États-Unis et Canada : le fléau des nouvelles drogues de synthèse

Flakka, Fentanyl, crystal meth, benzylpipérazine… Toutes ces drogues ont trois points communs : elles sont des produits de synthèse, comparativement à d’autres drogues comme l’héroïne ou la cocaïne, elles sont apparues relativement récemment sur le marché nord-américain, et elles font des ravages importants.

Le 21ème siècle, ou l’ère des drogues de synthèse

Généralement fabriquées à peu de frais en Inde ou en Chine, moins chères à la vente, plus puissantes, plus addictives, les nouvelles drogues de synthèse (NDS) ont inondé le marché mondial des stupéfiants ces dernières années. L’émergence de ces NDS, qui viennent chez de nombreux consommateurs remplacer les « anciennes drogues », est le résultat d’une restructuration de la production et de la distribution de produits stupéfiants.

Si le marché de l’héroïne a pendant longtemps rapporté des milliards d’euros à des réseaux de trafiquants, l’héroïne n’est cependant pas la drogue idéale pour le trafic. En effet, l’héroïne est un opiacé produit à base de pavot. Pour produire quelques kilos d’héroïne, il faut plusieurs mois de récolte d’opium dans des champs de pavot. Cela nécessite de l’espace et un climat adéquat pour faire pousser le pavot, cela nécessite des paysans qui coopèrent avec les trafiquants, cela nécessite des moyens pour soit cacher les lieux de production du pavot, soit pour corrompre les autorités afin qu’elles ferment les yeux, cela nécessite des moyens logistiques pour centraliser la récolte d’opium et l’acheminer jusqu’aux laboratoires clandestins de transformation, enfin, cela nécessite de la logistique pour transporter le produit fini vers les pays où les consommateurs sont les plus nombreux.

De plus, si l’héroïne conduit à une accoutumance certaine, ses effets dévastateurs sont aujourd’hui connus de la majorité de la population des pays où son usage est répandu. Trouver de nouveaux consommateurs peut donc s’avérer difficile pour les trafiquants. Les nouvelles drogues de synthèse, elles, peu connues du grand public, peuvent facilement être présentées comme « inoffensives » ou « non addictives » par des trafiquants prêts à tout pour écouler leurs stocks. Et pour ce qui est des personnes déjà accro à l’héroïne, à la cocaïne, au crack ou à d’autres produits, les nouvelles drogues de synthèse (NDS) ont un atout commercial non négligeable : une défonce plus puissante et moins chère, de quoi faire rêver n’importe quel toxicomane.

Alors quand des organisations mafieuses chinoises sont parvenues, vraisemblablement au début des années 2010, à synthétiser le fentanyl, c’est tout naturellement que de nombreux trafiquants se sont tournés vers la vente de ce nouveau produit, abandonnant ainsi le trafic d’héroïne. Comme souvent, le marché privilégié par les trafiquants a été l’Amérique du Nord : un marché où le pouvoir d’achat des consommateurs est supérieur à la moyenne, un marché comptant déjà un très grand nombre de toxicomanes qui seront bien évidemment ravis de voir débarquer un nouveau produit plus fort et moins cher, à même de remplacer l’héroïne. En effet, si le fentanyl peut être considéré comme une sorte « d’héroïne de synthèse » ses effets, eux, sont 50 à 100 fois plus forts que ceux de l’héroïne traditionnelle issue de la transformation de l’opium.

50 à 100 fois plus fort que l’héroïne, le fentanyl permet aux trafiquants de limiter les coûts liés au transport de la marchandise

En travaillant d’arrache pied pour faire régulièrement apparaître de nouveaux produits sur le marché, les narcotrafiquants agissent comme n’importe quelle multinationale : ils diversifient leur offre, ils tentent de séduire une nouvelle clientèle tout en fidélisant leur clientèle historique.

Quand en 2007 la multinationale Apple sort le premier iPhone, c’est une révolution technologique. Bien-sûr, la marque avait déjà des centaines de millions de clients adeptes des iPods et des iMacs, mais avec l’iPhone, elle a révolutionné le marché du téléphone mobile en fusionnant dans un seul outil numérique un iPod et un téléphone portable. Ainsi, Apple a séduit une nouvelle clientèle, bien plus nombreuse. Avec le fentanyl, les organisations criminelles ont opéré un coup de maître similaire à la création de l’iPhone : en remplaçant l’héroïne par un produit plus puissant, beaucoup moins cher et inconnu du grand public, elles ont réussi à fidéliser toute une base de consommateurs, à en attirer de nouveaux, et surtout à écouler massivement un produit qui nécessite peu de moyens à produire et qui est beaucoup plus facilement transportable. En effet, étant bien plus puissant que l’héroïne, le fentanyl ne nécessite qu’une dose infime pour produire des effets. Par conséquent, les quantités à transporter sont moins importantes que pour l’héroïne, ce qui réduit les coûts.

