Interview d’un membre du Comité Nouveau Brésil

La Cause Du Peuple vous présente une interview d’un membre du Comité Nouveau Brésil, une organisation créée pour « défendre et faire connaître les luttes populaires pour la démocratie au Brésil ».

CDP : Bonjour, en premier lieu, pouvez-vous nous présen-ter le Comité Nouveau Brésil ?

Le Comité Nouveau Brésil (CNB) est un rassemblement de démocrates et de révolution-naires en France qui s’organisent pour défendre et faire connaître les luttes populaires pour la dé-mocratie au Brésil. Principale-ment la lutte pour la révolution agraire cœur de la révolution dans le tiers-monde et donc dans le monde.

CDP : Pourquoi spécifique-ment le Brésil, n’y a-t-il pas d’autres pays où les luttes doivent être défendues ?

Nous n’avons pas choisi le Brésil au hasard ou parce que nous aimions le pays, ce choix découle d’une analyse et d’une compréhension du rôle présent et futur que ce pays va jouer en Amérique et sur le reste de la planète. Bien entendu nous soutenons toutes les luttes des masses dans le monde sans ex-ception mais les phénomènes se développent toujours de ma-nière inégale, aujourd’hui le Bré-sil et plus largement l’Amérique Latine ont une place centrale dans la grande lutte pour l’éman-cipation de l’humanité.

CDP : Pourquoi le Brésil et l’Amérique Latine ont-ils au-jourd’hui une place à part ?

L’Amérique Latine est un concentré de tous les problèmes des masses et des peuples oppri-més de l’humanité. C’est la région du monde où les inégalités sont les plus criantes, où la contradiction entre les classes do-minantes et pauvres est la plus intense. De plus, l’Amé-rique latine est « l’arrière-cour » des États-Unis. Sans sa domination totale et féroce sur l’Amé-rique latine, l’Oncle Sam ne pourrait pas se maintenir comme hyper puissance hé-gémonique. Comme nous l’a enseigné le Président Gon-zalo (Président du Parti Communiste du Pérou, NDLR), l’Amérique latine est un tas de bois mort qui est prêt à s’enflammer à tout moment, les innombrables ré-voltes ces dernières années confir-ment cela. Le Brésil, particulièrement, est un concentré de l’Amérique latine, il est un parfait exemple de pays semi-co-lonial et semi-féodal. Une poignée de propriétaires terriens possèdent la plus grande partie des terres, tandis que des millions de paysans n’y ont pas accès. Résultat, les mé-tropoles brésiliennes sont cernées d’immenses quartiers pauvres, les fameuses favelas. Ces propriétaires terriens sont main dans la main avec les capitalistes compradores (bour-geoisie brésilienne collaborant avec l’impérialisme NDLR) directement liés au capital étranger, principale-ment états-unien. Le capitalisme est de type bureaucratique, c’est à dire qu’il n’a pas pu se développer cor-rectement du fait de la domination étrangère. De fait le pays connaît une désindustrialisation et une aug-mentation de la misère et de la vio-lence. Près de 60% de la population ne mange pas à sa faim ! Toutes ces contradictions ont amené l’arrivée au pouvoir du gouvernement Bol-sonaro mais dirigé en sous-main (de plus en plus directement) par l’ar-mée. Les violences contre les masses sont terribles, la police massacre comme récemment dans la Favela de Jacarezinho, et les militants et activistes dans les campagnes sont lâchement assassinés. Le fond del’air est génocidaire. Face à cela les masses luttent de plus en plus avec ténacité.

CDP : Pouvez-vous nous en dire plus sur les luttes en cours ?

