peut battre le rival du RN dans les circonscriptions électorales. « Macron s’attendait à ce que son alliance réussisse. Cependant, il a été surpris par la formation rapide d’un Front de gauche qui s’est produite immédiatement après son annonce d’élections anticipées », explique le journal. « Macron risque maintenant de devoir céder l’initiative à la gauche si son candidat arrive en troisième position. Mais il a clairement surestimé sa force. » Ce n’est pas vrai, car c’est la majorité des candidats du NFP qui ont cédé leur place aux macronistes, à l’exception de ceux de la soi-disant FI qui veulent hypocritement se montrer loyaux envers leurs électeurs mais qui finiront par pousser la charrette du « front républicain ».
Mais le journal El País de Madrid clarifie ce qui est exprimé dans le dernier paragraphe du commentaire du journal belge, quand il dit :
« La victoire du Rassemblement national au premier tour des élections législatives rejette la responsabilité sur les autres partis. Soit ils s’unissent au second tour pour battre le RN de Marine Le Pen, soit ils risquent d’ouvrir la voie à un gouvernement d’extrême droite en France d’ici une semaine. »
Le journal voit d’éventuelles difficultés à former un front contre la droite en raison des divergences politiques, mais déclare en même temps : « Heureusement, il semble y avoir une volonté de surmonter ces différences. » El País fait également référence à l’appel de Macron pour une solution : former une « union large, clairement démocratique et républicaine ».
Or, c’est déjà clair, comme nous l’avions anticipé, le NFP a retiré la majorité des candidats et les macronistes n’ont pas rendu la pareille dans la même mesure. Ainsi, dans la pratique, le « front républicain » proposé par Macron s’est constitué. Au passage, nous affirmons que cela clarifie que l’appel de Macron à des élections anticipées ne vise pas seulement à imposer la « légitimité » dans les urnes de sa politique rejetée par la majorité, mais qu’il a en ligne de mire les élections présidentielles de 2027. Et qu’il ne s’agit pas d’une mesure précipitée ou inutile.
Nous ajoutons que la bourgeoisie impérialiste des différents pays d’Europe a découvert très tôt l’importance d’utiliser la peur naturelle du fascisme dans les masses, à la fois pour restreindre les droits et libertés, de la liberté de conscience et du droit d’opinion au droit d’asile, et pour atteler les masses à l’État bourgeois en les appelant à se rendre aux urnes et à voter contre le danger du « fascisme » ou de l’« ultra-droite ». Dans certains cas, les services de renseignement ont facilité la formation de groupes armés néo-nazis ou néo-fascistes « clandestins », en leur fournissant du personnel, des armes et des moyens, pour attaquer les immigrés et même les membres des partis établis.
Dans presque tous les pays impérialistes, l’État bourgeois finance lui-même ces partis dits « d’extrême droite », conformément à ses lois électorales, et leur fournit également du personnel du service de renseignement intérieur pour les adapter à la politique générale de l’État, sous le prétexte de contrôler leur conformité à la constitution.
Ces partis « d’extrême droite » ou pro-nazis ou néo-fascistes servent pendant un certain temps d’« engrenage démocratique » au gouvernement d’opposition. Cela apparaît clairement si l’on observe le chemin parcouru par les partis de ce type dans l’Europe d’après-guerre, comme en Italie, en Allemagne, en France, etc. Il ne faut pas oublier comment le processus de « dénazification » s’est déroulé en Allemagne, où les anciens nazis ont été intégrés dans les institutions de la « démocratie » par le gouvernement Adenauer, ou en France, où de nombreux anciens fonctionnaires du régime de la République de Vichy ont successivement occupé des postes importants dans la IVe et la Ve République française.
Le RN recherche une approche réactionnaire plus ouverte de l’État bourgeois : il se concentre plus ouvertement que les autres partis bourgeois sur le danger de l’immigration pour l’« identité » française ; est en faveur de la même politique de l’impérialisme français de défense de ses intérêts impérialistes en gardant ses distances avec l’impérialisme américain et l’OTAN ; est en faveur de la propre politique militaire et atomique de la France, et des liens plus étroits avec la Russie pour défendre ses zones d’influence en Afrique et au Moyen-Orient, qui lui ont été enlevées par l’impérialisme américain et les autres puissances impérialistes. C’est pourquoi, à l’instar de l’AfD en Allemagne, il se présente comme « partisan de la paix » et « contre la guerre ». Le RN « veut une Europe à la carte » disent les médias bourgeois.