La logique est la même pour toutes les nouvelles drogues de synthèse (NDS). Entre 2015 et 2017, une drogue de synthèse surnommée « Flakka » ou « folie à 5 dollars » en raison de son prix, a beaucoup fait parler d’elle. Cette drogue, apparue à Tokyo en 2007, s’est rapidement répandue aux États-Unis à partir de septembre 2014. Ses effets ne font pas vraiment rêver : paranoïa, psychose, hypertension, tachycardie, palpitations, insuffisance hépatique, hallucinations, crises de panique et dépression, jusque là, pas vraiment de quoi donner envie de consommer cette folie à 5 dollars. Mais si la flakka s’est aussi rapidement répandue, faisant plusieurs dizaines de morts aux États-Unis en à peine quelques semaines, c’est surtout du fait de toutes les légendes urbaines l’entourant.

Le drogue « flakka » se présente sous forme de crystaux

Quand les médias se sont emparés du phénomène, ils ont présenté la flakka comme « la drogue qui transforme en zombie » ou encore « la drogue qui décuple la force physique ». Des compilations présentant les conséquences supposées de la consommation de cette drogue sont rapidement apparues sur YouTube, alimentant encore le buzz autour de ce produit. Il s’agit là de fantasmes, de légendes urbaines, rapidement démenties par les études scientifiques menées à ce sujet. Mais qu’à cela ne tienne, cette pub gratuite pour la flakka a constitué un atout commercial majeur pour les trafiquants, faisant ainsi augmenter la popularité du produit, et donc le nombre de consommateurs, car l’addiction à des produits stupéfiants est un cercle vicieux : la consommation régulière entraîne la dépendance, qui amène à une atténuation des effets du produit, et donc à l’augmentation des doses, et donc de la dépendance. Alors quand un nouveau produit apparaît sur le marché, et qu’en plus ce produit est présenté comme une « pure folie », c’est tout naturellement que de nombreux toxicomanes se jettent dessus, dans l’espoir de retrouver des sensations de défonce aussi puissantes que celles qu’ils ont pu avoir par le passé.

Chômage, pauvreté, violences sexuelles, isolement social, racisme, crise du logement… Le capitalisme créée les conditions sociales de l’addiction

Étudier les mécanismes du narcotrafic et les stratégies commerciales utilisées par les réseaux mafieux est très intéressant. Cela permet de démontrer que, si les réseaux mafieux ont des spécificités dans l’organisation de leur business du fait du caractère illégal de celui-ci, ces cartels n’en demeurent pas moins des multinationales capitalistes ayant de nombreuses similitudes avec les entreprises légales. Cependant, il reste en suspens une question fondamentale : pourquoi y-a-t-il des consommateurs ? Comment des gens en arrivent à s’injecter du poison dans les veines, à sniffer des substances toxiques, à fumer des produits addictifs qui causent chaque année dans le Monde des millions de décès ? Les réponses à ces questions sont à chercher dans le fonctionnement même du système impérialiste.

Aux États-Unis et au Canada, deux pays qui connaissent depuis plusieurs années une augmentation significative de la toxicomanie, il suffit d’observer le profil sociologique des toxicomanes pour comprendre que ce sont les personnes les plus pauvres qui sont frappées de plein fouet par le fléau de l’addiction.

Déjà en 1938, le sociologue Robert K. Merton analysait la « déviance » comme une résultante des structures sociales. Selon lui, un individu devient déviant lorsque les buts légitimes qu’il poursuit (avoir une situation matérielle confortable, avoir un bon emploi, être heureux) sont inatteignables en respectant les normes sociales et légales en vigueur. L’individu peut alors soit se tourner vers la criminalité et ainsi trouver un moyen alternatif d’atteindre ses objectifs, soit vouloir échapper à cette réalité. C’est là qu’intervient la consommation de drogue. Les sociologues Richard Cloward et Lloyd Ohlin appuient la thèse de Merton en reprenant les conclusions d’une enquête menée par Harold Finestone en 1957 auprès de jeunes noirs accros à l’héroïne, et affirment ainsi que ces individus « n’ont trouvé leur place sociale nulle part ailleurs que dans la consommation de drogues ».