En juin d’immenses manifesta-tions ont déferlé sur le Brésil contre le gouvernement actuel et contre le fascisme. Elles sont venues confir-mer que les masses sont à bout et veulent du changement face à leur gouvernement. Juste avant une ma-nifestation importante s’était dé-roulée contre le massacre de la Fa-vela Jacarezinho, confirmant que le peuple ne veut plus être exterminé gratuitement.Mais l’événement le plus im-portant s’est déroulé dans l’état de Rondônia. Dans cet endroit éloigné de tout, une organisation paysanne de masse affronte une contre-révo-lution assoiffée de sang. Il s’agit de la Ligue des paysans pauvres (LCP). L’occupation de terre dans le camp Manoel Ribeiro, qui compte plu-sieurs milliers de familles organisées par la LCP, a connu des mois de siège militaire, de harcèlement, d’espion-nage et d’autres artifices pour faire régner la terreur. Malgré cela, les paysans sont sortis victorieux. Les familles, par décision unanime de leur assemblée populaire, ont entre-pris un événement historique : de la zone, complètement encerclée, elles se sont retirées silencieusement dans l’obscurité de l’aube, laissant apathiques les commandants et les troupes répressives qui, des jours plus tard, lorsqu’ils ont pris d’assaut le camp, n’ont trouvé qu’une phrase provocante et magnifique écrite sur un chiffon transformé en bannière : Nous reviendrons plus forts et mieux préparés ! Cet événement a pris de court les réactionnaires et a suscité une solidarité nationale et mondiale sans précédent. Le Comité Nouveau Brésil est né directement de cette campagne de solidarité.

CDP : Expliquez-nous plus en dé-tail, pourquoi les paysans plus que d’autres parties de la population ?

Comme nous l’avons dit, 70% des masses mondiales sont dans le tiers-monde et de ces masses la majori-té sont des paysans. Dans chaque pays dominé il y a un problème agraire persistant et non résolu et les masses les plus profondes, déci-dées à la révolution, sont issues de la paysannerie. En clair, ce sont les paysans pauvres des pays du sud qui sont aujourd’hui le cœur de la révolution prolétarienne mondiale. Les paysans au Brésil sont particulièrement or-ganisés sous la direction de la Ligue des Paysans Pauvres, ils luttent de manière juste pour la Révolution agraire et contre l’opportunisme que sont les fameuses réformes agraires qui n’ont jamais été appliquées. Comme nous l’avons dit plus haut le Brésil est incandescent et les masses paysannes dirigées par la LCP sont la pointe avancée du grand change-ment.

CDP : Nous comprenons, mais en quoi cela concerne le prolétariat et les masses de France ?

Le prolétariat est une classe unique, ce qui signifie que la révo-lution est mondiale même si chaque pays connaît un développement propre du processus. Concrète-ment nous voulons exprimer le fait que toute avancée de la révolution quelque part dans le monde est une avancée ici. La phase de pour-rissement de l’impérialisme, phase actuelle du capitalisme, amène la ré-volution et la contre-révolution. Lut-ter contre la contre-révolution c’est appuyer la révolution. Le Brésil, très bientôt, va s’embraser, les vagues de la révolution brésilienne vont venir déferler sur notre pays et accélérer le processus révolutionnaire interne. Nous avons donc tout intérêt à sou-tenir activement les révolutionnaires au Brésil, à diffuser leur lutte et leurs messages.

CDP : Vous n’êtes donc pas un mouvement de solidarité comme les autres ?

Comme prolétaires, nous n’avons qu’une classe, alors nous avançons épaules contre épaules avec les paysans pauvres du Brésil comme pointe la plus avancée de la révolu-tion prolétarienne mondiale. Leur combat est totalement notre com-bat. Le CNB est une petite contribu-tion à la révolution brésilienne car une victoire au Brésil signifierait un immense pas vers la libération de l’Humanité, ce que nous voulons de tout notre cœur. Le CNB n’est pas seulement une organisation théo-rique, elle existe dans le concret, notre internationalisme est pratique et déterminé, c’est à dire proléta-rien.

CDP : Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par pratique ?

Nous avons mené diverses ac-tions contre le consulat du Brésil à Lyon, nous faisons régulièrement des actions en soutien avec la LCP et les révolutionnaires et démocrates. Nous relayons les campagnes de solidarité venant du Brésil. Comme perspectives nous allons lancer une campagne en solidarité avec la LCP dans les mois à venir. Divers évène-ments sont prévus pour massifier la solidarité avec la révolution bré-silienne. Nous continuerons bien-sûr la traduction des textes et do-cuments portant sur le sujet. Vous pouvez nous suivre, et bien-sûr nous rejoindre, sur le site : https://comitenouveaubresil.wordpress.com

Route bloquée par des paysans révolutionnaires en 2008