Alors que la ville de Nice fait déjà l’objet depuis plusieurs semaines d’un couvre feu entre 22h et 5h du matin, le maire de la ville, Christian Estrosi, a décidé de durcir cette mesure, mais uniquement dans les quartiers populaires. Neuf secteurs sont ciblés, il s’agit de de Trachel, Jean Vigo, Notre-Dame, Saint-Charles, Bon Voyage, Maccario, Pasteur, Las Planas et les Moulins. Dans ces quartiers, le couvre feu commencera désormais à 20h.
Pour justifier sa décision, la ville de Nice affirme que le nombre d’infractions au confinement relevées dans ces quartiers est supérieure à la moyenne des autres quartiers. Ce raisonnement est évidemment biaisé : partout sur le territoire de l’État français, les quartiers populaires sont sous occupation policières, les contrôles y sont bien plus fréquents qu’ailleurs et les décisions policières et judiciaires à l’égard des habitants de ces quartiers sont beaucoup plus sévères qu’à l’égard des habitants des autres quartiers. Ainsi, ce n’est pas un moins grand respect des mesures de confinement dans les quartiers populaires qui est la cause du fait qu’il y a plus d’infractions qui y sont relevées, mais le harcèlement policier quotidien dont sont victimes les habitants de ces quartiers.
Pour les riches, un confinement en résidence secondaire à la campagne ou au bord de la mer
Si ce sont les quartiers populaires qui sont les plus ciblés par les politiques réactionnaires, si ce sont les habitants des quartiers populaires qui sont accusés à longueur de journée dans les médias de ne pas respecter le confinement, ce sont pourtant bien les habitants des beaux quartiers de Paris qui ont fui la capitale à l’annonce de la mise en place du confinement.
Selon l’opérateur téléphonique Orange, qui a analysé les déplacements de millions de personnes, 17% des habitants de la région parisienne sont partis vers la province entre le 13 et le 20 mars. Sans surprise, ce sont les territoires dans lesquels de nombreux riches parisiens possèdent des résidences secondaires, soit à la campagne, soit au bord de la mer, qui ont vu leur population augmenter. Ainsi, l’Île de Ré a vu sa population bondir de 30% quand les départements de l’Orne et de l’Yonne ont vu la leur augmenter de 10 %.
Cet exode des parisiens, largement toléré par les autorités, a sans aucun doute contribué à propager largement l’épidémie de Covid-19 dans des territoires qui n’étaient pas encore touchés par l’épidémie. En Bretagne, cette arrivée massive de bourgeois n’a pas plus aux habitants locaux qui, dans les communes de Plougrescant, Penvénan et Trévou-Tréguignec, ne se sont pas laissé faire et ont vandalisé les véhicules de riches parisiens venus propager le virus dans la région. Des actes similaires ont été observés à Chamonix.
Pour les ouvriers, l’obligation de travailler et de risquer quotidiennement de chopper le virus
Pendant ce temps, dans les quartiers populaires, la majorité de la population ne peut non seulement pas partir dans une résidence secondaire évidemment inexistante, mais nombreux sont également les habitants de ces quartiers à devoir continuer le travail à l’usine, sur les chantiers, dans les entrepôts, dans les supermarchés etc. Pendant que les cadres, grassement payés, font du télétravail depuis leur résidence secondaire, les prolétaires, eux, n’ont donc pas d’autre choix que de prendre le risque quotidien de contracter le virus, et ce pour un salaire généralement très faible.
Ainsi, au cours de la semaine du 21 au 27 mars, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine, a connu une surmortalité de 63%, un chiffre largement supérieur à la moyenne de l’État français. Mais cette surmortalité n’est pas due à un mauvais respect du confinement, elle est due au fait que la Seine-Saint-Denis compte, selon les critères de l’INSEE, 18,8% de ménages dont la personne de référence est ouvrier ou ouvrière – sans compter l’immense masse d’employés travaillant à Paris – , là où la moyenne à l’échelle nationale n’est que de 15,1%. Si l’on ajoute à cela un taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté de 28,6% en Seine-Saint-Denis contre 14,7% à l’échelle nationale, et le fait qu’évidemment la pauvreté cause des problèmes de santé, on a là tous les ingrédients pour que le département connaisse une surmortalité largement supérieure à la moyenne nationale.