Ces travaux sociologiques démontrent une réalité indéniable : le capitalisme, en promouvant la richesse individuelle comme objectif de vie, en plaçant l’individu avant le collectif, crée les conditions de la misère et de la frustration sociale, qui créent ainsi un terrain favorable à la consommation de drogue chez des individus pour qui une telle consommation semble être le seul moyen de s’évader – ou du moins d’avoir l’impression de s’évader – d’une vie faite de pauvreté, d’isolement social, de violence, de racisme…

De plus, en l’absence de toute réponse sociale adaptée, la toxicomanie est un réel cercle vicieux : un individu devient toxicomane du fait de conditions sociales particulièrement favorables au développement d’une addiction, mais la réaction des institutions, qui vont caractériser cet individu de déviant et le réprimer de ce fait, ne va faire qu’accentuer la déviance en isolant encore plus cet individu, en aggravant sa situation économique, ce qui pousse les toxicomanes à vivre en communauté de toxicomanes, communautés où la drogue est omniprésente et au sein desquelles il est donc très difficile de décrocher.

Aux États-Unis, le lieu le plus emblématique de ce fléau est sans aucun doute le quartier de Skid Row, à Los Angeles, où vivent plus de 2000 sans abris, dont un très grand nombre sont toxicomanes. À Vancouver, sur la côte ouest du Canada, c’est le quartier pauvre de Downtown Eastside qui est l’épicentre de la consommation de fentanyl. Dans ces quartiers, nombreux sont les toxicomanes souffrants de handicaps physiques ou de troubles psychiatriques. Abandonnés par les structures des États capitalistes, ces personnes n’ont pas d’autre choix que d’errer dans les rues et de tuer le temps en consommant des produits qui ne font que détériorer encore plus leur santé, tant physique que psychique. Parmi ces milliers de sans abris toxicomanes, difficile de dire combien se sont retrouvés à la rue à cause de leur addiction, et combien sont devenus addicts après s’être retrouvés à la rue. Quoi qu’il en soit, qu’on soit marginalisé à cause de l’addiction ou qu’on tombe dans l’addiction à cause de la marginalité, il est indéniable que la pauvreté renforce l’addiction, et l’addiction renforce la pauvreté.

Le quartier de Skid Row, à Los Angeles

Les grandes villes ne sont pas les seules touchées par l’explosion de la consommation de fentanyl. Au Canada, la petite ville de Hope, à 150 kilomètres de Vancouver, enregistre déjà 12 overdoses mortelles, pour seulement 6185 habitants. Celle de Princeton, située dans la même région et peuplée de 2828 personnes, compte elle aussi 12 décès, et détient de ce fait le triste record du nombre de morts par overdose rapporté au nombre d’habitants. Seulement, dans ces petits villages, contrairement à ce qu’il se fait dans les grandes villes, les toxicomanes se défoncent seuls, dans leur chambre, et il n’y a généralement aucune association pour leur venir en aide. Loin de grandes villes, cette tragédie touche particulièrement les amérindiens. Victimes du racisme systémique à leur encontre, parqués dans des réserves, ils ont en effet cinq fois plus de chances de mourir d’une overdose de fentanyl que le reste de la population.

Les crises économiques, conséquences des contradictions inhérentes au système capitaliste, aggravent encore cette situation. La crise financière de 2008 dite « crise des subprimes » a eu d’importantes conséquences sur le marché immobilier, faisant ainsi exploser le nombre de SDF aux États-Unis. En 2017, la seule ville de Los Angeles comptait près de 57 800 personnes sans domicile fixe, un chiffre largement supérieur à ce qu’il était avant la crise de 2008. Bien-sûr, parmi ces dizaines de milliers de SDF, les minorités ethniques, originaires de pays dominés par l’impérialisme états-unien, sont largement sur-représentées. Ainsi, 40% de ces SDF de Los Angeles sont afro-américains et 35% sont hispaniques. Par ailleurs, 9% d’entre eux sont mineurs.

La crise du logement est donc non seulement une crise du capitalisme, mais elle est également une crise de l’impérialisme qui, en ravageant des dizaines de pays, pousse sur les routes de l’exode des millions de personnes, dont beaucoup deviendront des sans-abris dans les grandes villes des pays impérialistes. Dans ces pays impérialistes, des patrons racistes et sans scrupule profitent en suite de la vulnérabilité de ces personnes sans papiers, en les employant pour des petits boulots non déclarés et mal payés. Les femmes sans papiers sont également nombreuses à se retrouver exploitées par des réseaux mafieux qui les forcent à se prostituer, ajoutant au racisme et à la pauvreté l’une des pires conséquences du patriarcat : la violence sexuelle.

