En juillet 1967, alors qu’il y a 400 000 travailleurs en recherche d’emploi, est créé l’ANPE : l’Agence Nationale Pour l’Emploi. Depuis, l’entreprise s’est transformée ; en 2008, elle est devenue Pôle Emploi, mais le principe reste le même : contrôler les chômeurs, rendre disponible de la main d’œuvre, gérer la misère et l’isoler.
Le principe du chômage est simple. S’il est issu de luttes ouvrières pour la possibilité de vivre même en cas de perte d’emploi, l’assurance chômage est créé en 1958 sur un modèle corporatiste par De Gaulle, dans un but de pacification, de prise en main de la misère. Les patrons et les ouvriers cotisent à une caisse qui est gérée en commun par les « partenaires sociaux » (syndicats de travailleurs et organisations patronales) et l’état peut fixer certaines règles par décret. Les cotisations permettent de financer une allocation, dont le montant actuel est de 70% de l’ancien revenu brut sur la période travaillée, avec une règle d’un jour travaillé égal un jour alloué, dans la limite de deux ans. (Trois pour les personnes les plus âgées). Il existe d’autres dispositifs comme l’allocation de solidarité spécifique, pour ceux ayant épuisé leurs droits mais ayant travaillé cinq ans sur la dernière décennie. Bien sûr, l’objectif des gouvernements successifs mais aussi des bourgeois en général est de baisser le coût (pour eux) du chômage, donc de forcer les gens à revenir bosser pour des boulots mal payés. Les allocations sont donc en baisse, les radiations (suspensions d’allocations) de plus en plus fréquentes.
En novembre, le temps nécessaire pour toucher les allocations a augmenté de 50%, le temps nécessaire pour recharger l’allocation est passé de 1 mois à 6 mois (au lieu de travailler un mois pendant son chômage pour rajouter un mois de droits, il en faut désormais six). Et désormais, l’allocation sera calculée sur le temps non pas travaillé mais réel : si on touche 900€ brut par mois de missions d’intérim en moyenne pendant deux ans, le chômage sera de 630€ par mois, là où il aurait été de 900€ par mois si l’on calculait uniquement les jours travaillés.
Pôle emploi fonctionne sur un principe d’agence qui repose sur des conseillers, une direction et un pôle entreprise, et à également une enveloppe pour distribuer les allocations. La base, ce sont bien sûr les conseillers, en charge d’un « portefeuille » de chômeurs. Si beaucoup de conseilleurs sont des jeunes (ou moins jeunes) en CDD, avec un salaire faible, et une mentalité plus ouverte, beaucoup d’entre eux sont juste des flics qui se plaignent des « demandeurs » (sic), feignants, incapables de trouver un boulot, juste bon à se plaindre (même à propos de gens ayant plusieurs décennies de travail derrière eux, une famille à nourrir, des enfants, etc). Ces « portefeuilles » doivent être contrôlés régulièrement ; les chômeurs sont orientés vers une filière ou il y à de la demande, ou vers des formations. Bien sûr, leurs démarches sont vérifiées, et si l’on ne se plie pas aux démarches (parfois humiliantes, avec des ateliers et des réunions qui se multiplient), on est radié. Bien sûr, le travail des conseillers n’est pas de vérifier et d’aider au niveau administratif que tout est bien fait : au contraire, tout est informatisé, les bugs et problèmes peuvent mettre des mois à être résolus, les erreurs coûtent cher : bref, le but c’est de dégouter les gens de s’inscrire, de pousser à la radiation, même si les conseillers ne s’en rendent pas toujours compte ou pire, trouvent ça juste et légitime (une maman qui ne parle pas bien Français, une personne âgée qui a bossé toute sa vie au chantier, un intérimaire qui fait une pause, etc, sont souvent vus comme des cassos et des parasites qui ne méritent pas leurs allocations). Les conseillers sont épaulés par des services civiques qui font le petit travail de l’agence et en particulier l’accueil sur les ordinateurs pour les personnes qui n’y arrivent pas seul (puisque tout est informatisé). Ces derniers sont payés en dessous du SMIC horaire ; sans cotisations sociales. On peut en prendre 4 ou 5 pour le prix d’un conseiller, alors pourquoi se gêner ?
Les conseillers travaillent en lien avec le pôle entreprise, qui organise des sessions de recrutements pour différentes filières. Il y a beaucoup de réunions pour du recrutement : centre d’appel, temps partiel en grande distribution, usines ou l’ambiance est proche du bagne, etc. Bien sûr, il y a toujours du monde pour accepter : fin de droits, allocation trop faible pour payer toutes les charges, temps de travail trop faible, démission d’un CDI… Mais le pôle entreprise est aussi là pour trouver des employés aux boîtes qui ouvrent, ou aux secteurs spécialisés ; techniciens, ingénieurs…
La direction, elle, à la main sur les radiations. Elle peut les suspendre ou non suite à des demandes. Elle peut recalculer les droits. Bien sûr c’est purement arbitraire, et le procédé lui-même exclu pas mal de monde : ceux qui ne se retrouvent pas dans les papiers, l’administration, ceux qui parlent mal Français, ceux qui ne veulent pas se résoudre à mendier ce qu’ils ont pourtant mérité. Un directeur d’agence pôle emploi, c’est une sombre merde surpayée qui a entre ses mains la vie de gens modestes et qui peut arbitrairement décider de leur couper les allocations ou les rétablir. Bien sûr, les radiations sont de plus en plus fréquentes, la marge de manœuvre est de moins en moins importante, les sanctions de plus en plus rapide. La direction gère aussi les travaux et à une enveloppe de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour refaire les locaux régulièrement – ce qui semble plus important que d’allouer des fonds à des ordinateurs plus efficaces, pour des allocations d’urgence, etc…
Le but du gouvernement, c’est de conditionner le droit à l’allocation Pôle Emploi à la recherche d’emploi et au travail, sur le modèle anglo-saxon, avec à long terme pour objectif de faire de l’allocation un moyen de pression pour obliger les travailleurs à accepter un boulot ou un autre, une formation, etc, pour que la main d’oeuvre soit encore plus à disposition des patrons. A terme, il pourrait même y avoir une fusion dans l’allocation unique, ou le chômage ne serait plus un droit mais un don de l’état, conditionné à un certain nombre d’actions – toutes plus humiliantes les unes que les autres.
La réforme du bac, de l’université, vise également à réorienter la main d’oeuvre de la fac vers les centres de formation, les contrats de professionnalisations, tout en assurant aux enfants de la bourgeoisie une bonne éducation. La réforme des retraites aussi vise à forcer les gens à travailler plus, à se reformer en permanence pour ne pas avoir de « trou » dans sa carrière. L’ensemble à un but : flexibiliser la main d’oeuvre, la rendre docile et travailleuse.