Témoignage : une hôtesse de caisse face au virus

L’épidémie en cours modifie les quotidiens, mais laisse intact les rapports de classe. Elle dévoile même la nature profonde du système, qui peut parfois sembler stable et assurer un certain niveau de vie. Mais face au virus, ce sont les prolétaires qui luttent, qui produisent le nécessaire pour la lutte contre l’épidémie.

Le gouvernement et les bourgeois veulent à la fois éviter l’effondrement du système de santé et de leur légitimité, en ménageant l’appareil productif – bref continuer à faire du profit. Voici un nouveau témoignage, après celui concernant amazon hier. C’est cette contradiction qui fait que certains magasins appliuent les mesures de protection et d’autres non : la lutte des masses et la pression populaire.

Je vous écris pour témoigner de mes conditions de travail et de ce qui se passe dans un supermarché du Calvados où j’exerce un poste d’hôtesse de caisse.

Suite au discours de Macron, de nouvelles mesures ont été prises pour l’ensemble du pays mais pas partout, pas pour nous, alors je veux rétablir ici la vérité.

D’une part, il faut savoir qu’ici comme dans la majorité des supermarchés, il y a très peu de mesures sanitaires, alors même que l’affluence à doublée, les gens ne savent pas le danger qu’ils prennent, rien n’est désinfecté dans le magasin et rien n’est vraiment fait pour protéger les clients. Contrairement à ce qu’affirme la direction nationale de mon enseigne, nos caisses ne sont pas nettoyés et ici elles ne l’avait jamais été avant aujourd’hui ! En effet, c’est seulement en dénonçant la vérité aux clients et en ne me laissant pas faire face aux pressions de ma direction que celle-ci s’est enfin décidée à faire quelque chose aujourd’hui, c’est à dire :

Inviter les hôtesses à désinfecter elles-mêmes les caisses, en plus de leurs travail, en nous donnant uniquement du produit à vitre de la marque du magasin et du sopalin ! Je ne sais pas si ma direction est au courant mais depuis le début de l’épidémie cela n’a pourtant pas changé : LE PRODUIT A VITRE NE DÉSINFECTE PAS.

D’autre part, nous les hôtesses n’avons pas de masques pour nous protéger du virus, alors que nous sommes au contact de centaines de clients chaque jour ! Et en ce qui concerne les gants, nous en avons quelques paires à dispositions… Si par chance vous travaillez avant 12h vous aurez peut être votre taille, sinon ce sera du S ou alors des XXL. Et le lendemain vous pouvez n’avoir que des M ou des L. Surtout, personne ne vous oblige à les porter : ils ne sont pas obligatoires même si vous êtes en contact permanent avec les clients et que vous manipulez des marchandises et de la monnaie. Aussi, ces gants sont désagréables et de mauvaise qualité, nos mains sont abîmées à la fin de la journée et ces mêmes gants ne sont absolument pas imperméables :

Il y a une semaine, nous avons eu comme « indication » de désinfecter les caddies, paniers et scanettes du magasin car en contact avec les gens, un danger potentiel pour le client. Sauf que, les lingettes qu’on nous a données pour accomplir cette tâche ont une haute teneur en propane ! Ce qui a provoqué chez certains employés des maux de têtes et et des vertiges, mais aussi des allergies ou des chocs pour la peau ! Du coup, toutes les hôtesses de caisse ne l’ont pas fait ou alors ont fait semblant…

Aussi, pour se donner bonne conscience et donner une bonne image du magasin, hier alors que le magasin était bondé, on nous a installé une plaque récupérée d’un vieux placard en plexiglas pour nous séparer du client (sur le papier bien sûr, car la réalité est tout autre) ces plaques, ne sont bien sûr jamais nettoyés non plus. Ces plaques sont étouffantes, oppressantes et ont causées des crises de paniques et de claustrophobies à certaines de mes collègues !

Les caisses libres services restent ouvertes et nous sommes là aussi en contact direct avec les clients à moins d’un mètre car la zone de moins de 5m² contient 5 caisses donc potentiellement 5 à 6 clients et une hôtesse.

Le drive lui aussi reste ouvert face à l’afflux des commandes, c’est bien normal mais les employés du drive travaillent toute la journée dans les rayons au contact des gens qui font leurs courses, les 1 mètre de distance obligatoire ne sont là aussi pas respecté. Et en caisse c’est pareil, pire encore même, personne ne respecte les lignes, personne n’intervient et nous on peut rien faire, nous ne pouvons pas nous mesurer seules à 4 ou 5 clients.

Et en ce qui concerne la mesure de « pas plus de 100 personnes dans le magasin à la fois », elle n’est pas vraiment respectée et d’ailleurs nous les employés, nous ne sommes même pas comptés dans ces 100 personnes alors que nous sommes 50 à 70 personnes à travailler ici dans ce lieu fermé.

Pour finir, aucune précaution n’est prise pour les employés ou les clients à risque. Je pense aux personnes âgés qui viennent faire leurs courses car personne ne peut les faire pour elle. Mais aussi à mes collègues asthmatiques ou avec d’autres pathologies. Personne ne nous a demandé si nous avions des problèmes de santé.

Il y a seulement quelques collègues qui ont pris un arrêt maladie. Mais ils n’ont pas été remplacés et cela nous rajoute du travail. Moi qui suis caissière, on m’a obligée à changer de poste, à aller en rayon alors même que je n’en est pas les capacités physiques et les compétences, je suis caissière et ne suis pas apte à m’occuper des rayons et porter des charges lourdes ! Je suis totalement épuisée physiquement et psychologiquement, Entre la surcharge de travail et la pression de la direction et des clients qui sont irrespectueux, ce n’est juste pas tenable, quand je rentre chez chez-moi le soir je suis totalement épuisée.

Alors, j’ai demandé à ma représentante du « syndicat » si je pouvais utiliser mon droit de retrait mais tout de suite elle m’a dissuadé de le faire en me disant que ça ira jusqu’au prud’homme, que l’entreprise y prouvera dans tous les cas par A + B qu’elle est dans les normes, mais aussi que si j’utilise ce droit, c’est ma place dans l’entreprise qui serait menacé. D’ailleurs, suite à la prévention que j’ai fait aux clients pour qu’ils ne soient pas en danger, on m’a dit que  » je dénigrais le magasin, que cette histoire n’en restera pas là, que ma chef serait mis au courant sous peu et que je serai convoqué, donc peut-être viré « .

Alors que nous travaillons dans ces conditions inacceptables et que tout le monde à peur, nous subissons une pression énorme de notre hiérarchie qui nous dissuade de parler et qui se permettent de nous dire qu’on fait mal notre travail pendant qu’eux passent leurs journées à se tourner les pousses et discuter bien tranquillement. Forcément, le stress et la fatigue que nous accumulons, la pression qui est constante, tout ça a bien sûr des conséquences sur la qualité de notre travail !

Je trouvais ça vraiment important de partager avec vous ce qui se passe dans les supermarchés car je doute être la seule.

Personne n’en parle. Nous sommes en danger mais nous mettons aussi vos vies en danger .

D’après notre président nous sommes en guerre. Mais nous ne sommes pas du tout protégés.

Merci de m’avoir lu jusqu’au bout.

Un commentaire sur « Témoignage : une hôtesse de caisse face au virus »

  1. Oui c’est inadmissible. L’état fait rien pour le bas de l’échelle comme nous, les prolo juste bon à les servir. Peut être même qu’ils ont laissé le virus rentrer en France pour nous empêcher de manifester contre ce système qui nous oppresse!!!

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