2018 : des milliers de migrants honduriens tentent d’entrer sur le territoire états-unien

Le fait d’avoir été victime de violences, et notamment de violences sexuelles est par ailleurs un facteur de toxicomanie. Dans un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé, il est par exemple indiqué que les jeunes garçons ayant été victimes de pédophilie ont plus de chance de devenir toxicomanes que la moyenne. En 1994, un rapport de l’organisme Statistique Canada démontrait que plus du quart des femmes mariées victimes de violences conjugales trouvent du réconfort dans la consommation d’alcool ou de produits stupéfiants. Par ailleurs, les programmes de traitement de la toxicomanie à l’intention des femmes rapportent que jusqu’à 80 % de leurs clientes ont vécu de la violence auparavant, cette violence pouvant être sexuelle ou non. Ce lien entre le fait d’avoir été victime de violences, notamment sexuelles, et la toxicomanie semble être confirmé par nombre de toxicomanes, particulièrement des femmes. Récemment, le média Brut s’est rendu sur la « colline du crack » à Paris, porte d’Aubervilliers. Dans ce reportage, on voit notamment le cas d’une jeune femme prénommée Laurie, ayant été victime de pédophilie et d’inceste et étant tombée dans l’addiction au crack suite à ça. On voit également le cas de Mirlène, qui elle aussi a subi des violences sexuelles et qui, recontactée quelques temps après par Brut, affirme que son cas est loin d’être une exception parmi les personnes accros au crack.

Des drogues aux conséquences désastreuses

L’usage des nouvelles drogues de synthèse (NDS) depuis le début des années 2010 a fait baisser l’espérance de vie aux États-Unis, celle-ci étant passée de 78,9 ans en 2014 à 78,6 ans en 2017. Et pour cause, en 2017, 70 000 états-uniens sont décédés d’overdose, soit 2,5% des décès recensés dans le pays cette année là. À lui seul, le fentanyl, est responsable de 30 000 de ces overdoses mortelles. La même année, la cocaïne, la méthamphétamine et les autres psychostimulants dont la MDMA ont causé 27 000 décès par overdose aux États-Unis.

Bien-sûr, les overdoses ne sont absolument pas la seule cause de décès liée à ces drogues. Chaque année, de nombreuse personnes trouvent la mort dans des accidents de la route dus à la consommation de produits stupéfiants. De même, les problèmes de santé à long terme causés par la consommation de drogues causent de très nombreux décès.

Pour des drogues dont la consommation de masse est relativement récente, comme le fentanyl par exemple, il est encore difficile de dire quelle sera l’étendue de l’hécatombe qui se prépare, mais une chose est certaine, l’explosion de la consommation de ces substances va causer des dégâts immenses. Et le problème n’est pas près de s’arrêter : plus les lobbys pharmaceutiques font pression sur les médecins pour que ces derniers prescrivent en masse des antidouleurs, notamment des opiacés, plus le nombre d’addicts à ces produits augmente, et plus la consommation de fentanyl augmente, car nombreux sont les patients qui passent d’une consommation médicale légale de produits achetés en pharmacie à une consommation addictive illégale de produits achetés dans la rue. Une enquête menée par les centres américains de contrôle et de prévention des maladies révèle ainsi que 80% des usagers actuels d’héroïne auraient commencé l’usage d’opioïdes pour des raisons médicales. À eux seuls, les États-Unis consomment 80% de la production mondiale d’opiacés, alors que le pays représente moins de 5% de la population mondiale, et le pays compte deux à trois millions de personnes accros aux opiacés.

Il faut bien dire que cela était inévitable : en l’absence de tout accompagnement médical et social – et même avec un tel accompagnement – le sevrage est quelque chose d’extrêmement difficile, traumatisant. De nombreuses personnes ayant réussi à se détacher d’une addiction témoignent de l’horreur qu’a été leur sevrage : diarrhée, vomissement, insomnies, dépression pouvant aller jusqu’au suicide… Arrêter une drogue est bien évidemment plus difficile que commencer.

Un rapport de 2012 sur les Troubles du comportement liés aux différents types de sevrage rencontrés aux urgences ou à l’UHCD (unité d’hospitalisation de courte durée) affirme que les symptômes liés au sevrage d’opiacés « peuvent générer une angoisse importante pour le patient et des manifestations d’irritabilité et d’impatience à l’origine de demandes multiples, contradictoires ou se mêlent à la fois une réelle sollicitation de l’équipe soignante pour soulager ces symptômes et une ambivalence à arrêter les produits et à négocier une pseudosubstitution ». Dans le même rapport, les conséquences comportementales du sevrage à la cocaïne sont également mentionnées. Celles-ci sont de diverses natures mais peuvent comprendre des insomnies ou au contraire une hypersomnie, une augmentation de l’appétit ou encore une agitation excessive ou un ralentissement psychomoteur. Lorsque le toxicomane n’est pas accompagnée dans son sevrage, ces symptômes peuvent amener cette personne à se mettre en danger ou à être violente envers autrui.