Maintenant, au second tour, qui est le plus important pour déterminer la composition de l’Assemblée législative, la faction de l’impérialisme français dirigée par Macron est confrontée au défi d’unir toutes les forces opposées au RN, y compris le NFP. Si l’accord et la redistribution des postes sont atteints et que le RN, dirigé par le pion de Le Pen, est vaincu, il y aura un gouvernement de ces forces. Ainsi, un « front républicain » aurait le droit de présenter un candidat pour cette faction de l’impérialisme français en vue des élections présidentielles de 2027. Mais Macron a prévu une alternative B pour une « unité nationale », un autre visage de collusion et de lutte de la grande bourgeoisie monopoliste à un nouveau niveau contre le peuple français, c’est-à-dire une « cohabitation » avec le RN, si ce dernier obtient une majorité parlementaire. Afin, comme nous l’avons déjà dit, de « désenchanter » le RN aux yeux des masses (arène de contestation), qui représente la faction rivale de la même bourgeoisie monopoliste française de la même dictature de classe, afin de regagner les sympathies des électeurs pour les élections de 2027. Mais, surtout, pour que le système devienne le tuteur ou le père adoptif de cette faction de l’impérialisme dans son adaptation à la Vème République.
Macron prend ce pari en sachant que dans les deux cas, a) ou b), il conservera le pouvoir gouvernemental pour la faction bourgeoise-démocratique réactionnaire de l’impérialisme français. De cette façon, le « Premier ministre et les ministres de la majorité parlementaire en tant que partie du pouvoir exécutif soumis au pouvoir présidentiel » servent de fusible au Président pour déclencher la colère populaire contre la politique anti-populaire de Macron. Tout cela est dû à la restructuration de l’État impérialiste français menée entre 1958 et 1962 par De Gaulle.
Macron, en tant que chef de l’État impérialiste français, cherche d’abord à « légitimer » son pouvoir présidentiel dans les urnes face au rejet populaire des mesures anti-ouvrières et anti-populaires de son gouvernement et à la défaite aux élections européennes. Il recourt à la peur des masses contre le fascisme, qui a permis à l’un de ses prédécesseurs, Chirac, d’être élu au second tour avec plus de 82 % des voix contre le vieux Le Pen, et à lui-même d’être élu au second tour contre la fille Le Pen, à deux reprises.
Macron, quels que soient les résultats, peut se maintenir au pouvoir et gouverner sur la base de la « légitimité » des résultats de la « dernière consultation populaire », soit avec un gouvernement de « consensus » ou de « cohabitation », une « légitimité » trompeuse qui lui est accordée par cette « république bâtarde » de la dictature de la bourgeoisie impérialiste. Avec cette « légitimité », il poursuivra son gouvernement de la grande bourgeoisie monopolistique, sa politique réactionnaire anti-populaire et anti-ouvrière. Voyons ce que dit la Constitution française de la Ve République sur le pouvoir présidentiel :
Selon la Constitution de la Cinquième République : « Outre les prérogatives habituelles d’un Président de la République, telles que la nomination du Premier ministre et des membres du gouvernement (article 8), ainsi que la présidence du Conseil des ministres et la promulgation des lois (articles 9 et 10), le Président a également le pouvoir de soumettre à référendum tout projet de loi relatif aux pouvoirs publics (article 11), ce qui lui donne le pouvoir de demander au peuple une légitimité directe au cas où le parlement ne serait pas d’accord avec lui. Il peut également dissoudre l’Assemblée nationale (article 12) et obtenir des pouvoirs exceptionnels lorsque la sauvegarde des institutions et de la nation est en danger (article 16). »
Le pouvoir législatif, composé de l’Assemblée nationale et du Sénat, a le pouvoir de voter les lois et de contrôler l’exercice du pouvoir. Il peut, s’il le souhaite, révoquer le gouvernement en ne lui accordant pas sa confiance. Le Sénat examine les lois et en cas de désaccord, cette dernière institution a toujours le dernier mot.
Mais, ajoutons-nous, ne nous méprenons pas : le Président de la République est intouchable et a entre ses mains la politique de la Défense (la guerre) et des Affaires étrangères. Et le « gouvernement » a la fonction de « fusible » du Président. Cela signifie que le « gouvernement » peut être changé mais pas le Président, qui peut toujours dissoudre le parlement et nommer un nouveau gouvernement.