Le groupe où il travaille est une multinationale possédant de multiples usines sur le territoire national comme partout dans le monde ; il produit notamment des desserts, des confitures, des jus de fruits, ou encore des compotes. Un ouvrier du groupe nous témoigne de la vie quotidienne à l’usine en cette période d’épidémie de Covid-19.
En cette période de confinement et de guerre sanitaire, alors que les hôpitaux sont obligés de choisir qui sauver et qui laisser mourir, alors que le pic de l’épidemie se profile devant nous, sans surprise, les profits passent avant le 0 risque pour les salariés et leurs familles. Le but ici est de maintenir l’activité du secteur agroalimentaire en parfait état de fonctionnement. Il faut que les consommateurs confinés puissent remplir leurs cadis sans ressentir un manque dans les rayons.
C’est la boule au ventre que les salariés partent au casse pipe. La journée type d’un ouvrier ou d’une ouvrière du groupe se passe comme cela :
Parti de ton logement d’où personne ne sort, tu arrives au parking où les collègues s’attendent en fumant. Passage du portillon badgé en poussant avec l’avant bras étant donné qu il n est pas désinfecté. Direction le vestiaire pour se laver les mains au savon et économiser le gel hydroalcoolique qui pourrait manquer. Puis retour dans le hall pour se présenter au passage de température. Le thermomètre donne souvent comme résultat 33/34 degrés. si tu n’es pas au dessus de 38 degrés, tu es « apte » à travailler. Tu enfiles alors ton masque, tu t’habilles aux vestiaires et tu pointes. À ce moment là, 15 minutes se sont déjà écoulées depuis que tu as franchi le portillon.
Les 8 heures de valse avec le Covid-19 peuvent commencer Mis à part les masques, rien ne change dans les méthodes de travail. Les collègues sont épaule contre épaule pour lire les plannings, pour consulter une fiche technique, pour s’écouter parler, baisser le masque et postillonner pour se faire entendre etc.
On est censé désinfecter son poste à la demande des délégués auprès de la direction, mais personne ne le fait car impossible, il y aurait trop de choses à désinfecter. Un bureau, un ordinateur c est facile à désinfecter. Une usine, c’est impossible.
Le masque est changé à la pause, quatre à cinq heures après la prise de poste. Dans certaines usines, ils ont un seul masque pour toute la journée. Le masque est d’ailleurs souvent mis sous le menton du fait de la chaleur humide qui se dégage dans l’usine. On se croirait dans les tropiques.
Le travailleur a ses habitudes et le mètre de distance n’est jamais respecté. À certains postes du conditionnement on peut avoir deux opérateurs face à face ou épaule contre épaule.
À la pause, ça se passe les briquets. On est très loin de la distanciation sociale prônée a l’extérieur. À la débauche, on a encore un petit attroupement pour la clope de fin de journée. Puis retour chez soi, en confinement.
Tu rentres chez toi avec ta dérogation sur le tableau de bord en écoutant à la radio le nombre de morts d’un virus qui parait lointain mais qui est pourtant déjà bien présent à l’usine mère avec trois cas avéré, et de nombreux cas suspects dans différentes usines.
Les masses travailleuses de ces boites indispensables continuent donc de bosser sans être dépistées et se retrouvent au contact de malades légers, qui ne sont pas toujours placés en quatorzaine.
Les familles de ces travailleurs et travailleuses vont faire leurs courses dans les supermarchés. Les travailleuses et travailleurs des Epahd y vont également. Tout cela met en danger les salariés des supermarchés, mais aussi les clients.
Décidément, le capitalisme n’est vraiment pas la panacée pour protéger la santé de la population !