Au delà des conséquences sanitaires et sociales évidentes, l’augmentation de la consommation de drogues a un effet plus pernicieux dont s’accommode bien la classe dominante : les drogues jouent un rôle de contrôle social. En annihilant les capacités physiques et mentales, en offrant une « solution miracle à tous les problèmes », elles ont toujours contribué à détourner les masses populaires des idées révolutionnaires. Pourquoi, et surtout comment faire la révolution quand on est tellement accro à une substance qu’on ne peut pas passer plus de quelques heures sans en consommer ? Voilà une question que se sont sans doute posé les capitalistes qui ont à plusieurs reprises utilisé consciemment la drogue pour détruire des organisations révolutionnaires, comme dans les années 1960/1970 où les autorités états-uniennes, avec notamment le programme COINTELPRO du FBI, ont vraisemblablement fait en sorte de répandre l’addiction au crack au sein du Black Panther Party afin d’affaiblir l’organisation.

Huey P. Newton, cofondateur du Black Panther Party et leader du mouvement tombera dans l’addiction au crack et finira assassiné par un dealer

Un fléau qui touche également le Mexique

Cette réalité des conséquences de l’addiction aux nouvelles drogues de synthèse (NDS), les habitants de la ville de Tijuana la connaissent bien. Dans cette ville située au Mexique, à la frontière avec les États-Unis, en 2010, plus de 200 000 personnes étaient addictes au crystal meth, une drogue de synthèse consommée depuis les années 1980 mais qui a connu un regain de popularité au cours des années 2000.

À la frontière entre le Mexique et les États-Unis, des milliers de personnes s’entassent, et nombre d’entre elles tombent dans l’addiction au crystal meth

Il faut dire qu’au Mexique, il est très facile de se procurer de la méthamphétamine : la drogue est généralement produite dans des laboratoires clandestins situés sur le territoire mexicain et destinée en suite à passer la frontière pour être vendue aux États-Unis. Seulement, le renvoi vers la frontière mexicaine de milliers de sans papiers par les autorités états-uniennes a fait exploser le nombre de SDF à Tijuana, et avec lui le nombre de consommateurs de crystal meth. Là encore, la toxicomanie semble être un fléau engendré par l’impérialisme, et si à Tijuana 80% des délits enregistrés sont commis sous l’emprise de méthamphétamine, la réponse de l’État mexicain consiste juste à réprimer les consommateurs, en les incarcérant. Ainsi, dans la prison de Tijuana, jusqu’à 95% des détenus seraient toxicomanes.

Une seule réponse des États : la répression, la répression, et encore la répression

La gestion répressive de la crise de la méthamphétamine par l’État mexicain est loin d’être une exception, en réalité c’est même la norme. Les États capitalistes, incapables – et probablement réticents à cette idée – de faire disparaître le fléau de la consommation de drogues, préfèrent réprimer violemment les consommateurs et les petites mains du trafic plutôt que d’accompagner socialement et médicalement les toxicomanes, mais aussi les personnes qui, vivant dans la misère, pourraient sombrer dans une addiction. Utiliser la répression pour lutter contre le trafic de drogue, c’est comme mettre une pansement sur une fuite d’eau : ça fait croire qu’on s’attaque au problème, ça masque pendant quelques temps les conséquences de celui-ci, mais ça ne règle rien dans le fond. Pire : la répression est même bien souvent un facteur aggravant de l’addiction, car elle contribue à marginaliser les consommateurs, et qui dit marginalité, dit renforcement de l’addiction.

En réalité, il n’y a donc rien à attendre des États capitalistes dans la gestion des problèmes liés à la drogue. C’est le système capitaliste qui a enfanté le trafic et les addictions, il serait naïf de penser que ce même système capitaliste peut apporter une solution quelconque à ce problème. La solution se trouve dans la solidarité populaire à l’égard des personnes addictes, à l’égard des personnes les plus marginalisées, mais elle se trouve surtout dans la lutte révolutionnaire pour définitivement mettre à bas ce système capitaliste qui, en ne donnant pas d’autres perspectives que la pauvreté et l’isolement, pousse des millions de personnes à consommer.

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