Notre société est une société patriarcale. Mais souvent, ce terme est liquidé : on oublie que le patriarcat est avant tout une structure construite sur une base matérielle. Et cette base matérielle, c’est la nécessité du travail reproductif. Le travail reproductif, c’est le travail indispensable à la société, mais qui n’est pas payé, qui est réalisé au sein du foyer. Ce travail est dévolu aux femmes, essentiellement : les statistiques parlent de 3h26 par jour pour les femmes contre 2h pour les hommes. Mais cette statistique est trompeuse, elle prend en compte les hommes seuls, bien obligés de réaliser leur travail ménager, et ne prend en compte que le travail « strictement ménager », en oubliant d’autres parts du travail reproductif.
Dans l’actualité, un scandale est représentatif de cette question : celui sur les masque, réalisés gratuitement par des couturières. En effet, une grande partie du travail reproductif est devenu un marché capitaliste, mais ces secteurs restent essentiellement féminins. Les masques ne sont pas pris en charge par l’appareil productif et l’État a simplement laissé la population se débrouiller. Il faut bien, donc, que la solidarité se mette en place, et en tant que travail féminin, reproductif, ce sont les femmes qui s’y collent.
Une couturière déclare pour France Info : « J’ai tout envoyé et fabriqué avec mon argent, j’ai fait ça par solidarité vu les manques du gouvernement, explique-t-elle. Mais au final, je paye pour mon propre travail, et je paye aussi de ma personne. Pour le moment, ce sont les nerfs qui tiennent et le besoin des gens, mais peut-être que je vais m’écrouler tout d’un coup et que ça n’ira plus ». La production de masques est un travail reproductif, un travail qui fait parti de la valeur de la force de travail, de la reproduction de cette force de travail. Les couturières ont travaillé gratuitement pour les hôpitaux et les EHPAD. Ce travail est essentiel pour empêcher des gens de tomber malade.
Cette couturière n’est pas la seule à craquer. Elles sont nombreuses à passer de longues journées de travail gratuit, bien plus que le droit du travail ne l’autoriserait. Ce travail est essentiel, mais reste gratuit, malgré tout. La « solidarité » n’est pas neutre, et le choix délibéré de faire reposer la production de masques sur la population rend l’État responsable de ce surplus de travail féminin.
On peut tirer plusieurs conclusion de tout cela. D’abord, le travail reproductif est essentiel mais invisible. Il est nécessaire, et repose sur le dos des femmes, bien plus que ne veulent le dire les statistiques. Et pourtant, il pourrait être fait d’une autre façon : par des personnes payées, des ouvriers et des ouvrières. Dans les pays socialistes, en particulier la Chine*, le travail domestique n’était pas simplement réparti – même si il l’était, bien entendu – entre hommes et femmes, mais socialisé : tout ce qui pouvait être fait en dehors du foyer l’était. Blanchisseries collectives d’immeuble, garderies et crèches collectives, cantines collectives par quartier, entre autres.
Le Front Uni* doit absolument prendre en compte cet enseignement et appliquer la socialisation du travail reproductif, dès qu’il le peut.
*La Chine était un État socialiste jusqu’à la prise du pouvoir par Deng Xiaoping en 1976.
* Front Uni composé des Jeunes Révolutionnaires, du Mouvement Populaire des femmes, de l’Action Révolutionnaire LGBTI, du Front Prolétaire et de La Cause du Peuple